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Législation

Une loi pour fluidifier les rapports de voisinage


TNC le 21/12/2023 à 12:01
NicoleLP

Nicole Le Peih, députée et agricultrice, a porté un projet de loi sur les troubles du voisinage. (© TNC)

Les procédures judiciaires engagées en raison de troubles du voisinage concernent des activités aussi variées que l’agriculture, la restauration, l’industrie, les écoles ou les crèches. Elles cristallisent les conflits et engorgent les tribunaux. Face à cette situation, Nicole Le Peih, députée du Morbihan et agricultrice, a porté un projet de loi sur les troubles du voisinage.

Tout commence par le bruit d’une moissonneuse. Le début de l’été 2023 a été pluvieux, si bien que lorsque le beau temps daigne enfin accorder une fenêtre météo aux agriculteurs, ceux-ci se dépêchent de moissonner. Le ballet des machines dure trois jours. Trois jours qui déclenchent une pluie de plaintes dans les mairies. « Là, on touche le fond », commente Nicole Le Peih, députée de la troisième circonscription du Morbihan et elle-même agricultrice.

Dans ce département, le préfet et le président de l’ordre des notaires ont décidé, le 22 octobre 2020, qu’une clause serait automatiquement insérée dans les actes des ventes immobilières. Elle rappelle aux futurs acquéreurs qu’il leur incombe de s’assurer « des activités, professionnelles ou non, de toute nature, exercées dans l’environnement proche de l’immeuble, susceptibles d’occasionner des nuisances sonores, olfactives, visuelles ou autres ». Le projet de Nicole Le Peih est de transformer cette clause en une loi, qui concernerait l’ensemble du pays et serait inscrite au Code civil.

3 à 4 % des procédures en milieu rural

Le travail sur ce projet de loi commence en août 2023. Nicole Le Peih réalise de nombreuses auditions, auprès de personnes issues de milieux diversifiées, en territoire rural ou urbain. Les plaintes pour nuisances sont nombreuses et concernent tous les secteurs d’activité : agriculture, industrie, écoles, restaurants, crèches…

Dans un article publié le 14 décembre 2023, Ouest France avance le chiffre de 500 procédures engagées contre des agriculteurs chaque année. La cour de cassation révèle cependant que les dépôts de plaintes en milieu rural ne représentent que 3 à 4 % du total. « C’est logique, commente Nicole Le Peih, puisque 80 % des gens habitent en milieu urbain ou périurbain ». Tous les acteurs des territoires sont donc concernés.

Apprendre à vivre ensemble

Depuis le 1er octobre 2023, un décret (publié le 11 mai) impose une médiation dans tous les conflits de voisinage. « C’est le premier étage de la fusée, explique Nicole Le Peih. Cela va régler une partie des problèmes parce que les gens vont apprendre à se parler avant d’aller en justice ». Si la médiation échoue, la loi portée par Nicole Le Peih prévoit qu’une personne qui s’installe sur un territoire doit être consciente que celui-ci a une histoire, que des acteurs économiques divers y vivent et y travaillent. « Le jour où vous achetez un terrain, une maison, vous êtes responsable de ce que vous achetez, développe Nicole Le Peih. Vous avez vu qu’il y a une scierie à côté, une crêperie, une exploitation agricole, une école… C’est donc en pleine conscience de la vie du territoire que vous vous y installez ».

L’antériorité comme point de repère

Ce qui prévaudra, c’est donc l’antériorité. Autrement dit, une procédure judiciaire engagée contre une activité qui existait avant l’arrivée du plaignant ne pourra pas aboutir. Cette disposition s’entend bien sûr à condition que cet acteur du territoire soit en accord avec la législation. L’objectif est de protéger les crêperies, pub, exploitations agricoles, etc., qui exercent leur activité de longue date et font un jour face à un dépôt de plainte déposé contre eux par un nouvel habitant.

Nicole Le Peih a souhaité une loi inscrite dans le Code civil. « C’est une loi pour faciliter le bien vivre ensemble. Or, c’est bien à travers le Code civil que nous apprenons à vivre ensemble au quotidien », souligne-t-elle.

Le texte a été adopté par un vote à l’Assemblée nationale le 5 décembre dernier et doit maintenant être examiné par le Sénat. La députée est confiante. Elle espère une promulgation en début d’année et la publication du décret d’application dans la foulée.