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[Témoignages] Dans la Vienne

Changer collectivement les pratiques pour préserver une eau potable


TNC le 25/12/2019 à 06:05
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De gauche à droite : Mickaël Lomme, David Gourmaud, Jimmy Journaud, ainsi que Pascal Lacroix et Sylvain Coudreuse de BASF qui participent aux essais pour tester des solutions de biocontrôle. (©Nathalie Tiers)

Pour enrayer la pollution de la ressource en eau sur plusieurs bassins d’alimentation de captage, le syndicat Eaux de Vienne met en place des contrats territoriaux en partenariat avec les acteurs concernés, notamment les agriculteurs.

À 40 kilomètres à l’est de Poitiers, l’aire d’alimentation de captage du Gué de Sciaux s’étend sur 2 200 hectares dont 1 870 de surface agricole comptant 35 exploitations. La qualité de l’eau y est dégradée à deux niveaux.

D’une part, on trouve des molécules issues de la dégradation de l’atrazine, un désherbant retiré du marché il y a près de 20 ans. Alors que le seuil fixé par l’Union européenne est de 0,1 microgramme par litre d’eau, les analyses révèlent des teneurs entre 0,09 et 0,11 µg/litre.

D’autre part, l’un des trois puits de l’aire montre un taux de nitrates de 54 mg/litre, supérieur au seuil de potabilité fixé à 50 mg/litre.

« La situation est inquiétante également sur les deux autres puits avec une augmentation de la teneur en nitrates depuis 1996, et des pics pouvant atteindre 40 voire 50 mg, précise Jimmy Journaud, animateur agricole pour le syndicat Eaux de Vienne. Cela s’explique notamment par les apports tardifs d’azote sur blé, pas toujours bien valorisés. En outre, certaines zones irriguées ont été menées en monoculture de maïs sans couverture des sols en hiver. »

À lire : Assises de l’eau – 23 mesures pour une nouvelle gestion de la ressource en eau

Les agriculteurs très mobilisés

Pour pouvoir continuer à distribuer une eau potable à ses usagers, Eaux de Vienne a donc engagé sur ce territoire un programme de reconquête de la qualité de l’eau en partenariat avec les acteurs agricoles et non-agricoles. Il est assorti d’un budget de 900 000 euros pour six ans, financé par le syndicat, l’Agence de l’eau et la région Nouvelle Aquitaine. Des diagnostics ont été réalisés auprès des collectivités et des agriculteurs, et des objectifs ont été définis collectivement.

Concernant l’activité agricole, trois enjeux prioritaires sont identifiés : la généralisation de la couverture permanente des sols, le développement d’alternatives au désherbage chimique, et la mise en place de nouvelles filières afin d’allonger les rotations. Actuellement, les terres agricoles sont principalement occupées par le blé (40 %), le colza (19 %), l’orge (21 %), ainsi que le maïs et le tournesol (21 %), mais très peu par les prairies (2 %).

« Les agriculteurs sont très mobilisés, ils ont envie d’avancer, observe Jimmy Journaud. Un groupement d’intérêt économique et environnemental a été créé par une dizaine d’entre eux représentant la moitié de la surface agricole de l’aire de captage. » Le « GIEE Gué de Sciaux » est porté par la Cuma du Trieur à Saint-Savin. Il est animé par la chambre d’agriculture de la Vienne, et travaille en partenariat avec le lycée agricole de Montmorillon et le « GIEE Sol et eau Poitou ».

À lire aussi : Sols vivants – Avancer en groupe vers l’agriculture de conservation des sols

Désherbinage et herse étrille

Vis-à-vis de la problématique des nitrates, des essais sont mis en place pour tenter de réduire les reliquats azotés du blé. « C’est compliqué car très dépendant de la météo, reconnaît Mickaël Lomme, conseiller à la chambre d’agriculture et animateur du groupe. Le troisième apport d’azote est fortement conseillé pour améliorer le taux de protéines, mais s’il est mal valorisé, il crée un reliquat. Il est alors indispensable d’avoir recours à un couvert. » D’autres essais visent à allonger les rotations avec des protéagineux (pois, féverole) ou des cultures de printemps précédées de couverts végétaux. Pour le colza, efficace dans le piégeage des nitrates, l’utilisation de plantes compagnes (féverole, lentille, fenugrec) montre en outre un intérêt pour la restitution d’azote et la diminution des apports d’engrais minéral. Cela contribue aussi à réduire les insecticides.

À ce sujet : [Essais colza dans le Centre-Ouest] Légumineuses associées au colza : un espoir contre l’altise

Le GIEE teste également le désherbinage du tournesol permettant de réduire des deux tiers l’usage des herbicides, ainsi que le désherbage mécanique de l’orge d’hiver. « Le désherbinage a bien fonctionné cette année et va se développer, indique Mickaël Lomme. Quant au désherbage mécanique de l’orge, il est pratiqué à l’aide du matériel utilisé par les deux producteurs bio du GIEE. Un premier passage de herse étrille est fait au stade deux feuilles, puis un deuxième trois semaines plus tard avec une herse étrille rotative plus agressive. Mais l’usage de ces outils est très dépendant des conditions climatiques. »

Meilleure absorption par les sols

Membre du GIEE, David Gourmaud est polyculteur-éleveur sur 200 ha à Paizay-le-Sec avec 400 truies en système naisseur-engraisseur. Historiquement, il cultivait du blé, de l’orge, du colza et du tournesol. Désormais, il diversifie sa rotation avec du maïs et du sorgho, ainsi que des protéagineux d’hiver (féverole, pois) valorisés en autoconsommation. Il a également recours aux couverts végétaux. « Mon objectif est d’aller vers une couverture végétale permanente et le semis direct quand c’est possible, explique-t-il. Un sol mieux structuré et plus riche en matière organique possède un meilleur pouvoir d’absorption des nitrates et résidus de produits phytosanitaires. » « Les contraintes liées à la reconquête de la qualité de l’eau sont ainsi une opportunité d’aller vers des sols plus fertiles, des systèmes moins gourmands en intrants et plus rentables. »

Par ailleurs, l’agriculteur s’est équipé pour l’épandage du lisier au cordon : une rampe attelée au tracteur est reliée à un tuyau souple pompant dans la fosse à lisier. « Je peux épandre jusqu’à 1,7 km de la fosse, soit sur 85 % de mes terres. Ce système léger me permet d’entrer dans les parcelles à tout moment sans risque de dégrader les sols, afin d’apporter le lisier au plus près des besoins des cultures. »

Par ailleurs, l’agriculteur s’est équipé pour l’épandage du lisier au cordon : une rampe attelée au tracteur est reliée à un tuyau souple pompant dans la fosse à lisier. « Je peux épandre jusqu’à 1,7 km de la fosse, soit sur 85 % de mes terres. Ce système léger me permet d’entrer dans les parcelles à tout moment sans risque de dégrader les sols, afin d’apporter le lisier au plus près des besoins des cultures. »

À voir : Épandage de lisier sans tonne – Plus respectueux des sols, l’épandage centralisé séduit les éleveurs

Luzerne et plantes médicinales

Dès la première année du programme d’actions piloté par Eaux de Vienne, 150 ha de couverts végétaux ont été financés via l’achat des semences. Pour toucher ces aides, les agriculteurs doivent implanter le couvert avant le 15 septembre et le détruire après le 15 janvier sans désherbant chimique. Le programme a également pris en charge le coût des prestations de matériel telles que la désherbineuse (120 ha en 2019). Enfin, une étude est en cours de réalisation dans l’objectif d’estimer le potentiel de développement de nouvelles filières autour de la luzerne (culture à bas intrants) ou des plantes médicinales et aromatiques, qui permettraient de diversifier davantage les rotations.