Le soja
Xavier PINOCHET, membre de l'Académie d'Agriculture de France le 17/09/2023 à 16:55
Le soja est une plante de la famille des fabacées (légumineuses), originaire d'Asie, qui produit des graines très riches en protéine. Cette plante a été repérée par des missionnaires installés en Chine et en Corée, qui l'ont ramenée en Europe durant la seconde moitié du XVIIIe siècle. Elle a longtemps été une curiosité des jardins botaniques, jusqu'à ce que quelques agronomes de sociétés savantes locales s'y intéressent durant la seconde moitié du XIXe siècle et soulignent son intérêt pour produire des graines ou du fourrage.
L’historique du développement du soja
Parmi les pionniers du soja en France, on peut citer Léon Rouest qui a commencé son travail sur cette plante en Algérie, puis à son retour en France au début du XXe siècle comme responsable d’une ferme expérimentale à Villardonnel (Aude). La collection de Rouest demeure une composante importante des variétés et matériels génétiques regroupés et caractérisés par la station d’amélioration des plantes de Clermont Ferrand, entre 1937 et 1945.
À l’étranger, la culture du soja s’est développée aux États Unis à partir des années 1920, puis plus récemment au Brésil et en Argentine ; ces trois pays sont aujourd’hui les principaux producteurs mondiaux, et représentent ensemble 80 % de la production mondiale, cultivée sur environ 90 millions d’hectares.
La Chine et l’Inde ne sont que les 4e et 5e producteurs mondiaux, pour une surface d’environ 20 millions d’hectares.
Les Surfaces en Europe et France
En Europe :
Le principal pays producteur de soja dans l’Union européenne est l’Italie, avec plus de 300 000 hectares. La France et la Roumanie suivent. L’Autriche et la Croatie ont également des productions significatives.
On notera, sur la période récente la très forte progression des surfaces de soja en Russie : de 570 000 hectares en 2013 à 1 940 000 hectares en 2022.
En France :
Au-delà de quelques travaux pionniers, la culture du soja en France a réellement commencé à large échelle à partir de la fin des années 1970, dans le cadre du 1er plan protéine, et avec le soutien de la politique agricole commune. Un maximum de surface a été atteint en 1989 avec 134 000 hectares. Les réformes successives de la PAC ont ensuite réduit ces surfaces entre 80 000 et 100 000 hectares dans les années 1990, jusqu’à un point bas de 28 000 hectares en 2008. Depuis, les surfaces repartent à la hausse pour atteindre 182 000 hectares en 2022.
Les surfaces de soja se situent principalement dans le Sud-Ouest et dans les vallées de l’Est de la France. Actuellement les surfaces progressent vers le Nord, le Bassin parisien et la région Centre en particulier (Figure 2).
Matériel végétal, cycle et développement
Le soja est, à l’origine, une plante de régions chaudes et de jours courts. Son développement est sensible à la photopériode. Le choix d’une variété adaptée à la latitude considérée est donc un point important.
En culture principale, le soja se sème à partir d’avril jusqu’à fin mai, et se récolte de mi-septembre à mi-octobre. La culture en dérobé est possible avec des semis fin juin-début juillet, sous réserve d’utiliser des variétés précoces et de disposer de l’irrigation.
Les types de croissance des variétés disponibles sous nos latitudes sont principalement de type semi-déterminé ou indéterminé.
Itinéraires techniques et impact environnemental
Le soja est une plante relativement facile à cultiver, nécessitant peu d’intrants. Les principaux produits phytosanitaires utilisés sont des herbicides. L’espèce est peu exposée aux ravageurs et aux maladies. L’IFT (indice de fréquence de traitement) moyen en France est de l’ordre de 1,8, soit l’un des plus bas parmi les plantes cultivées. Par ailleurs l’espèce se prête également bien au désherbage mécanique. En 2023, près de 30 % de la surface française de soja sont ainsi conduits en agriculture biologique.
Comme légumineuse, le soja a la capacité à la fois d’assimiler l’azote minéral du sol disponible, mais surtout de fixer l’azote de l’air par le biais d’une symbiose avec une bactérie du genre Bradyrhizobium. Si elle fonctionne bien, cette symbiose peut assurer jusqu’à 80 % de la fourniture d’azote à la plante, rendant inutile toute fertilisation azotée. Cependant, la bactérie symbiotique n’est pas endémique des sols européens et doit être apportée au moins lors d’une première culture par inoculation.
L’alimentation en eau du soja est un point capital, car en dépendent à la fois la photosynthèse et le fonctionnement de l’appareil fixateur d’azote. Environ les 2/3 des surfaces de soja sont irriguées. Dans le Sud, ce sont 80 % à 90 % qui le sont ; en zones plus septentrionales, cela varie de 25 % à 35 % des parcelles selon les années et en fonction des profondeurs de sol. Les quantités moyennes d’eau apportées – du début de l’été à début septembre – varient également beaucoup d’une situation à l’autre selon les années et les types de sol, le plus souvent entre 100 à 200 millimètres par été.
Les écarts de rendement en grain et en protéine dépendent fortement de cette alimentation hydrique. L’écart moyen irrigué /non irrigué est de l’ordre de 8 quintaux par hectare. La sècheresse est le principal facteur limitant du rendement identifié par les agriculteurs.
Rendements et récolte
En France, les rendements moyens sont de l’ordre de 25 à 30 quintaux par hectare, avec de fortes variations selon les situations. Une étude récente TERRES INOVIA-GEVES évalue le progrès génétique sur ce critère de 2 à 3,6 quintaux tous les 10 ans, selon les groupes de précocité.
La Figure 4 montre le progrès génétique pour les quatre groupes de précocité utilisés en France. Pour une même latitude, les variétés les plus précoces (Séries 00, 000) fleurissent plus tôt et ont un cycle plus court que les variétés plus tardives (Séries 0, I et II), mais elles ont aussi des rendements plus faibles.
Débouchés
La production française de soja, d’environ 400 000 tonnes annuelles, couvre 10 % des consommations : la France reste fortement importatrice de soja et de tourteaux de soja, en provenance principalement du Brésil et d’Argentine (environ 4.1 millions de tonnes par an).
La production française est principalement utilisée par l’alimentation animale.
Seulement 10 %, (soit environ 40 000 tonnes) vont en alimentation humaine ; ce débouché tend cependant à se développer sous plusieurs formes : laits de soja, Tofu, et plus récemment d’édamamé (gousses et de grains encore verts, consommés cuits à l’eau ou à la vapeur). Ces pratiques culinaires, qui viennent du Japon et de Chine, suscitent de plus en plus l’intérêt et l’imagination des cuisiniers français.
Les prix des graines de soja suivent les cours des oléagineux. Des niveaux élevés d’environ 700 € par tonne ont été atteints à l’été 2022. Depuis la tendance est à la baisse, au voisinage de 500 € par tonne.
Académie d’Agriculture de France (academie-agriculture.fr)
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