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Témoignages d'éleveurs

« Attaques de corbeaux : les dégâts sont considérables cette année ! »


TNC le 15/05/2020 à 08:04

Après le semis de maïs, l'heure est au resemis pour bon nombre d'agriculteurs. Les attaques de corbeaux sont très importantes cette année, comme en témoignent Laurent Thiébot en Ille-et-Vilaine ou encore Sébastien Delva dans le Nord. En tournesol chez Julien Dupuis dans les Deux-Sèvres, ce sont surtout les pigeons qui font du dégât. En ce qui concerne l'effarouchement, ça ne suffit pas, « et encore moins lorsqu'on se fait voler son matériel », témoigne l'éleveur.

Attaques de corbeaux en maïs ou encore pigeons en tournesol… Les agriculteurs tentent de mettre en place des moyens de lutte mais sont malheureusement bien souvent contraints de resemer. Ils témoignent :

« 8 ha à resemer et jusqu’à 3 000 € de perte »

Éleveur laitier en Ille-et-Vilaine, Laurent Thiébot a semé 49 ha de maïs fourrage (sur ses 94 ha de SAU pour 110 vaches laitières et leur suite). « On a démarré les premiers semis au 13 avril dans de très bonnes conditions. La levée était optimale mais après ça a été un désastre. On a eu une invasion de corbeaux sur trois sites différents. »

Canons à gaz, épouvantails achetés ou faits-maison, rubans de chantier, effaroucheur sur un mât… l’éleveur est pourtant largement équipé mais ça ne suffit pas. « Les effaroucheurs fonctionnent sur un rayon de 3 à 4 ha seulement, rien n’est adapté aux grandes parcelles et il faudrait mettre les canons à gaz pendant 4 à 6 semaines, du semis à la levée, mais là ça pose problème ! En tant qu’agriculteurs, on comprend et on s’y habitue mais pendant le confinement, c’est plus délicat. Heureusement, mes parcelles équipées sont loin des habitations. »

Concernant les tirs de nuisibles, les demandes tardent à être traitées et les autorisations sont délivrées bien trop tard. « De toute façon, je dispose de trop peu d’arbres dans mes parcelles pour me cacher, les corbeaux ne sont pas bêtes », confie Laurent. « Il n’y a qu’une chose que je n’ai pas essayée, c’est l’effaroucheur sonore mais c’est encore un investissement supplémentaire ! »

Et à ce niveau, Laurent en a eu bien assez. Obligé de resemer 8 ha de maïs, il estime la perte entre 2 000 et 3 000 € : « Entre le coût des semences et les pieds qui ne pousseront pas, ça monte vite. Et bien-sûr, pas d’indemnisation, le corbeau étant un animal sauvage. » Il conclut : « Il n’y a pas de solution miracle. L’idéal serait de pouvoir les éradiquer mais ce n’est pas possible ». Autre piste que Laurent envisage : « Il serait intéressant d’utiliser un drone pour évaluer l’état de la parcelle vue d’en haut. Cela permettrait peut-être aussi d’être plus précis sur le resemis. »

« On m’a volé mon effaroucheur ! »

Dans les Deux-Sèvres (79) chez Julien Dupuis, c’est un autre problème… Installé depuis une dizaine d’années avec son père sur l’élevage de Parthenaises (100 vêlages/an) et ses 170 ha de SAU, impossible pour lui de semer la trentaine d’hectares de céréales à l’automne à cause des pluies. Père et fils ont alors augmenté leur surface en maïs et ont décidé d’implanter 25 ha de tournesol. Au moment de la levée en revanche, ce fut l’invasion de pigeons. « Si nos voisins sont embêtés par les corbeaux dans le maïs, ici ce sont les pigeons dans le tournesol. Par endroits, il y en avait une quarantaine », affirme Julien.

Lire aussi : Les dégâts d’oiseaux, une véritable problématique pour les tournesols

L’éleveur a alors demandé une dérogation pour les tirer mais sans réponse, il a préféré prendre les devants et investir dans deux canons à gaz. « Le champ est à 600 m des premières habitations. On les mettait en route du lever du jour au coucher du soleil en les tournant bien-sûr dans le sens inverse des habitations », explique-t-il. Et pourtant, ça a dû déplaire à certains puisque le 25 avril, Julien constate qu’on lui a volé son dispositif. En colère, l’éleveur s’est exprimé sur Facebook :

« Je peux comprendre que ça dérange certaines personnes et que le bruit soit un peu amplifié avec l’écho de la vallée mais quelqu’un aurait pu m’appeler ou venir me voir pour en discuter. Les gens ne comprennent pas que cela représente une perte d’argent (non seulement en nous volant notre matériel mais aussi parce que les pigeons sont revenus) et une perte de temps (parce qu’il a fallu porter plainte et faire une déclaration à l’assurance). »

Le coup de gueule de l’éleveur a été fortement relayé sur les réseaux sociaux et les JA du département en ont remis une couche en guise de piqûre de rappel aux citoyens. Suite à ça, « certains maires ont même pris des arrêtés en faveur de leurs agriculteurs pour autoriser et encadrer la mise en place des effaroucheurs sur leurs communes », confie Julien. Peut-être de quoi mettre du plomb dans la tête à certains !

« 30 % de ma surface de maïs ensilage à resemer »

Sur les réseaux sociaux, beaucoup d’éleveurs font le même constat : les ravageurs se multiplient et les dégâts sont importants. Dans le Nord (59), Sébastien Delva partage son désarroi dans une vidéo postée sur Twitter :

« Tristement aujourd’hui on resème du maïs car on a énormément d’attaques de corbeaux. Aujourd’hui c’est 4 ha, mais au total, c’est 30 % de ma surface de maïs ensilage que je dois resemer. » Sa stratégie ? Alors qu’il sème normalement à 105 000 pieds/ha, l’éleveur a choisi de limiter le resemis à 85-90 000 pieds pour essayer de conserver ceux qui sont présents et ne pas trop surcharger les rangs.

L’éleveur interpelle d’ailleurs le ministère de l’agriculture dans son post : « À force de nous enlever nos outils de protection, c’est l’agriculture et la France qui se perd… » et explique dans le fil de discussion : « Avant nous avions de l’anthraquinone, un traitement de semence qui empêchait les corbeaux de manger les graines, mais ça c’était avant… J’ai essayé d’enrober la semence avec du piment, ça marche au début mais l’humidité du sol et les pluies font disparaître le goût. » Il ajoute : « Depuis quelques années, nous installons des nichoirs pour les chouettes et autres rapaces mais la pression est énorme et les rapaces seuls ne suffisent pas. »