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Témoignages

2 duos de cédants/repreneurs au diapason, c’est une transmission bien orchestrée


TNC le 27/02/2023 à 12:11
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Deux duos de cédants/repreneurs témoignent sur leur transmission/reprise : Éric Caillot/Loïc Lefebvre et Michel Raymond/Anthony Bacquié.(©TNC)

Éric Caillot et Loïc Lefebvre en bovins viande dans le Puy-de-Dôme, Michel Raymond et Anthony Bacquié en vaches laitières dans le Cantal : ces deux duos de cédants/repreneurs, dans deux productions et départements différents, ont plusieurs points communs. Anticipation de la cession, recherche d'un successeur, formation et acquisition d'expérience, stage de parrainage pour faciliter le passage de flambeau... avec, à la clé, deux transmissions réussies, hors cadre familial.

Éric Caillot menait un troupeau de 60 vaches allaitantes charolaises, en individuel, à Ars-les-Favets dans le Puy-de-Dôme, Michel Raymond une centaine de vaches laitières Prim’holsteins sur 150 ha, en Gaec à 4 associés, à Ladinhac dans le Cantal. Au-delà de ces différences de production, de structure juridique et de département (situés dans la même région néanmoins), tous deux ont sensiblement le même âge : ils ont pris leur retraite agricole le 1er janvier 2022 pour le premier, et le 1er juillet 2020 pour le second.

Autre similitude : sans successeur, ils ont transmis, la ferme pour l’un et les parts sociales pour l’autre, en hors cadre familial à des jeunes: Loïc Lefebvre et Anthony Bacquié. Une cession d’exploitation réussie pour ces duos de cédants/repreneurs. Chacun explique son parcours de transmission/reprise, en insistant sur les facteurs de succès et points de vigilance. Là encore, les ressemblances sont frappantes.

« Anticiper pour éviter les décisions hâtives »

Tout d’abord, l’anticipation. Dès janvier 2019, trois ans avant d’arrêter son activité, Éric Caillot contacte la chambre départementale d’agriculture pour « voir si sa structure est viable et transmissible ». Un échange qui débouche sur son inscription au RDI (répertoire départ installation), une démarche aussi effectuée par Michel Raymond, en parallèle d’un audit transmission, suffisamment en amont comme il le souligne. Mieux vaut en effet « y réfléchir tôt parce que les décisions trop tardives » ne sont pas toujours les meilleures.

Ce n’est pas rien de passer la main, surtout en élevage !

« Un temps de préparation est indispensable. Ce n’est pas rien de passer la main quand on a travaillé une quarantaine d’années voire plus dans son élevage, il y a le côté affectif, le lien avec les bêtes surtout, on a envie qu’elles continuent d’être élevées dans de bonnes conditions », appuie Michel Raymond. Cinq mois après la publication de l’annonce d’Éric Caillot, en mai 2019, quelqu’un se manifeste. Depuis l’enfance, Loïc Lefevre, petit-fils d’exploitants agricoles, « aime ce métier, baigne dedans et a en tête de l’exercer ». Reprendre l’exploitation familiale n’était cependant pas possible.

« Le stage de parrainage, indispensable »

Cette période test « permet de mettre le pied à l’étrier sans être dépourvu de conseils du jour au lendemain. » (©Fotolia)

À la fin de son BPREA, il est agent de remplacement pendant trois ans, puis salarié dans une coopérative avant de « changer complètement de voie, vers le transport ». En 2018, le désir de devenir agriculteur refait surface et il « saute le pas ». Le RDI, où il s’est inscrit, lui propose diverses fermes. Loïc demande à visiter celle d’Éric qui « répond à ses critères de recherche » et y « revient même plusieurs fois » pour « discuter » de leurs « attentes réciproques ». Le cédant lui présente le cheptel, le matériel, les bâtiments, les parcelles, « tout », comme il l’indique lui-même.

Sinon, en hors cadre familial, on installe une personne sans trop la connaître, ni savoir ce que ça va donner.

D’un « commun accord », puisque « ça collait bien sur le plan humain » ajoute Loïc, ils optent pour un stage de parrainaged’un an, afin de vérifier « si nous pouvions nous accorder », précise Éric. Côté repreneur, ce dispositif permet « de se familiariser avec la structure, les animaux, les propriétaires fonciers, les voisins, etc. ». « Nous faisions le travail ensemble et comme ça fonctionnait bien, nous avons décidé de concrétiser le projet de reprise », poursuit l’éleveur retraité. D’autant que « l’exploitation correspondait bien à mes objectifs », complète Loïc. À partir de là, « l’aventure a réellement commencé », un « parcours du combattant » comme le requalifie l’ancien agriculteur avec le dossier d’installation agricole de Loïc à monter.

Une période où il est empreint de doutes et de craintes, malgré le parrainage et « la satisfaction que son élevage perdure ». « On installe quand même une personne qu’on ne connaît pas beaucoup, sans savoir ce que cela va donner », enchaîne le cédant qui insiste : « Heureusement, que ce stage existe. » D’ailleurs, celui-ci a été prolongé de six mois en attendant le départ en retraite d’Éric. 18 mois au total, c’est encore un peu court, estime pour sa part le jeune agriculteur, tant le processus d’installation est chronophage, exige réflexion et suscite interrogations et incertitudes.

« Une immersion au sein de l’exploitation et son environnement »

Via le RDI également, Michel Raymond rencontre Anthony Bacquié. Pour les mêmes raisons qu’Éric et Loïc, ils choisissent le parrainage, 12 mois de test afin de s’assurer de « la compatibilité d’humeur entre les anciens et le futur associé et de la capacité de la structure à accueillir un jeune, financièrement et humainement », détaille Michel, pourtant « convaincu dès le départ qu’Anthony poursuivrait », que cela allait marcher. Pour que l’installation de son successeur coïncide avec son départ, le stage dure finalement 15 mois. « Une façon de partir en douceur », met-il en avant.

Voir, également, si l’on peut s’accorder.

Et, pour le repreneur, de « trouver sa place » sur la ferme, au sein du collectif de travail et dans un nouveau territoire, au niveau professionnel comme personnel, Anthony étant originaire de l’Ariège. Titulaire d’un Bac STAV et d’un BTS Acse en apprentissage, ce dernier projetait depuis longtemps de s’installer agriculteur, mais a d’abord été deux ans salarié agricole, puis dans une coopérative. En parallèle, il cherche une exploitation, ses grands-parents ayant vendu la leur, et prend contact avec les RDI de plusieurs départements. 

« Au départ, je préférais une reprise individuelle pour être autonome mais petit à petit, au vu de la réalité économique, j’ai compris que ce serait impossible financièrement », relate le jeune homme qui visite alors deux Gaec, dont celui de Lhermet-Chausy avec lequel il a tout de suite « des affinités ». S’ensuivent « plusieurs rendez-vous et lectures de la comptabilité ». Puis le stage de parrainage, une véritable « immersion où, en participant à toutes les tâches, je me suis imprégné de la structure et de son environnement, des terres et des animaux en particulier… et où j’ai pu préparer mon dossier d’installation pour, à la fin, prendre sereinement la décision de m’associer », raconte-t-il ensuite.

S’associer pour s’installer peut être sécurisant, sur les plans financier et technique. (©Fotolia)

« Penser à l’installation en société »

« Aujourd’hui, on ne peut plus envisager une installation sans stage de parrainage, juge le jeune producteur. Car cela permet de mettre le pied à l’étrier sans être dépourvu de conseils du jour au lendemain. » D’autant qu’il y a des réunions de suivi avec la chambre d’agriculture. Concernant le financement, Anthony a utilisé ses droits chômage restant dus à la fin de son dernier CDD. Quand on l’interroge sur ses recommandations aux futurs installés, il réplique du tac-o-tac : « penser à l’installation sociétaire ». Il encourage à « aller voir un maximum de sociétés car toutes ont un fonctionnement différent ».

On entre dans une structure, qui fonctionne déjà.

« Vous finirez par en trouver une qui vous conviendra, ainsi que des associés avec lesquels vous aurez le feeling. Il y a des exploitations pour tous les types de profils ! », lance Anthony, exposant dans la foulée les avantages à rejoindre une société agricole. La sécurité en premier lieu. « On entre dans une structure qui fonctionne déjà, avec de la trésorerie et du fonds de roulement, argumente-t-il. Les investissements, dans le cheptel et les bâtiments entre autres, sont plus faciles. Par exemple, j’ai eu à investir un peu plus de 60 000 € dans le capital social, financé en partie par la DJA. »

Question temps libre, c’est également plus simple. « Ici, nous prenons au moins deux semaines de congés par an, plus des jours par-ci par-là. Nous sommes d’astreinte un week-end sur deux, en binôme, en assurant le minimum syndical, c’est-à-dire la traite et s’occuper des bêtes. » Et de conclure : « En cas de problème de santé ou coup de mou, on peut compter sur des gens en qui on a 100 % confiance ». Quant à Loïc, l’autre jeune éleveur, il préconise aux jeunes qui s’installent de bien cogiter sur leur projet en fonction de leurs aspirations. Donc de « s’y prendre à l’avance et de ne pas se précipiter ». « Avant de prendre les rênes de votre exploitation, partez découvrir d’autres choses ailleurs », exhorte-t-il.

Bientôt un nouveau départ au Gaec de Lhermet-Chausy, celui en retraite de l’épouse de Michel en juin 2023. Une offre vidéo d’association a été déposée au RDI :

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