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Accord UE/Mercosur

Les agriculteurs français dénoncent un accord UE/Mercosur « inacceptable »


AFP le 30/06/2019 à 06:05

Les agriculteurs français ont exprimé leur profonde inquiétude samedi après la conclusion la veille d'un accord de libéralisation commerciale entre l'UE et les quatre pays du Mercosur, les éleveurs bovins se disant prêts à se mobiliser.

« Quelques semaines après l’élection européenne, inacceptable signature d’un accord Mercosur-UE qui va exposer les agriculteurs européens à une concurrence déloyale et les consommateurs à une tromperie totale », a twitté la patronne du premier syndicat agricole français FNSEA, Christiane Lambert. En cause, les quelque 99 000 tonnes de viande bovine – imposées au taux préférentiel de 7,5 % – que les quatre pays latino-américains (Argentine, Bresil, Uruguay et Paraguay) devraient pouvoir exporter vers l’UE, fragilisant un peu plus les 85 000 éleveurs français de vaches allaitantes. Ceux-ci sont déjà très touchés par la guerre des prix dans la distribution en France et sous le feu des critiques de mouvements végans radicaux.

« Le point de rupture est atteint pour les éleveurs bovins », a réagi dans un communiqué la Fédération nationale bovine (FNB), instance représentant les éleveurs. « Notre exaspération et notre colère, nous allons désormais, dans les prochaines semaines et les prochains mois, fortement l’exprimer », promet le FNB. Outre cet accord, l’organisme fustige « l’absence de concrétisation des objectifs des Etats généraux de l’alimentation » avec des prix d’achat de la viande au plus bas mais aussi « la ratification express » en juillet par l’Assemblée Nationale du Ceta, l’accord de libre échange entre l’Union européenne et le Canada qui permettrait l’accès au marché européen de viandes canadiennes produites selon des normes différentes.

En marge de son déplacement au Japon pour le G20, le président Emmanuel Macron saluait pour sa part un accord « bon à ce stade ». « Mais nous serons très vigilants », a-t-il assuré, ajoutant vouloir « lancer une évaluation indépendante » de ce pacte qui comportera une « clause de sauvegarde » permettant d’interrompre son application « en cas de déstabilisation majeure » d’un secteur agricole.

Abattement et incompréhension

Le commissaire européen à l’agriculture Phil Hogan promettait pour sa part dès vendredi soir « une aide financière » jusqu’à un milliard d’euros « en cas de perturbation du marché ». Lourdement dépendants des subventions européennes, organisés en exploitations familiales extensives au revenu très bas (entre 10 000 et 12 000 euros en moyenne en 2018, selon la Fédération nationale bovine), les éleveurs français estiment qu’ils ne parviendront pas à concurrencer les « usines à viande » latino-américaines. D’autant que selon eux, les pratiques illustrent un double-standard de production entre les deux continents : antibiotiques utilisées comme hormones de croissance d’un côté assorties de déforestation, contre toujours plus de normes environnementales côté européen.

Les tweets des responsables agricoles montraient l’abattement et l’ampleur de l’incompréhension face à un accord qui menace leur survie. « A quoi bon demander en France et en Europe une montée en gamme en termes de qualité et de respect de l’environnement si c’est pour importer des produits contraires à cet effort ? » s’interroge le syndicat Jeunes Agriculteurs (JA).

Grande braderie

La Confédération paysanne a dénoncé sur Twitter le « sacrifice de l’agriculture et l’élevage sur l’autel d’un commerce cannibale et d’une course folle à la croissance au détriment du climat, de la planète et des hommes ».

Le plus déçu est sans doute Jérémy Decerle, ancien président des Jeunes agriculteurs (JA) et tout nouveau député européen de la liste Renaissance soutenue par Emmanuel Macron. « En parfaite transparence, un vendredi soir, l’accord commercial UE Mercosur est conclu par la commission sortante. Les consommateurs et les agriculteurs méritaient plus de respect. En tant que député européen je ne peux pas l’approuver » a-t-il twitté.

Selon la Fédération nationale bovine, le rythme de baisse du nombre d’élevages bovins a doublé depuis 2017 en France, à 1 500 ces dernières années. « Il est toujours important de savoir qui, au nom des chefs d’Etat et de gouvernement, organise la grande braderie de l’élevage européen », s’interroge Jean-Pierre Fleury, président du groupe de travail viande bovine au sein du syndicat agricole européen Copa-Cogeca.