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D'agriculteur à... romancier

J-M. Rivollier, éleveur à la retraite (69) : « Écrire m’a aidé à passer ce cap »


TNC le 21/10/2022 à 08:29
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Dans les livres de Jean-Marc Rivollier, agriculteur pendant 40 ans, le milieu agricole n'est jamais loin.(©Jean-Marc Rivollier, Pixabay)

Certains éleveurs en profitent pour se reposer après de nombreuses années à travailler dur, d'autres pour visiter la France ou des contrées plus lointaines, ou encore s'engager dans des associations, quand beaucoup restent près de leurs vaches parce qu'ils n'arrivent pas à décrocher. Depuis qu'il est retraité, Jean-Marc Rivollier, lui, écrit des romans. Une passion depuis toujours comme l'agriculture, à laquelle il n'avait pas eu le temps de s'adonner. Les histoires qu'il raconte sont empreintes de ce monde agricole, qu'il entend ainsi défendre.

La retraite en agriculture, un cap compliqué pour de nombreux exploitants, et les éleveurs en particulier. Cesser du jour au lendemain un métier, pour beaucoup une passion depuis tout petit, auquel ils ont consacré toute leur carrière, leur temps, leur vie et qu’ils ont souvent hérité de leurs parents, grands-parents, arrière-grands-parents, etc. En ayant noué ce lien si fort avec leur ferme, leur terre et leurs animaux peut-être encore davantage. On comprend que ce ne soit pas si simple. Jean-Marc Rivollier, ancien producteur de lait, a franchi cette étape grâce à… l’écriture qu’il « aime autant que l’agriculture », de longue date. « Cela m’a aidé à décrocher », confie-t-il.

Une carrière d’agriculteur

Jean-Marc Rivollier n’a que 15 ans lorsque son père meurt. Il quitte l’école pour rejoindre sa mère sur l’exploitation créée par son grand-père à Duerne (commune située à 30 km de Lyon), et travaille avec elle pendant sept ans. « Ça n’a pas été facile, j’étais très, trop jeune », se souvient-il. En 1980, à son départ en retraite, il s’installe. Par goût, parce qu’il est désormais seul et puisque, dans les monts du Lyonnais à 800 m d’altitude, ses parcelles petites et pentues ne sont plus adaptées au gabarit des machines qui grossit, il choisit de spécialiser l’exploitation de polyculture-élevage en production laitière, et de cesser la vente directe. Il élève une quarantaine de vaches Prim’holsteins et leur suite, sur une quarantaine d’hectares : des céréales, un peu de maïs et des prairies, pour l’alimentation du troupeau principalement.

Ça n’a pas été facile tous les jours.

Vers les années 2000, il décide de rediversifier ses productions et activités, avec les fruits rouges et le retour à la vente directe. « Je n’aurais jamais dû la stopper !, regrette-t-il. Plus rémunératrice, elle permet de ne pas être isolé. On échange avec les consommateurs et d’autres exploitants (Jean-Marc Rivollier fait les marchés et est à l’origine du magasin de producteurs La grange des paysans à Montbrison dans la Loire), c’est enrichissant. » Si le personnage central de son 2e roman a eu du mal à transmettre sa ferme à ses enfants (voir plus bas), l’auteur n’a pas connu la même situation : son fils aîné s’installe en Gaec avec lui en 2005 et le 2e en 2009.

Je ne les ai pas forcés, ils ont toujours voulu reprendre la ferme.

Il faut dire qu’il les a laissés mettre en place leurs propres projets : pas intéressés par le lait, cette production a été abandonnée au profit du maraîchage et des volailles. « Contrairement au héros de mon livre (cf. ci-dessous), je ne les ai jamais forcés, ils ont toujours voulu reprendre l’exploitation », « une grande fierté » pour Jean-Marc Rivollier même si, martèle-t-il, le métier d’agriculteur « n’est pas tous les jours facile ». « Eux, au moins, ne sont pas tout seuls sur la ferme comme je l’ai été, et ont des contacts avec l’extérieur grâce à la vente directe », met-il en avant, avant de conclure : « Beaucoup de mes amis ou voisins n’avaient pas de repreneur et ont vu partir leurs terres et leurs bêtes. Très dur à vivre. »

Beaucoup de voisins, sans repreneur, ont vu partir leurs terres et leurs bêtes. Très dur à vivre.

« J’ai à cœur de parler du monde paysan »

« Relayer de ces difficultés, défendre les paysans » : c’est ce qu’a voulu faire l’ancien éleveur lorsqu’à peine à la retraite, en 2019, il prend la plume ou plutôt le clavier de son ordinateur. « À l’école, j’adorais les rédactions. J’ai toujours écrit plus ou moins, des discours pour des associations mais pas vraiment pour moi, même si j’avais envie de le faire avec un projet d’autobiographie », explique-t-il. Un peu d’appréhension, le manque de temps surtout, l’ont empêché de sauter de pas… Son premier roman, La femme de mon frère, tiré à 500 exemplaires, sort en août 2021, chez plusieurs libraires de la région. Le sujet est le grand amour entre le narrateur et sa belle-sœur, victime du comportement abject et de la déchéance de son mari. Mais le monde agricole n’est pas loin, puisqu’il est agriculteur.

Les prix bas, le manque de rémunération, la charge de travail, les critiques de la société…

« J’ai à cœur de parler de cette profession difficile, malgré la passion. C’est elle qui fait tenir face aux prix bas, à la faible rémunération comparée à la charge de travail, au peu de temps libre, à la fatigue qui s’accumule, au manque de reconnaissance voire aux critiques de la société… Dans mon village, Duerne, dans les monts du Lyonnais, il ne reste que cinq à six fermes sur une cinquantaine quand je me suis installé. De plus en plus grandes et modernes, elles ne s’en sortent pourtant pas mieux. Alors les exploitations continuent de s’agrandir et de se moderniser, un cercle sans fin, vicieux ! »

La modernisation, l’agrandissement : un cercle sans fin, vicieux !

Un 2e roman sur la transmission 

Neuf mois plus tard seulement, en mai 2022, paraît son deuxième livre : Les cerisiers fleuriront toujours. « Le milieu agricole est plus présent » que dans le premier opus, le narrateur et son épouse étant exploitants. Au-delà de l’épreuve de la maladie et, là encore, d’histoires d’amour belles ou au contraire toxiques, la transmission d’exploitation occupe une place centrale. Le lecteur peut en mesurer toute la complexité, ainsi que le poids des traditions familiales. De ses deux filles, le héros avait choisi dès le départ celle qui lui succéderait. Alors que l’autre était davantage faite pour ça, mais avait refoulé inconsciemment son envie et ses compétences.

3 livres en un peu plus d’1 an.

Ce qui explique sans doute, selon l’auteur, « l’accueil encore meilleur que pour le premier ouvrage », notamment auprès de ses clients sur les marchés (il vend ses produits en direct, voir ci-dessous) et sur sa page Facebook Jean-Marc Rivollier. L’ancien éleveur participe également à des séances de dédicaces en librairies ou lors d’événements locaux. Comme une urgence d’écrire, pour rattraper le temps attendu avant de pouvoir s’y consacrer, le rythme s’accélère. En quatre mois, il publie un troisième roman, La petite Marie, inspiré d’une histoire vraie pendant la Seconde guerre mondiale, que sa mère et sa grand-mère lui ont racontée : certes la fillette a été abandonnée dans les bois, mais elle vivait… dans une ferme. Jean-Marc Rivollier espère poursuivre sur cette lancée et aller à la rencontre de ses lecteurs au-delà d’Auvergne-Rhône-Alpes.