Bâtiments d’élevage et abattoirs : LDC veut combattre les « idées reçues »


AFP le 18/06/2025 à 09:33

« Quand on dit qu'on a des poulets dans un bâtiment, on imagine le pire (...) mais ils sont moins tassés que les gens dans le métro », ironise Angélique Turpin, fournisseuse du géant français LDC qui vante ses « bonnes pratiques », de l'élevage à l'abattoir.

En s’installant il y a onze ans à Danzé (Loir-et-Cher), elle envisage d’élever des poulets Label Rouge, avec accès à l’extérieur. Mais « entre les renards, l’influenza aviaire et trois enfants en bas âge », le couple choisit de construire un bâtiment de 1 350m2, équipé de fenêtres et d’un système de ventilation, isolation, chauffage et climatisation basse consommation.

À l’intérieur, 29 000 poulets évoluent sur une litière de granulés de paille « hyper absorbants », entourés de perchoirs et de blocs à picorer. À maturité, ils atteindront 1,8 kg, soit 21,5 poulets ou 38 kg par mètre carré, quand le maximum pour un bâtiment comme celui-ci est de 42,2.

Ces critères font partie du cahier des charges « Nature d’éleveurs » de LDC. D’ici 2026, tous les élevages LDC de poulets en bâtiment devront être certifiés « Nature d’éleveurs » ou ECC (European Chicken Commitment).

Le standard ECC prévoit une densité encore plus faible (30,2) et l’interdiction des souches à croissance ultrarapides mais représente moins de 4 % des élevages LDC, au grand dam de l’ONG CIWF pour laquelle c’est « le minimum acceptable ».

« Insuffisant »

« On échange depuis longtemps avec LDC, ils ont fait des progrès sur la lumière naturelle, mais c’est insuffisant sur la densité » et ils continuent d’utiliser des poulets à croissance ultrarapide, affirme à l’AFP Lucille Bellegarde responsable de l’agroalimentaire pour l’ONG de protection animale.

« Cette croissance éclair est à l’origine de nombreuses pathologies », renchérit L214, qui attaque régulièrement LDC. L214 affirme de son côté que « Nature d’éleveurs » fait « commodément l’impasse sur les mesures qui pourraient concrètement soulager les animaux ».

Pour Angélique Turpin, qui a une formation d’aide-soignante, ce sont « des idées reçues » et elle ouvre volontiers ses portes aux curieux. Jusque tard, elle surveille la ventilation et la température de ses « cocottes » grâce à une application.

Le directeur RSE de LDC Dylan Chevalier soulève un poulet pour exposer ses coussinets intacts, « indicateur du bien-être animal ». À une vingtaine de kilomètres, ce sont les pattes de poulets d’un autre élevage qui sont examinées grâce à l’intelligence artificielle dans l’abattoir LDC SNV Droué. C’est une mauvaise journée : après analyse de 80 % du lot, plus de la moitié des coussinets sont dans un état dégradé.

L’éleveur concerné aura un malus sur sa rémunération et son organisation de producteurs, détenue par LDC, lui enverra un technicien pour trouver une solution pour réduire l’humidité, améliorer la litière ou la ventilation…

L’abattoir a été rénové il y a deux ans pour 24 millions d’euros, projet de longue date du groupe qui investit environ 300 millions d’euros par an. La salle d’étourdissement et la salle de saignée baignent dans une lumière bleue qui apaise les volailles en recréant une atmosphère nocturne et les employés, qui voient moins le rouge du sang. Des caméras, qui équiperont d’ici fin 2025 tous les abattoirs LDC, sont installées là où ils suspendent les animaux vivants sur un rail.

« Éverest réglementaire »

Le groupe privilégie désormais l’étourdissement des animaux par des gaz, option de prédilection des ONG. Ce n’est pas le cas à Droué, abattoir certifié halal : l’étourdissement se fait en plongeant les volailles dans une eau électrifiée, méthode critiquée par les associations. La saignée se fait à la main. Au départ des livraisons se côtoient des cartons de poulet Médina et Le Gaulois, à destination du marché de gros de Rungis, des usines traiteur de LDC ou des cuisines centrales de cantines.

LDC est responsable de « 60 % de la production de volailles vivantes en France et de 40 % de la consommation française de volaille et de produits élaborés », un poulet sur deux consommé dans le pays étant désormais importé, rappelle Philippe Gelin, président du directoire.

L’agrandissement de l’abattoir s’est fait avec l’appui de la commune. Mais quand il s’agit d’agrandir les élevages, Dylan Chevalier dénonce un « Everest réglementaire ». La proposition de loi controversée dite « Duplomb » prévoyant de relever les seuils d’autorisation de 40 000 à 85 000 poulets et d’alléger l’enquête publique finira son parcours parlementaire début juillet.

Pour Angélique Turpin l’administratif n’a pas été un frein. Plutôt qu’agrandir l’élevage, le couple a préféré diversifier son activité avec du maraîchage, pour être moins exposé aux risques sanitaires ou climatiques.