Bovin viande : « une ferme sans balance, c’est comme une voiture sans compteur »
TNC le 29/10/2024 à 05:08
Ration, prix de vente des broutards… La pesée est un moyen d’objectiver de nombreux postes sur un élevage bovin viande. Deux conseillers de chez Eilyps évoquent l’intérêt de la pratique sur le plateau de la Space TV.
« Une ferme sans bascule, c’est un petit peu comme une voiture sans compteur. On sait que ça avance, mais on n’a aucune idée de la vitesse », aime à dire Jean-Joseph Bercegeay, conseiller élevage bovin viande chez Eilyps.
Après plusieurs décennies de conseil, le passionné de bovin viande propose aux éleveurs trois à quatre pesées annuelles. « Si l’on pèse un animal au sevrage autour de 300-350 kg, et que l’on revient 100 jours après, il sera déjà proche des 500 kg ». Avec des bovins, l’aiguille sur la balance monte vite, et les manquements sont difficiles à rattraper.
Tout se pèse
« Tout se pèse », complète sa collègue Mélanie Deborde, également conseillère chez Eilyps. De la naissance pour savoir d’où l’on part, à la finition des réformes, la bascule permet à l’éleveur de donner une valeur à ses animaux. « Ça rassure l’éleveur, habitue les animaux à la manipulation, et ça permet d’optimiser les prix. J’ai un éleveur qui était content de son prix de vente de broutard. Je lui ai conseillé de peser, et on s’est rendu compte qu’il pouvait gagner dans les 100 € par animal », insiste Jean-Joseph Bercegeay.
Pourtant, la pratique est peu répandue. D’après un sondage Web-agri, réalisé du 2 au 9 octobre, seuls 44 % des éleveurs pèsent leurs animaux. L’indexation est souvent une porte d’entrée vers la pesée. « Les organismes de sélection demandent les poids âge type à 120 et 210 jours, et les éleveurs en profitent pour mettre en place un suivi », précise Jean-Joseph.
Adapter les rations
Mais au-delà des obligations liées au contrôle de performance, la pesée donne des indicateurs pour piloter son atelier. « C’est un moyen d’alloter les animaux pour rationaliser leur conduite », estime sa collègue, Mélanie Deborde. « À 120 jours, le veau est essentiellement au lait. Peser les veaux permet de trier les vaches selon leurs qualités laitières, et ainsi d’adapter les complémentations ». D’autant qu’en bovin viande, la pesée du veau est la seule manière de bénéficier d’informations sur les qualités laitières de la mère.
Et plus l’animal est jeune, plus les kilos pris sont bon marché. « Plus le veau sera lourd, plus l’élevage de la génisse sera simple et peu coûteux. Les kilos sont plus faciles à gagner sur un veau de 200 kg sur une génisse de 400 kg, et les retards sont difficiles à rattraper », estime Mélanie Deborde.
Un outil de pilotage pour le vêlage précoce
Vêlages deux ans, croissances compensatrices… Nombreuses sont les pratiques permettant d’optimiser la conduite des troupeaux allaitant dans un contexte économique tendu, mais encore faut-il avoir des indicateurs pour les mettre en place.
Côté femelles, la pesée permet de piloter la mise à la reproduction. C’est un très bon moyen de se rassurer pour les éleveurs visant le vêlage précoce. « On dit qu’il faut viser les 55 % ou 65 % du poids vif pour la première mise à la reproduction. Mais sans peser, c’est difficile de se situer », estime Jean-Joseph Bercegeay. « La bascule, c’est un moyen de se rassurer et de suivre ses objectifs ».
Même constat pour les éleveurs qui misent sur les croissances compensatrices. « On va par exemple viser les 400 ou 600 g de GMQ l’hiver, avec une ration peu coûteuse, et une croissance compensatrice à l’herbe. Dans ce genre de système, la pesée permet de se rassurer, d’identifier les problèmes de parasitisme, et au final tirer autant que possible des fourrages bon marché ».
Améliorer ses prix de vente
Du côté des mâles, en grande partie destinés à la viande, la pesée est tout bonnement un moyen d’avoir une idée de la quantité de viande qu’ils ont sur le dos. « La meilleure façon de vendre un broutard, c’est de le peser », tranche le conseiller. « Sur un broutard de 8 mois, on peut se tromper de 20 à 30 kg à l’œil. À 4 € le kg vif, ça fait une différence de 120 ou 130 € par animal ».
À l’œil, on peut se tromper de 20 à 30 kg sur le poids d’un broutard
Les pesées à l’engraissement permettent d’avoir un œil sur le GMQ. « On vérifie que la ration est performante, et en adéquation avec les besoins des animaux », explique Mélanie Deborde. « En jeune bovin, on a un objectif de poids de carcasse. Mais entre l’arrivée de l’animal à 8 mois, et sa sortie à 18 mois, il peut se passer beaucoup de choses », ajoute son collègue. « Peser à un an permet de corriger les rations, de se rassurer, d’avoir des poids de référence. On peut par exemple se viser un objectif de 500 kg à un an et viser les 800 kg à la sortie. Et selon les pesées, faire des prévisions de vente ou viser des dates de sorties ». En bref, établir un prévisionnel de vente.
Dans la même logique, il peut être intéressant de profiter de la bascule pour garder un œil sur les vaches de boucherie en finition.
Au-delà de l’acquisition de données, la pesée permet de manipuler les animaux. « Une fois qu’ils sont habitués à être manipulés, il y a moins de stress lors des déplacements, comme du chargement à l’abattoir », notre Jean-Joseph Bercegeay. « C’est beaucoup moins dangereux de sortir un JB qui a été manipulé plusieurs fois, qu’un animal qu’on a laissé dans une case pendant 10 mois sans y toucher ».
Seuls 22 % des éleveurs ont une bascule
Attention toutefois à la contention. « On peut toujours s’adapter, mais c’est mieux d’être bien équipé. La contention permet de travailler en sécurité. On est sur des animaux qui font entre 2 et 10 fois notre poids, alors il faut être animalier et savoir manipuler les animaux ». Prendre l’animal dans le bon sens, éviter les gestes trop brusques…
Enfin pas forcément besoin d’investir dans une bascule pour peser. D’après un sondage Web-agri, 85 % des éleveurs qui pèsent leurs animaux ont une bascule. Les 15 % restant misent sur la prestation. « Nous avons des camions avec des bascules traînées qui peuvent s’installer chez les éleveurs », explique Mélanie Deborde, conseillère chez Eilyps. Une manière de ne pas manipuler les animaux seuls, et de bénéficier d’un regard extérieur.