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ACADEMIE D'AGRICULTURE DE FRANCE

Le colza d’hiver


Philippe LETERME, membre de l'Académie d'Agriculture de France le 09/02/2023 à 15:09
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(©Pixabay)

On distingue les colzas d'hiver (qui ont besoin de froid pour produire des graines et sont donc semés à l'automne) et les colzas de printemps (qui n'ont pas ces besoins). En France, 99 % des surfaces de colza sont en colza d'hiver. Ce n'est pas le cas des pays à hiver très froid, comme le Canada où la très importante production de colza est le fait de variétés de printemps. Ces colzas sont destinés à produire des graines pour donner de l'huile et des tourteaux. Il existe aussi des colzas fourragers, cultivés pour leurs feuilles servant à l'alimentation des herbivores, mais en France les surfaces sont réduites.

Surface de culture

Le colza d’hiver est le principal oléagineux français (Figure 1).
Il couvre, en 2021, près d’un million d’hectares (pour une surface totale de terres arables de
17,9 millions d’hectares) répartis quasiment dans toute la France à l’exception du Sud-Est.
Après une progression continue au début des années 2000, la surface s’est stabilisée autour de 1,5 million d’hectares pendant une bonne dizaine d’années, avant de régresser à partir de 2019 pour revenir autour du million d’hectares.

Les données économiques du colza d’hiver

L’année 2022 aura été marquée par l’inflation, la flambée des prix de l’énergie et de nombre d’intrants agricoles (GNR, engrais), ainsi que des variations considérables des cours des produits. Cela rend souvent obsolètes les références économiques antérieures, et les prévisions délicates. Ainsi le cours du colza était d’environ 400 € par tonne en août 2020, puis a augmenté de 80 % pendant l’année 2021 pour atteindre plus de 1 000 € par tonne en mai 2022, avant de redescendre à 600 € en septembre. Quelques enquêtes et études évaluent les coûts de production en 2022 : ils sont de l’ordre de 350 € à 400 € par tonne mais risquent de subir de nouvelles hausses dans le futur.

Matériel végétal disponible, cycle de développement et élaboration du rendement

Le catalogue officiel national compte plusieurs dizaines de variétés de colza se distinguant par leurs caractéristiques physiologiques, leur potentiel de rendement, leurs résistances aux bioagresseurs et leurs qualités technologiques. Ce sont en majorité des hybrides. Les principaux critères de choix par les agriculteurs sont le rendement et la vigueur, le risque d’élongation automnale (rendant les plantes sensibles au gel) et la résistance au phoma (maladie cryptogamique très pénalisante contre laquelle il n’y a pas de solutions curatives).

Les semis du colza d’hiver s’échelonnent de début août à septembre, et les récoltes de la mi-juin à la mi-juillet selon les régions. Réussir l’implantation est déterminant du succès de la culture : il s’agit d’obtenir rapidement des colzas robustes, pour leur permettre de résister aux bioagresseurs (en particulier les insectes d’automne) et aux rigueurs de l’hiver. Pour cela, une levée rapide et précoce et un peuplement de 20 à 35 plantes/m2 sont souhaités.

Insertion dans les systèmes de culture, itinéraires techniques

Le colza joue le rôle de tête de rotation, en précédant généralement un blé. Il succède souvent à une céréale secondaire comme l’orge dans des rotations courtes de 3 ans (colza, puis blé, puis orge), encore très répandues aujourd’hui alors que l’on préconise des rotations plus longues pour mieux lutter contre les pullulations de ravageurs et mieux maîtriser les adventices.

Ainsi, des rotations de 4 ou 5 ans combinant colza, protéagineux et céréales se développent (par exemple : colza-blé, puis orge-pois-blé, puis pois-colza-blé-orge). Modalités de travail du sol et de semis, techniques de protection contre les maladies et ravageurs, lutte contre les adventices, modalités de fertilisation se combinent pour définir une multitude d’itinéraires techniques possibles, dépendant des logiques de production et des objectifs assignés à la culture.

Compte tenu du nombre important de bioagresseurs, les indices de fréquence de traitement (IFT) sont souvent élevés (6,4 en moyenne en 2017).

Caractéristiques et usages des produits récoltés

En France, un hectare de colza, avec un rendement moyen de 35 quintaux, produit environ 1 500 litres d’huile (500 à destination alimentaire et 1 000 pour le biodiesel), 100 kg de glycérine à destination de la chimie, et 2 tonnes de tourteaux soit 650 à 700 kg de protéines pour l’alimentation animale.

À l’échelon national, le colza produit selon les années 1,5 à 1,9 millions de tonnes d’huile brute, soit 57 % du total des huiles brutes consommées en France (chiffre 2021) et près de 2,5 millions de tonnes de tourteaux. Titrant en moyenne 34 % de protéine, ce tourteau vient en substitution du tourteau de soja presque totalement importé. Le tourteau de colza représente aujourd’hui environ le tiers de la consommation française de tourteau.

Le colza a dû subir des modifications qualitatives importantes pour devenir consommable sans risques pour la santé par les humains (huile) et les animaux (tourteaux). Grâce à différentes techniques de génétique et d’amélioration des plantes, la modification a permis d’éliminer de l’huile l’acide érucique. La seconde modification a porté sur les glucosinolates, composés soufrés (présents dans la plante) responsables de troubles thyroïdiens chez les animaux. Le colza fournit aujourd’hui une huile de qualité dont les propriétés diététiques conférées par l’équilibre entre omega3 et omega6 sont reconnues.

Le colza est un atout pour la souveraineté alimentaire (huile alimentaire et tourteaux riches en protéines se substituant aux tourteaux de soja importés) et énergétique (production de biocarburants) du pays. Sa culture, largement répandue sur le territoire, est complexe et exigeante, notamment du fait du cortège de bioagresseurs dont elle est la cible.

Des itinéraires techniques performants, grâce à l’offre variétale importante et diversifiée, au conseil technique et aux outils d’aide à la décision disponibles confèrent toutefois à cette culture un intérêt agronomique et économique indéniable.

Académie d’Agriculture de France (academie-agriculture.fr)

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