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Sommet de l'élevage

Les éleveurs dubitatifs devant Emmanuel Macron


AFP le 04/10/2019 à 17:05
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Emmanuel Macron au Sommet de l'élevage. (©Compte twitter Didier Guillaume)

Christelle Proust, éleveuse de Limousines dans la Creuse, a été « surprise » de voir débarquer Emmanuel Macron au milieu des vaches, vendredi au Sommet de l'Élevage, comme beaucoup des milliers d'éleveurs présents à Cournon d'Auvergne, près de Clermont-Ferrand.

Dans les allées de l’immense exposition agricole, l’une des plus importantes du genre en Europe, ouverte depuis mercredi, beaucoup se demandent : « Veut-on encore des paysans en France ? ».

Ainsi, Christophe Fontes, venu de Castres, « a le moral à zéro et n’attend pas grand chose ». Pêle-mêle, au passage du président, les éleveurs déballent leurs problèmes : sécheresse, prix trop bas sur les produits, charges sociales et environnementales trop élevées, retraites trop basses, concurrence faussée avec des pays qui produisent de la viande bon marché grâce à des produits interdits en Europe comme les farines animales. Sans parler des loups et des ours qui attaquent leurs troupeaux dans les Pyrénées et les Alpes.

« Le moral est à zéro avec le Ceta (l’accord de libre-échange signé entre l’Union européenne et le Canada, NDLR). On doit se débrouiller nous-mêmes, on ne compte pas sur le président. Il faudrait augmenter le prix de la viande de 50 centimes à 1 euro le kilo pour qu’on s’en sorte », estime Christophe Fontes qui élève des Blondes d’Aquitaine, la race à l’honneur cette année au salon.

« Mon fils a 20 ans, il veut être agriculteur mais ça fait peur, notre niveau de vie baisse, les charges augmentent », souligne Christelle. « Les Parisiens nous disent que le prix de la viande augmente, mais pour nous il baisse, alors il y a en a bien qui font des marges ».

Même si elles ne les touchent qu’à la marge, les taxes sur le vin et le fromage français annoncées par Washington jeudi ont été ressenties comme un coup de grâce par des éleveurs français aux abois.

Le ministre de l’agriculture Didier Guillaume, qui accompagne Emmanuel Macron en Auvergne, a dû publier un communiqué vendredi promettant une « réponse coordonnée européenne » pour défendre les filières agricoles attaquées par les taxes américaines : viticulture en France, laitière en Italie, etc.

Emmanuel Macron au Sommet de l’élevage. (©Compte twitter Didier Guillaume)

À Cournon, même les plus libéraux des éleveurs, favorables au commerce international, se sentent piégés par la mondialisation, qu’ils nomment « distorsion de concurrence ». La sécheresse de l’été s’ajoute aux attaques des ONG sur leurs pratiques (utilisation de produits phytosanitaires, d’eau, bien-être animal). « J’ai l’impression d’être le premier délinquant de France alors que mon métier c’est de produire à manger », se désole Nicolas Maupu qui a prévu de s’installer comme agriculteur et est venu faire part au président de son hésitation entre le bio ou le conventionnel.

VACHES ÉVACUÉES D’URGENCE

Avec l’accord commercial Ceta, ils redoutent également de voir arriver en France des milliers de tonnes de viande canadienne, issue de bétail et de cultures bénéficiant de produits interdits dans l’UE, comme l’atrazine ou les insecticides néonicotinoïdes, ou nourries aux farines animales, indique Patrick Benezit du syndicat majoritaire FNSEA.

Delphine Freyssinier, éleveuse de vaches Salers dans les Monts du Cantal, ne sait même pas comment elle va payer le foin qu’elle devra acheter pour ses animaux cet hiver. « Soit un emprunt à court terme, soit je vends des vaches » dit-elle.

Isabelle et Anaïs Falvet, mère et fille associées dans une exploitation lait et viande dans le Cantal, ont pu parler au président qui a multiplié les signes d’affection et les clins d’œil à l’adresse des éleveurs : assister au concours national de la race Salers, porter le badge « j’aime les blondes » offert par le syndicat de la race Blonde d’Aquitaine.

« Il faut qu’on arrive à vendre nos produits et c’est de plus en plus compliqué », dit Anaïs, 23 ans, sans se laisser distraire.

Pour faire pression sur les pouvoirs publics, la FNSEA a présenté jeudi au salon un agenda « d’actions » culminant mi-novembre avec un grand rassemblement à Strasbourg, et comportant notamment des blocages et des opérations escargot le 8 octobre sur les routes de « toute la France ».

Dans les bousculades qui ont entouré la visite présidentielle, des vaches ont dû être évacuées d’urgence, une corne cassée pour l’une d’entre elles. Mélanie Capdevielle, 20 ans, n’est pas dupe : « Macron se sent obligé d’être là, il faut qu’il soit au Sommet. Mais on le voit, c’est néfaste, ça perturbe les animaux et sa venue ne va pas faire bouger les choses au final ».