« La monotraite, oui, mais pas toute l’année ! »
TNC le 26/09/2023 à 10:04
Deux mois dans l’année, Albéric Avenel supprime la traite du soir. L’occasion de gagner du temps, et de limiter le coût alimentaire sur un troupeau de vaches en fin de lactation. Si l’opération a généré un manque à gagner de 1 400 € l’année dernière, l’éleveur juge que le jeu en vaut la chandelle.
« Deux jours avant Noël, je supprime la traite du soir », explique Albéric Avenel, éleveur laitier en Seine-Maritime. « C’est un petit cadeau que je me fais à moi-même ». Installé depuis une dizaine d’années, l’éleveur normand a repensé le système laitier de ses parents au profit des vêlages groupés de printemps. L’occasion de lever le pied durant les fins de lactation.
« À l’origine, je voulais tester la monotraite durant les fêtes de fin d’année, mais mon vacher a attrapé le covid à la nouvelle année. Je me suis dit que c’était l’occasion de prolonger un petit peu ! » sourit l’agriculteur. Depuis deux ans, il diminue la fréquence des traites entre fin décembre et fin février. « Que ce soit pour deux semaines ou deux mois, la transition est la même, alors autant en profiter ».
Chez Albéric Avenel
95 vaches laitières en croisement trois voies (Holstein — Rouge scandinave — Normande)
Vêlages groupés de printemps sur quatre mois
6 000 l/vaches
TB : 40 et TP : 33
Côté production, la baisse est inévitable. Environ 25 % de moins qu’en temps normal, mais l’éleveur s’y retrouve. « C’est impactant en proportion, mais comme je pratique la monotraite sur des vaches en fin de lactation, la baisse de volume est contenue ». D’une moyenne à 13 litres par vache et par jour, l’agriculteur descend à 10 litres. La baisse de la production est en partie compensée par l’augmentation des taux. Le lait passe de 40 à 42 de TB, et de 33 à 34 pour le TP.
Le retour à la double traite se fait sans mal. En fin d’hiver, la période des vêlages approche et le nombre de tarries augmente. Une bonne partie du troupeau ne reprendra la double traite qu’en commençant une nouvelle lactation. Pour le reste, « les vaches reprennent dans les 2 l de lait et profitent de la reprise de la végétation pour leur fin de lactation ».
Sur le plan économique, Albéric Avenel s’y retrouve. L’hiver dernier, la suppression de la traite du soir a engendré une baisse de production de 15 500 litres sur deux mois pour l’ensemble du troupeau. Au prix du lait enregistré en janvier 2023, les deux mois de monotraite ont généré une baisse de chiffre d’affaires de l’ordre de 5 600 €. Mais les charges sont également orientées à la baisse.
Un manque à gagner de 1 400 €
La plus grosse économie concerne la main-d’œuvre. « Je fais l’économie de 2h30 de travail par jour. Aux environs des 18 €/h, c’est près de 2 700 € qui sont ainsi économisés sur la période de monotraite ». La ration est aussi adaptée. « Les vaches produisent moins, on peut donc se contenter d’une ration plus light durant la période hivernale ». La monotraite a donc été l’occasion de supprimer l’aliment concentré et minéral pour les vaches, soit une économie d’environ 1 500 € sur la période en question.
« C’est intéressant parce que je suis en vêlage groupé et que mes vaches sont en fin de lactation. Si je perdais 5 litres de lait au niveau des prix actuels, l’équation serait tout autre », résume l’agriculteur.
Sans compter les éventuelles plus-values générées par l’amélioration des taux, les deux mois de monotraite ont engendré un manque à gagner de 1 400 €. « C’est une somme, mais c’est aussi ce qui permet de privilégier la vie de famille pendant une période ». « C’est une manière de partager ce que l’on vit le soir à la maison », complète Amandine Join-Dieterle, son épouse. Et la monotraite n’est pas pour déplaire à son salarié. « C’est un grand chasseur, il apprécie d’avoir du temps sur cette période pour faire autre chose ». Seul bémol : la reprise. « C’est un peu le calme avant la tempête », tempère Amandine. Avec des vêlages groupés sur quatre mois au printemps, les journées sont intenses !
Le plus dur, c’est pour l’éleveur
Question transition, l’éleveur modifie sa ration deux jours avant le passage à la monotraite. « Cette année, j’ai arrêté le tourteau aux environs du 20 décembre, et j’ai supprimé une traite le 23 ». La monotraite ne demande pas davantage de préparation. « Le premier soir, je rentre les vaches directement en stabulation », explique l’agriculteur qui pratique le pâturage hivernal. « Au début, elles ne comprennent pas. Et c’est un peu difficile de les voir meugler ! » Après deux à trois jours, elles s’habituent.
L’horaire de traite matinale reste inchangé. « Certains conseillent de l’avancer pour faciliter la transition, mais ça se passe très bien sans ».
Le niveau de cellules est cependant à suivre avec attention. « Il peut monter très vite ». De 100 000 à 150 000 cellules en temps normal, l’éleveur dépasse facilement les 200 000 en période de monotraite. « Il faut avoir un troupeau sain, d’autant qu’il y a une certaine inertie pour retrouver le niveau habituel après le retour en double traite ».
Mieux vaut également prévenir sa laiterie : « c’est certain que les transformateurs préfèrent avoir un approvisionnement linéaire, mais ils s’adaptent », explique l’agriculteur qui travaille avec Sodiaal. « La tournée du laitier reste la même, il vient juste chercher deux traites au lieu de quatre ».
Anticiper les variations de trésorerie
Mais l’impact de la monotraite sur la trésorerie de l’exploitation n’est pas à négliger. « En cumulant monotraite et vêlages groupés, les rentrées d’argent ne sont pas linéarisées sur l’année. Les besoins en trésorerie sont assez importants au printemps, avec les vêlages et les vaches à inséminer, alors que les mois d’hiver offrent les plus faibles paies de lait ». Bref, il est essentiel de s’organiser pour.