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Taxes, agribashing, revenus

Le monde paysan va exprimer sa détresse dans la rue


AFP le 09/12/2018 à 17:29

Pression fiscale, agribashing, rémunération des agriculteurs : le monde paysan en colère s'apprête dès lundi à interpeller les autorités par des actions dans toute la France, calibrées de façon à éviter l'amalgame avec les « gilets jaunes ».

À trois jours du démarrage de la mobilisation des agriculteurs contre la hausse des taxes et l’agribashing, le gouvernement a bien tenté de rassurer les agriculteurs, mais en vain semble-t-il. Après avoir annoncé, en raison du mouvement des « gilets jaunes », un report de l’ordonnance de la loi alimentation prévoyant un relèvement du seuil de revente à perte et encadrant les promotions, le ministère de l’agriculture a indiqué vendredi que ce texte, destiné à redonner du revenu aux agriculteurs, serait présenté au conseil des ministres du 12 décembre. Mais la FNSEA, syndicat majoritaire, et les Jeunes agriculteurs ont maintenu l’appel à manifester, tout en saluant « une avancée importante dans la mise en oeuvre des États généraux de l’alimentation ».

« Tout au long de la semaine, nous porterons la voix des agriculteurs auprès de nos parlementaires et de nos préfets, afin qu’ils mesurent l’urgence de donner du temps et des moyens à la transition écologique de l’agriculture qui mérite d’autres moyens que la fiscalité punitive », ont indiqué les syndicats. « Aujourd’hui l’écologie, ce n’est plus que des taxes. Ça irait, si on avait des revenus, mais depuis 2013, le revenu disponible moyen des céréaliers est de 3 000 euros par an environ. Or la nouvelle augmentation de la taxe sur les pollutions diffuses, proposée dans le projet de budget 2019 représente pas loin de 1 000 euros par agriculteur », a déclaré à l’AFP, Philippe Pinta, président de l’AGPB (producteurs de blé).

Cette prise de position sonne comme une réponse aux ONG environnementales, lesquelles ont appelé d’une seule voix le gouvernement à ne pas céder au « chantage » de la FNSEA, qualifiant son appel à manifester de « lobbying menaçant ». Cette mobilisation répond plus largement à une volonté des agriculteurs de dénoncer le dénigrement systématique dont ils estiment être la cible, notamment pour leur usage de pesticides.

Montrer aux élus « la vraie vie »

Preuve que le sujet monte en puissance, le ministre de l’agriculture, Didier Guillaume, s’est posé récemment en « bouclier face à l’agribashing », et contesté, à l’unisson des syndicats agricoles, la validité d’une cartographie des « fermes-usines » en France publiée par Greenpeace. L’ONG a depuis présenté des excuses, reconnaissant « des erreurs sur sa cartographie, basée sur un fichier fourni par le ministère de la Transition écologique et solidaire et disponible en ligne ». « L’agribashing vient en grande partie des ONG environnementales, mais aussi des décisions du gouvernement, comme la plateforme glyphosate », a dénoncé M. Pinta.

Selon Christiane Lambert, présidente de la FNSEA, « les agriculteurs se sentent humiliés » par cette plateforme, sur laquelle ils peuvent déclarer officiellement qu’ils arrêtent d’utiliser cet herbicide controversé, afin de partager leur expérience. Mme Lambert n’a pas dit précisément quelle forme prendraient les actions mais a catégoriquement exclu tout ralliement aux « gilets jaunes ». « Ils ont voulu un mouvement apolitique, asyndical, je respecte » cela, a déclaré Mme Lambert à leur propos. « Évidemment, les préfectures et les parlementaires seront des objectifs et des lieux où nous porterons nos revendications », a-t-elle indiqué.

Les agriculteurs ne semblent en tout cas pas souhaiter jeter de l’huile sur le feu. Les fédérations bretonnes de la FNSEA ne sont ainsi pas décidées à descendre dans la rue, en raison du climat social, selon une source syndicale. Dans l’Oise, les agriculteurs vont aller en tracteur à la rencontre des députés et des autorités préfectorales, lundi matin à Beauvais et Compiègne. « On va être très vigilants car on n’est pas pour le chaos, on est des chefs d’exploitation », a expliqué à l’AFP Luc Smessaert, vice-président de la FDSEA de l’Oise.