Le roto de traite se passe de trayeurs mais pas du pâturage
Élevages bovins lait et viande le 18/02/2015 à 07:25
Du fait d’une main-d’œuvre rare et chère, l’Australie se met à l’heure de la robotisation des élevages laitiers. En Tasmanie, la famille Dornauf a installé la première salle de traite rotative robotisée Amr pour que les vaches viennent d'elles-mêmes se faire traire.
En Australie
Chris et Nick Dornauf
Précurseurs de la traite rotative autonome
Près de 300 vaches laitières, 200 ha de prairies irriguées et une salle de traite rotative plantée au milieu : la ferme Gala à Deloraine en Tasmanie (île australienne située au sud du pays) pourrait ressembler à un élevage classique d’Océanie. Sauf qu’ici, les salariés trayeurs ont laissé la place à des bras robotisés qui lavent les mamelles, branchent les gobelets et appliquent un produit de trempage après la traite.
Propriétaire de quatre fermes et de 1.350 vaches, la famille Dornauf a le goût des défis et s’intéresse depuis longtemps à la robotique. « Mais aligner une dizaine de robots de traite ne me semblait pas très logique, explique Chris Dornauf. L’idée de départ ici : adapter la traite robotisée, avec une circulation volontaire dans un système basé sur le pâturage sans stabulation. » Une problématique fréquente en Australie. C’est pourquoi l’ Amr (Automatic milking rotary) s’est développé dans ce pays via le projet « FutureDairy » et le constructeur DeLaval. Les Dornauf disposent de la première installation commerciale d’Amr au monde. Depuis, une douzaine ont été montées en Australie, en Allemagne, en Suède et en Finlande.
Chris Dornauf, son fil Nick et leur associée Rebecca s’occupent de ce nouvel élevage, créé fin 2011 avec l’arrivée de 220 génisses fraîchement vêlées. A terme, les éleveurs souhaitent atteindre 500 à 600 vaches.
« Le défi technique de robotiser la traite est relevé depuis plusieurs années en Europe, estime Nick Dornauf. Notre principale problématique était donc de trouver comment gérer la circulation volontaire des vaches entre la salle de traite et nos trois secteurs de pâturage. Cela demande de se pencher sur le comportement animal pour que les bêtes fassent ce que nous souhaitons sans avoir à les forcer. L’ensemble du système, associé aux nouvelles technologies de gestion de troupeau, est fascinant et très stimulant intellectuellement. »
La salle de traite rotative de 24 places en épi fonctionne jour et nuit. Lorsqu’une vache entre librement dans le manège de traite, un premier bras prépare les deux trayons droits avec un lavage à sec et une stimulation de la mamelle. Un second bras robotisé nettoie le côté gauche. Deux robots branchent les manchons sur les quartiers arrière puis avant.
Le système est divisé en quatre lignes de lait afin d’analyser la production, la conductivité électrique liée aux cellules somatiques et de détecter la présence de sang. Ces données sont collectées par le logiciel de gestion de troupeau DelPro. Une fois les manchons débranchés, un dernier automate pulvérise un produit post-traite sur les trayons et chaque gobelet est désinfecté pour éviter les contaminations croisées.
L’Amr ne permet pas pour l’instant d’écarter le lait d’une bête en particulier. C’est pourquoi les femelles malades sont conduites dans un troupeau séparé afin d’être rapidement soignées et traites séparément. Contrairement aux robots classiques, les vaches ne sont pas nourries durant la traite. Mais elles savent qu’à la sortie du roto, elles auront accès aux distributeurs automatiques de concentré (Dac), une vingtaine au total.
Jamais une installation de cette taille n’avait été construite. Nous appréhendions un peu, à tort. Les animaux restent généralement une vingtaine de minutes debout dans cette aire d’alimentation avant de rejoindre les pâturages, ce qui laisse le temps aux sphincters de se refermer et limite ainsi les mammites. »
Les abords de la laiterie ressemblent à un véritable labyrinthe de barrières et de portes automatiques, qui dirigent les vaches vers l’une des trois zones de pâturage, l’infirmerie, le box d’insémination ou encore obligent une bête à refaire un tour de manège si un problème est survenu pendant la traite (décrochage ou mauvais branchement).
Les bêtes changent de parcelle après chaque traite. « Il faut être vigilant sur la gestion du pâturage et la distribution de fourrages complémentaires au champ », avertit Nick. Objectif : ne pas gaspiller d’herbe tout en motivant suffisamment les vaches à aller à la traite, surtout lorsqu’elles arrivent en fin de lactation. « Nous avons été surpris par la rapidité d’adaptation des animaux. Il n’y a pas eu à intervenir physiquement pour qu’ils comprennent. »
L’Automatic milking rotary est assez souple d’utilisation : il est toujours possible de passer à une traite « semi-volontaire » en conduisant des lots de vaches jusqu’au roto si besoin. L’Amr est capable de traire près de 90 bêtes à l’heure et d’assurer plus de 1.600 traites par jour. Grâce à cet outil, les grands troupeaux peuvent réaliser des économies d’échelle comparé aux robots de traite en box. Sur leurs quatre fermes laitières, les Dornauf emploient 14 salariés. Selon Chris, l’Amr pourrait s’avérer une bonne solution pour les fermes familiales qui ne veulent pas employer de la main d’œuvre extérieure. « Une personne seule peut facilement gérer un troupeau de 600 vaches le temps d’un week-end », assure-t-il.
Les Dornauf voient la robotique comme une solution d’avenir pour l’industrie laitière australienne. « Je n’imagine pas la génération de nos enfants se lever à quatre heure du matin pour traire jusqu’au soir, alors qu’ils peuvent plus facilement qu’autrefois s’orienter vers un autre métier », fait remarquer le père. « Dans le contexte actuel de vieillissement de la population agricole, la robotisation de l’agriculture devrait inciter les jeunes à s’installer et aider à recruter et conserver des salariés qualifiés », complète son fils.
N.B : D’après un article de Carlène Dowie paru dans Australian Dairyfarmer.