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Prospective

Quelle transmission en élevage à l’horizon 2025 ?


TNC le 02/07/2018 à 05:52
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Le ministère de l'agriculture a réalisé une étude sur la transmission des élevages en 2025 afin de pouvoir réfléchir d'ici là et proposer des outils adaptés pour accompagner cette phase cruciale de la vie d'une exploitation. Quatre scénarios, plus ou moins optimistes, sont envisagés.

Un prix du lait au ras des pâquerettes et volatil, des incertitudes sur la Pac, en particulier sur son budget global et celui des aides, mais aussi sur les politiques agricoles nationales, un marché foncier tendu avec des tarifs de plus en plus exorbitants, un métier exigeant de plus en plus de capitaux et de compétences pour un salaire dérisoire, alors que la pénibilité de certaines tâches reste importante, que les normes sont de plus en plus contraignantes et que la pression écologiste et anti-élevage ne cesse de se durcir : pas étonnant, vu la conjoncture politique, économique et sociétal, que les éleveurs aient de plus en plus de mal à trouver un repreneur et à transmettre leur ferme.

C’est pourquoi la transmission en élevage est devenue le cheval de bataille de nombreux organismes agricoles. L’Institut de l’élevage-Idele par exemple a lancé le projet Orgue pour travailler autour de l’organisation du travail et des relations humaines. Le ministère de l’agriculture, quant à lui, a mené une réflexion prospective sur le sujet. Car s’il est déjà compliqué de transmettre son élevage aujourd’hui, qu’en sera-t-il en 2025 ? Quatre scénarios, plus ou moins optimistes, sont envisagés, sur lesquels l’impact de la suppression des quotas laitiers est difficile à mesurer.

Le premier, baptisé « des agricultures héritées », repose sur plusieurs hypothèses :

En production laitière plus spécifiquement, « la spécialisation se poursuit dans le Grand Ouest, où les structures s’agrandissent et se robotisent, précise l’étude. Parallèlement, les zones fromagères en appellation d’origine protégée (AOP) sont préservées et regroupent des entreprises agricoles diversifiées ». Toutefois, le poids des producteurs de lait demeure faible face aux industriels, qui ont mené une profonde restructuration. En élevage allaitant, le débouché italien est en perte de vitesse mais perdure malgré tout. Alors que des producteurs se tournent vers les grandes cultures, d’autres choisissent d’extensifier leur système ou d’engraisser les broutards. Les bassins naisseurs/engraisseurs se spécialisent avec la reconversion de certains ateliers laitiers.

En matière de transmission d’exploitation, que laisse présager ce scénario, dans la droite ligne des évolutions que connaissent l’agriculture et l’élevage depuis quelques années ? Selon le ministère de l’agriculture, il entraînerait « le développement du portage du capital par des tiers et la mobilisation des collectivités dans les territoires les plus fragiles ».

Le deuxième scénario, appelé « des agricultures contractualisées », est basé sur les postulats suivants :

Dans le secteur animal, les tendances décrites dans le premier scénario sont amplifiées. De nombreux éleveurs abandonnent le lait et ne subsistent que « des producteurs très performants, à la tête de gros cheptels et d’ateliers modernes ». Quelques circuits courts voient le jour en parallèle. En viande, l’engraissement des bovins connaît un regain d’intérêt sur le territoire français, aboutissant en 2025 à l’arrêt des exportations de broutards vers l’Italie. « Certains élevages se restructurent, d’autres s’extensifient », explique l’analyse. Beaucoup nouent des contrats avec l’aval pour adapter leurs produits à la demande.

Cette série de changements s’accompagne d’une certaine sécurisation de l’activité agricole qui, avec l’essor des formes sociétaires, facilitent la transmission.

À travers le troisième scénario, dit « des fermes-usines », le ministère de l’agriculture prévoit :

En conséquence, on observe une concentration de l’élevage laitier, avec des ateliers peu nombreux mais de grande taille utilisant les nouvelles technologies. « Quasiment intégrées par les outils industriels, qui se sont restructurés, ce sont des partenaires qui disposent d’un réel pouvoir sur le marché. Seules les AOP, très bien valorisées, tirent leur épingle du jeu. » Près des villes, des fermes se regroupent pour vendre en direct à grande échelle, mais ce mode de commercialisation demeure marginal. En production de viande, les maîtres-mots sont également restructuration et spécialisation, conduisant une « quasi-intégration dans l’aval de la filière, qui garantit les débouchés et accompagne la modernisation et l’adaptation » des exploitations. Les bassins allaitants se vident de leurs élevages et la forêt gagne du terrain.

La transmission des fermes se retrouve face à des mutations majeures liées au changement de statut des agriculteurs, au recours à des outils de droit commun employés par les PME et à la montée en puissance des apporteurs de capitaux extérieurs au secteur agricole. Dans certaines zones, les collectivités territoriales accompagnent les projets.

Quant au quatrième scénario, il sous-entend :

Résultat, en lait comme en viande : « les fermes sont diversifiées et assurent l’alimentation de leur troupeau ». Le partage du travail, des investissements et du risque entre plusieurs exploitations est la clé de ce système, qui permet de conserver un tissu laitier conséquent. « Des ateliers de taille modeste restent très présents en zones périurbaines et AOC, où ils bénéficient de l’appui des collectivités et même des coopératives pour le développement de circuits courts, et la nécessaire adaptation de leurs pratiques », détaille la prospective du ministère.

Ce dernier scénario redonne de l’attractivité au métier d’agriculteur et d’éleveur. Entre celui-ci et le premier, où elle est totalement érodée et où les reprises qui se complexifient parce que la situation économique et politique actuelle de l’agriculture reste inchangée, différentes solutions peuvent être favorables à la transmission des élevages : généralisation des formes sociétaires, portage du capital, modernisation des ateliers, augmentation du niveau de technicité des producteurs… L’avenir nous dira vers quel modèle d’exploitation et de transmission notre pays se dirige. Peut-être sera-t-il un mélange entre ces quatre scénarios ? Une chose est sûre cependant : le financement du capital d’exploitation, l’acquisition de compétences solides et variées et la sécurisation de l’activité agricole seront primordiales.