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[Point de vue] Filière céréalière

« Les céréaliers ont intérêt à s’inscrire dans une logique de différenciation »


TNC le 17/10/2019 à 14:00
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La France a enregistré, en 2019, sa deuxième plus grosse récolte de blé tendre, estimée à 39,5 Mt, contre 40,5 Mt, le record enregistré en 2015. (©Nadège PETIT @agri_zoom)

Dans une étude sur la vocation exportatrice de la filière céréalière française, le think tank Agriculture Stratégies estime qu’un « mouvement de différenciation et de « décommoditisation » est en cours. Une tendance qui permettrait de redonner de la valeur à la production et qui conduirait, dans un marché mondialisé, à « exporter moins, mais mieux ». Pour le think tank, les producteurs français de grains auraient « tout intérêt à amplifier les évolutions en cours et à s’inscrire pleinement dans une stratégie de différenciation/décommoditisation ».

La vocation exportatrice de la filière céréalière française est-elle encore d’actualité ? C’est à cette question que tente de répondre le think tank Agriculture Stratégies dans une étude publiée en septembre 2019. Selon lui, « de nombreuses initiatives au sein de la filière céréalière montrent qu’un mouvement de différenciation/décommoditisation est en cours ».

D’après l’économiste Benoit Daviron, la « décommoditisation » s’entend comme le « phénomène inverse à la commoditisation qui considère une matière première au regard de quelques caractéristiques basiques de façon à rendre substituables différentes origines et in fine à ne plus avoir à tenir compte de l’identité du producteur ». Autrement dit, le blé tendre serait moins vu par les opérateurs comme une simple commodité interchangeable par d’autres céréales.

Outre les caractéristiques basiques retenues pour du blé ou du maïs, d’autres critères sont de plus en plus intégrés par les opérateurs, notamment en alimentation animale, comme l’origine ou le respect de cahiers des charges spécifiques. « Parce que le secteur de l’élevage est lui aussi concerné par le mouvement de décommoditisation, il est crucial que les acteurs des filières végétales répondent aux besoins croissants de différenciation de l’alimentation animale, sous peine de voir d’autres assurer ces approvisionnements », explique Agriculture Stratégies.

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Exporter moins, mais mieux

« Ce mouvement tend à redonner de la valeur à la production ce qui peut conduire à exporter moins, mais mieux », poursuit le think tank qui nuance : « Cela ne signifie pas que l’UE et la France n’exporteront plus, notamment vers la rive sud de la Méditerranée. Mais plutôt que de rester dans un entre-deux entre marché et diplomatie, il semble pertinent d’aller au bout de la logique en réhabilitant des accords inter-étatiques. Ce serait l’occasion de mettre en œuvre les capacités de stockage suffisantes pour réserver une partie de la production afin de pouvoir honorer les engagements à l’exportation même en cas de mauvaise récolte comme en 2016. »

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Par ailleurs, « le phénomène de décommoditisation incite à considérer les différentiels de standards de production non pas comme des barrières non tarifaires au commerce mais comme l’expression de préférence sociétale en faveur de l’environnement. » Cette logique de décommoditisation devait d’ailleurs être accentuée par l’application de l’article 44 de la loi EGAlim, qui interdit la vente de produits ne respectant pas les standards de production européen », pour peu que le texte soit réellement appliqué !

Ainsi, « ces différentes évolutions sont convergentes et laissent à penser que les producteurs de grains ont tout intérêt à amplifier les évolutions en cours et à s’inscrire pleinement dans une stratégie de différenciation/décommoditisation », résume le think tank.

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Vers une baisse tendancielle de la production de blé en France ?

Le phénomène de décommoditisation souligné par Agriculture stratégies se développe dans un contexte géopolitique propice à une baisse tendancielle de la production de blé tendre en France et en Europe. « En réponse à la déforestation de l’Amazonie, Emmanuel Macron a mis en avant à l’issue du G7 de Biarritz l’objectif de limiter la dépendance protéinique de l’UE en augmentant la production d’oléoprotéagineux » rappelle l’organisation.

« Comme la surface agricole européenne n’est pas extensible, ce développement se traduirait par un recul des surfaces en céréales, notamment en France. » Un repli qui ne serait pas à considérer comme négatif « dans la mesure où, avec la Pac actuelle, les producteurs européens, contrairement à leurs homologues américains, ne disposent pas des filets de sécurité actifs nécessaires, telles les aides contracycliques, pour tenir face à la concurrence agressive des fronts pionniers des pays de la mer Noire. »