Viande bovine : des prix au plus haut, mais qui pour élever les vaches demain ?
TNC le 13/11/2025 à 18:01
Au Grand Angle Viande, les experts de l’Institut de l’élevage ont commenté la hausse des cours, mais si la production semble enfin rentable, la décapitalisation est au cœur de tous les travaux.
Chaque année, l’Institut de l’élevage donne la température de la filière avec le Grand Angle Viande. L’édition 2025 dresse le portrait d’un monde de l’élevage en demi-teinte.
Les prix sont là. A la mi-octobre, le cours du broutard Charolais U de 450 kg était 50 % plus élevé qu’à la même période en 2024. Le prix des vaches n’est pas en reste, avec des niveaux jamais atteints malgré la baisse saisonnière enclenchée sur les réformes laitières. « Le manque d’offre tire les prix, et aucun de nos voisins européens n’a la capacité d’infléchir la tendance. La décapitalisation est européenne », insiste Caroline Monniot, agroéconomiste pour l’Idele. En deux ans, l’Europe a perdu presque un million de vaches.
Mais voilà : y aura-t-il encore des éleveurs demain pour produire de la viande bovine ? La filière va au-devant d’une transition démographique, et les décennies de prix bas ont fait de la casse.
Au pupitre, Emmanuel Bernard, président de la section viande d’Interbev n’a de cesse de rappeler que la hausse des cours est le résultat d’un manque de rentabilité chronique. « On n’arrivait pas à atteindre ce fameux coût de production, alors on vendait les vaches », rappelle l’éleveur de Charolaises. « Ce sont des stratégies à court terme qui ont eu les conséquences qu’on connaît ».
On perd un outil d’abattage tous les deux mois
Du côté des abatteurs et transformateurs règne une forme d’appréhension. « On perd un outil d’abattage tous les deux mois », alerte Dominique Guineheux pour Culture viande. Pour lui, la question n’est pas de faire baisser les prix, mais de savoir quelle sera l’origine de la viande dans l’assiette des Français. « Il faut savoir si l’on veut capter la valeur ajoutée chez nous, ou la laisser aux autres. Et c’est valable pour les transformateurs comme pour les éleveurs qui vont vivre les territoires », insiste l’élu.
Car les importations de l’Europe progressent. L’Union à 27 a importé sur les huit premiers mois de l’année 249 000 téc de viande bovine. C’est 14 % de plus que l’année dernière. En tête d’affiche : les pays du Mercosur, avec une progression de 24 % de l’origine brésilienne.
La démographie risque d’aggraver la tendance. « Le pic des départs en retraite est passé en bovin lait, mais il est encore devant nous pour la filière allaitante », alerte Christophe Perrot, chargé de mission économie des territoires à l’Institut.
Un « plan élevage » pour favoriser les transmissions ?
Dans ce contexte, Culture Viande en appelle à la mise en place d’un « plan élevage » pour aider à l’attractivité des filières. « Les animaux sont très chers. C’est positif pour les éleveurs en activité, mais cela n’aide pas à l’installation », alerte Dominique Guineheux. « S’il fallait 400 000 € pour reprendre une ferme il y a 10 ans, demain, il faudra peut-être un million d’euros ».
La transmission du capital est un des enjeux du maintien du cheptel. Et pour l’élu, « il faudra peut-être trouver des éléments pour inciter les cédants à transmettre pour favoriser l’installation. On pourrait imaginer un levier fiscal ».
Retenir les veaux et broutards en France
L’installation n’est pas le seul levier permettant la sécurisation des volumes pour les abattoirs, et les consommateurs français. La rétention de broutards pour l’engraissement est au cœur des travaux de l’Institut de l’élevage. « Nous avons la chance d’avoir les moules à veaux », rappellent les présentateurs.
Un peu plus de 800 000 broutards et 350 000 veaux partent à l’export chaque année. « 50 % de veaux exportés en moins, c’est 50 à 60 téc produites en plus dans l’hexagone, c’est déjà un bel abattoir de conservé, voire davantage », lance Jean-Jacques Bertron, responsable de projet engraissement pour l’Institut.