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Fraude au travail détaché

Nouvelle condamnation en France pour une société espagnole


AFP le 04/04/2022 à 17:39

La société espagnole Terra Fecundis, qui envoyait des travailleurs, majoritairement équatoriens dans des exploitations agricoles du sud de la France, a été condamnée pour la deuxième fois en moins d'un an par la justice française pour violation des règles européennes du travail détaché. [Article mis à jour le 05/04/2022 à 16h51]

En juillet 2021, Terra Fecundis, aujourd’hui rebaptisée Work for All, avait écopé d’une amende de 500 000 euros, infligée par le tribunal correctionnel de Marseille. Ses trois dirigeants avaient en outre été condamnés à quatre ans de prison avec sursis et 100 000 euros d’amende.

L’entreprise de travail temporaire installée à Murcie avait fait l’objet dès 2014 d’un signalement auprès du parquet de Nîmes car elle prétendait avoir recours à des travailleurs saisonniers selon les règles du détachement temporaire en vigueur dans l’Union européenne. Mais elle réalisait une bonne part de ses 50 millions de chiffre d’affaires annuel en France, sans pour autant avoir procédé aux déclarations sociales et fiscales nécessaires.

Au total, entre 2012 et 2015, le groupe espagnol avait fourni plus de 26 000 salariés, majoritairement sud-américains, à diverses exploitations agricoles françaises. Ils étaient largement privés du paiement de leurs heures supplémentaires, contraints de travailler jusqu’à 70 heures par semaine pour certains. Les conditions de travail étaient tellement déplorables que certaines exploitations agricoles françaises étaient baptisées « Guantanamo », en référence au centre de détention de l’armée américaine à Cuba, ou encore « El Carcel » (la prison en espagnol).

Terra Fecundis a à nouveau été jugée le mois dernier, cette fois à Nîmes (Gard), pour la période allant de décembre 2017 à octobre 2018.

Le tribunal correctionnel l’a condamnée le 1er avril à 375 000 euros d’amende, selon le texte du jugement obtenu lundi par l’AFP. Elle a en outre été interdite définitivement d’exercer toute activité liée au travail temporaire en France. Les dirigeants de la société espagnole n’étaient cette fois pas poursuivis.

« Répugnant, repoussant, indescriptible »

En revanche, les gérants de sept exploitations agricoles françaises ayant fait appel à ses services étaient aussi sur le banc des accusés. Ils ont tous écopé d’amendes allant de 10 000 à 15 000 euros, dont une partie variable avec sursis, pour « travail dissimulé » et « emploi illégal de travailleurs étrangers ».

L’un des exploitants agricoles, dont les logements étaient surnommés « El Carcel », a également écopé de six mois de prison avec sursis pour avoir hébergé ses ouvriers dans des conditions indignes, selon le jugement.

Sur un des sites qu’il exploitait, constitué d’un bâtiment en dur et de 11 mobiles-homes installés en plein champ, les inspecteurs du travail avaient constaté que les douches étaient dans un « état de saleté indescriptible », les « cabinets d’aisance dans un état répugnant » et les cuisines dans un « état de saleté repoussant ». Sur un autre de ses sites, des salariés avaient expliqué ne pas pouvoir dormir à l’intérieur en cas de fortes chaleurs en raison de l’absence de ventilation et de la condamnation des fenêtres.

Les inspecteurs du travail, dont le rapport a été versé au dossier pénal, concluaient que « les conditions élémentaires d’hygiène et de confort » n’étaient « pas respectées » et les conditions de vie « contraires à la dignité humaine ». Le syndicat CFDT, qui s’était constitué partie civile au côté notamment de la CGT et de FO, s’est réjoui lundi de l’issue du procès de Nîmes.

« C’est évidemment une nouvelle décision très satisfaisante puisqu’elle enfonce le clou du jugement de Marseille et condamne des exploitants agricoles », pour qui cela doit constituer un « signal d’alerte », a commenté lundi Me Vincent Schneegans, l’avocat du syndicat CFDT, qui s’était porté partie civile.

En effet, « 5.000 salariés par an sont concernés dans le sud de la France », a-t-il ajouté. Terra Fecundis a également été montrée du doigt en 2020 pour les mauvaises conditions d’hébergement de ses ouvriers agricoles après l’apparition de 258 cas de Covid chez des saisonniers en Provence.