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[Insolite] Financement participatif

Des soeurs 2.0 font le buzz sur les réseaux pour agrandir leur ferme


TNC le 12/03/2020 à 09:11
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Les soeurs de l'abbaye de Boulaur veulent développer leur exploitation agricole et leur élevage ainsi que leur atelier de transformation de lait, de viande, de légumes et de fruits. (©Abbaye de Boulaur)

Des religieuses dans une abbaye cistercienne du 12e siècle, travaillant dans leur verger et fabriquant des confitures, pourraient paraître de prime abord coupées du temps et des nouvelles technologies. Pourtant, cette communauté installée à Boulaur (Gers) vend en ligne des Divine box de ses produits. Et pour développer son exploitation agricole, elle fait appel au financement participatif via une vidéo postée sur les réseaux sociaux.

« À partir du 12e siècle, les granges des abbayes cisterciennes ont permis le développement d’une agriculture de pointe et  l’essor du commerce », les moines ou les sœurs qui y vivaient à l’écart du mode ayant été obligés de produire de quoi se nourrir et de vendre une partie de leurs produits pour subvenir aux besoins de la communauté. Celle de Boulaur dans le Gers ne fait pas exception. Les 27 religieuses qu’elle accueille ambitionne même de bâtir un nouveau bâtiment, « une grange cistercienne du 21e siècle », fidèle à l’architecture et aux matériaux de celle d’origine mais qui permette d’accroître en volume et de diversifier les productions agricoles.

« Nous voulons vivre vraiment de notre travail, précisent-elles. « Concrètement, il nous faut multiplier les quantités produites par 4 ou 5. » Certes avec 45 ha (de prairies, légumes et vergers essentiellement, avec quelques parcelles de céréales), 25 vaches brunes des Alpes et jersiaises, et une douzaine de cochons, la ferme restera de petite taille mais les sœurs pourront « passer un nouveau cap et déployer leurs potentialités ».

Lire aussi le reportage : EARL du Petit Ramard (69) − Une conduite précise de l’élevage jusqu’au fromage 

Elles veulent en effet développer leur atelier de transformation de fruits en confitures, de légumes en conserves, de céréales en farine, de lait en fromages et de viande en charcuteries. Et aménager un « nouvel espace d’accueil pour les visiteurs avec un magasin, une salle d’exposition, un lieu de rencontre et de partage, et un espace pédagogique », qui sera complété par une galerie vitrée où les gens pourront observer les animaux ainsi que le travail d’élevage et de fabrication des produits agricoles.

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Un projet « audacieux d’entrepreneuriat féminin »

De par sa volonté de respecter d’une part la tradition cistercienne et gersoise (matériaux coûteux), et la nécessité d’installer d’autre part des équipements modernes respectant les normes sanitaires et liées à l’accueil du public, cette initiative, baptisée Grange 21, représente un investissement de 4 M€. Malgré un soutien financier de l’État et de la Région, il leur manque encore la somme de 1,5 M€. Les religieuses, pourtant retirées depuis 1949 dans leur abbaye, n’y suivent pas moins les évolutions du monde extérieur. Elles, qui ont déjà créé un site web pour vendre leurs productions en ligne et proposent des « Divines box », pensent naturellement au financement participatif. Pour recueillir les dons des fondations, entreprises, grands donateurs privés et les particuliers, elles lancent la plateforme internet grange21.org. 

Et elles ne s’arrêtent pas là dans les nouvelles technologies de communication ! Pour faire connaître leur projet et inciter leurs concitoyens à les soutenir financièrement, elles tournent une vidéo à l’aide d’un drone qu’elles postent sur Youtube, Facebook et Instagram ! Elles ont même ouvert la chaîne Youtube Abbaye de Boulaur où elles ont ajouté un teaser de leur film. Régulièrement, sur les réseaux sociaux, elles informent de l’avancée de la récolte de fonds et de leurs démarches, et présentent également leur vie à l’abbaye et leur travail à la ferme, avec des photos et des vidéos. Un véritable buzz pour ces sœurs 2.0 et leur campagne de promotion pilotée par sœur Anne, leur responsable communication : un mois et demi après sa diffusion, et elles en sont elles-mêmes surprises, leur film a déjà fait 100 000 vues et permis de collecter 100 000 €.

Une « logique de développement local et durable »

Si cela continue sur cette lancée, les travaux, dont les plans ont été réalisés en 3D sur ordinateur, pourront commencer comme prévu en avril. Comme les religieuses veulent que « cette aventure soit collective et structurante pour le territoire », elles feront intervenir des entreprises locales et une partie du chantier sera participatif. L’objectif de « Grange 21 est de faire des ponts avec les acteurs économiques et touristiques » de la région, puis que l’abbaye Sainte-Marie de Boulaur en devienne un, tout en demeurant dans une « logique de circuits courts et de développement local et durable ». Ainsi, les religieuses sont très « branchées économies d’énergies » et vont installer un séchage en grange pour « limiter l’utilisation du tracteur et améliorer la qualité du fourrage ».

Elles projettent également de faire creuser une deuxième retenue collinaire afin d’arroser leurs légumes. Ainsi, elles espèrent produire chaque année 4 t de confitures, de cornouilles (regroupant avec un seul un fruit rouge les saveurs de plusieurs) notamment, leur produit phare, et 3 t de fromages « Saint Germier », une tome affinée en deux à cinq mois. Elle pourront augmenter leurs ventes en ligne et sur les marchés, et l’accueil du public à l’abbaye «  de faire le lien entre ville et campagne, entre culture et agriculture ».