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Académie d'Agriculture de France

Les constituants physiques du sol


Philippe VIAUX, membre de l'Académie d'Agriculture de France le 01/07/2024 à 11:21
AAF

(©Académie d'agriculture de France)

Un sol est constitué en majorité de composants solides (argile, limon, sable, cailloux). Les proportions de ses éléments conditionnent son comportement sous l'action du climat et du travail. La matière organique – qui ne représente que 2 % à 10 % de l’ensemble – est aussi un composant solide. Mais contrairement aux constituants minéraux dont la composition est stable et peu modifiable par l'action de l'Homme, la teneur en matière organique dépend de l'action des agriculteurs. Les particules du sol sont souvent organisées naturellement en agrégats ; ces derniers en forment la structure, qui conditionne la circulation de l'eau et de l'air nécessaires aux plantes. La profondeur du sol exploitable par les plantes, la teneur en argile ou en sable, la sensibilité au tassement sont en grande partie non modifiables, ou modifiables partiellement, au prix d'efforts de l'agriculteur qui souhaite améliorer la fertilité de son sol. Avant d'évoquer le rôle important de la matière organique, de l'activité biologique et des amendements minéraux (chaulage) pour la qualité des sols agricoles (cf. les fiches suivantes), il faut s'intéresser aux caractéristiques des composants solides.

La profondeur

Une des caractéristiques d’un sol est sa profondeur, ou plus exactement la profondeur exploitable par les racines, souvent très supérieure à ce qu’on imagine. Sans parler des cultures pérennes (la vigne par exemple), on peut constater que même les cultures annuelles peuvent avoir de profondes racines : dans les bons limons du Bassin parisien, il n’est pas rare d’observer des racines de blé à 1,5 mètre de profondeur. On pense souvent que l’enracinement d’un végétal se limite à la couche travaillée (20 à 30 centimètres) ; c’est en effet dans cette zone que se trouve la plus grande densité de racines, car c’est elle qui est la plus riche en minéraux, mais les racines plus profondes jouent un rôle essentiel, en particulier pour l’alimentation en eau. La profondeur du sol, souvent très variable dans la même parcelle agricole, est une donnée indispensable pour apprécier sa fertilité et en particulier pour connaître sa résistance à la sécheresse, et donc gérer l’irrigation.

La texture

Les particules du sol sont classées en fonction de leur taille (Figure 1). Les graviers et les cailloux de taille supérieure à 2 millimètres ne sont pas pris en compte pour l’analyse granulométrique, ce qui ne veut pas dire qu’ils ne jouent pas un rôle dans la fertilité : certains peuvent stocker de l’eau ou libérer des éléments minéraux. Il est très important de connaître la texture d’un sol, car elle conditionne beaucoup sa fertilité. Cette texture peut être très différente entre l’horizon de surface et les horizons profonds, aussi faut-il observer tous les horizons exploitables par les racines.

La texture conditionne le régime hydrique du sol : la circulation de l’eau (et en particulier le ressuyage, qui est la facilité d’évacuer l’excès d’eau d’un sol mouillé) y est très dépendante de sa nature ; ainsi, un sol sableux ressuie plus vite qu’un sol argileux. Par ailleurs, la réserve utile en eau du sol – dont pourront disposer les plantes – dépend fortement de sa texture : ainsi, les sols sableux sont sensibles à la sécheresse. De plus, la texture est un élément essentiel de la réserve en certains éléments minéraux (les cations) nécessaires à la croissance des plantes.

La texture conditionne aussi la structure et donc l’aération du sol.

La texture d’un échantillon de sol est définie par la plus ou moins grande proportion des classes de granulométrie ; ces classes sont données par le triangle des textures (Figure 2) qui permet de situer et caractériser un sol, donc d’en prévoir le comportement. La granulométrie peut être obtenue par analyse dans un laboratoire, mais on peut aussi apprécier la texture par une simple évaluation tactile.

• Un sol très argileux – caractérisé de lourd, difficile à travailler – est plutôt riche en nutriments (stockés dans les argiles), mais il est souvent peu aéré, compact et peu drainant. En séchant, il se rétracte, se croûte et laisse apparaître des fentes de dessiccation. Ce genre de sol met également du temps à se réchauffer, ce qui freine la levée des graines au printemps.

• Un sol limoneux est souvent difficile à travailler : quand il est très sec, les instruments ne peuvent pratiquement pas y pénétrer. Un tel sol est sensible au tassement : si une pluie intervient juste après un travail du sol, les particules de limon mises en suspension colmatent les interstices laissés par ce travail, et le sol se referme, empêchant la circulation de l’air et de l’eau.
• Un sol sableux ou très sableux est léger, draine bien, mais est sensible à la sécheresse. Il est facile à travailler mais pauvre en éléments minéraux.
• Un sol calcaire contient plus de 5 % de calcaire, réparti dans l’ensemble des phases granulométriques.
• Un sol dit humifère contient 15 % à 20 % de matière organique. Souvent issu de tourbières assèchées, il est acide, avec une faible activité biologique.

La structure

La structure – arrangement naturel des particules solides, sous forme d’agrégats – dépend des argiles, mais aussi de la matière organique (acides humiques, humines, noyaux polyphénoliques), qui forme des liaisons très fortes avec les colloïdes minéraux par l’intermédiaires des cations (K+ , Ca++, Mg++, Fe+++, Al+++).

La structure du sol conditionne son aération, la circulation de l’eau et des organismes vivants (vers de terre), donc la capacité des racines des plantes à explorer et pénétrer profondément le sol. Dans les sols agricoles, les agrégats sont de tailles et de formes très variables, en fonction de la composition (teneur en argile, en calcium, en fer, en aluminium, en matière organique), mais aussi du travail. Ainsi, un sol argileux aura une structure angulaire, lamellaire ou prismatique, tandis qu’une structure grumeleuse, fréquente sous prairie, est plutôt liée à des teneurs en matière organique élevées et à l’activité biologique.

Les facteurs favorisant une bonne structure

Les facteurs favorisant une bonne structure et une structure stable dépendent de la nature de ses éléments constitutifs (argile, limon fin, matière organique), de la présence de certains ions, de l’effet du climat et de l’action de l’Homme quand il travaille le sol ; notons que les sols limoneux, avec une teneur en argile inférieure à 15 %, sont particulièrement fragiles. Le travail crée une structure peu stable qui est facilement détruite par les pluies, aussi, dans ces sols, seule une teneur en matière organique d’au moins 3 % à 4 % permet d’avoir un minimum de structure stable. Quand les facteurs favorisant une bonne structure sont réunis dans un sol – même dégradé sous l’effet des conditions climatique ou de l’intervention du matériel agricole –, il se restructure facilement ; on parle de sol à bonne activité structurale.
Les ions Ca++ et Mg++ jouent un rôle important, car ils ont un grand pouvoir floculant sur les colloïdes minéraux (les argiles) et les matières organiques ; c’est ce qui justifie de chauler certains sols acides qui manquent de calcium ou de magnésium. Notons que l’ion Na+ (sodium) a un effet dispersant et donc dégrade la structure (dans l’Antiquité, on salait les sols de ses ennemis pour les rendre impropre à la culture). Inversement, les apports de matière organique jouent un très grand rôle dans la formation d’agrégats stables. Le climat crée des agrégats par deux mécanismes :

  • la formation de fentes de retrait, liée aux alternances de périodes humides et sèches dans les sols argileux (particulièrement avec des « argiles gonflantes »), et qui crée des agrégats anguleux ; les périodes de gel hivernal, qui créent, dans les sols argileux humides, des structures anguleuses par fissuration (formation de cristaux de glace) ; ce phénomène est d’autant plus marqué que la fonte de la glace s’accompagne d’une période sèche. C’est pour cette raison que dans ces sols argileux, il faut labourer avant l’hiver : le gel des grosses mottes, durant l’hiver, produit des toutes petites mottes permettant, au printemps, de semer en bonnes conditions.
    L’activité biologique joue aussi un grand rôle dans la formation d’agrégats. L’exemple le plus connu est celui des vers de terre qui créent des turricules ; mais les microorganismes qui sécrètent des mucilages ont aussi une action sur la stabilisation de la structure, en accroissant la capacité des agrégats à résister à l’action dispersante de l’eau. De même, les racines libèrent sous forme d’exsudats des mucilages qui favorisent l’agrégation des particules.

Une bonne structure conditionne une bonne circulation de l’eau et l’aération du sol

Une bonne structure va faciliter l’aération du sol et la circulation de l’eau, et donc favoriser le développement racinaire. La structure du sol laisse des vides plus ou moins importants constituant la « porosité structurale ». On a l’habitude de distinguer la macroporosité et la microporosité.

  • Dans un sol bien drainé, l’eau de pluie circule dans la macroporosité (le diamètre des vides est de l’ordre de 6 à 8 µm) ; après le ressuyage il reste des vides disponibles pour la circulation de l’air.
  • Dans la microporosité, l’eau circule par capillarité, et c’est cette eau retenue que les plantes consomment au fur et à mesure de leurs besoins. (cf. fiche 01.08.Q07 La plante, le sol et l’eau). Notons que dans les sols sableux (donc sans structure marquée), il n’y a qu’une porosité texturale : les vides ne sont qu’entre les grains de sable ; la microporosité étant très faible, ils s’assèchent très vite.

Connaître la stabilité des agrégats

Les agrégats du sol sont plus ou moins sensibles à différentes sortes d’agressions qui détruisent la structure : pluie, travail du sol intensif, tassement par les machines agricoles. Les laboratoires peuvent mesurer et calculer un Indice de stabilité structurale.

Le profil cultural

Le meilleur moyen pour apprécier la nature d’un sol est de creuser une fosse pédologique, si possible jusqu’à atteindre la roche mère ; on pourra ainsi observer le profil cultural en différentes couches (on parle d’horizons) de couleur et d’aspect différents (Figure 3). Dans chacun des horizons, on peut :

  • localiser les matières organiques (résidus de culture précédente, état de décomposition) et la structure (présence et position des mottes, présence de terre grumeleuse, etc.) ;
  • observer la présence (ou les traces) d’activité biologique (vers de terre), et c’est là le moyen de déceler la présence d’obstacles à l’enracinement (semelle de labour, zones tassées, etc.) ;
  • mesurer la profondeur exploitable par les racines.

Toutes ces observations permettent d’identifier les facteurs limitant les rendements. Toutefois, l’interprétation du profil cultural étant difficile, il est conseillé de se faire aider par un spécialiste.

Les améliorations ne sont pas toujours faciles…

Les caractéristiques physiques des sols sont difficilement modifiables. Ainsi :

  • Pour corriger un sol sableux (par exemple pour augmenter sa CEC ou sa réserve utile en eau), il ne faut pas ajouter d’argile, car il serait encore plus difficile à travailler, mais ajouter de la matière organique;
  • Pour corriger un sol argileux et le rendre plus facile à travailler, il ne faut pas ajouter de sable, car il serait encore plus difficile à travailler, mais ajouter de la matière organique et éventuellement remonter le pH à 6,5 ou 7,0.
  • Les sols argileux (argile > 40 %) sont difficiles à travailler. Ils doivent être travaillés avant l’hiver pour profiter de l’effet du gel.

Académie d’Agriculture de France (academie-agriculture.fr)

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