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Négociations dans la grande distribution

Un « psychodrame » annuel exacerbé par l’inflation


AFP le 27/01/2022 à 10:20
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Pour Damien Lacombe, président de Sodiaal (Candia, Yoplait), il faudrait obtenir « des hausses de 8 à 10 % ». (©Pixabay)

Combien coûtera le beurre Président ou le pain de mie Harrys demain au supermarché ? Il reste un mois aux industriels et aux supermarchés pour négocier, dans un climat encore plus délétère que d'habitude en raison de l'inflation.

Le président de l’Ania, principale organisation de l’agroalimentaire français, ne cesse de le marteler : « Il faut que la réalité des hausses incroyables » des matières premières agricoles (+ 30 % en un an pour le seul blé), l’énergie, les emballages, les salaires… « soient prises en compte », dit Jean-Philippe André.

Des grands groupes comme Danone, Fleury Michon ou McCain, aux PME, tous sont en train de négocier avec les centrales d’achats des supermarchés les prix auxquels leur production sera achetée.

Chaque année, rappelle Jean-Philippe André, cette « grande affaire » tourne au « psychodrame », « dévastateur » pour les équipes vu les enjeux – une enseigne peut représenter 20 % du chiffre d’affaires d’un industriel.

Certes, les acteurs estiment que les box de négociations surchauffés ou glacés pour mettre les commerciaux mal à l’aise appartiennent largement au passé – d’autant que le Covid-19 a multiplié les visioconférences. Mais l’inflation générale des coûts de production ajoute un surplus de crispations.

Les industriels demandent « en moyenne 5-6 % de hausse », d’après le président de l’Ania, après avoir subi « huit ans de déflation » – c’est-à-dire des tarifs d’achat sans cesse revus à la baisse à la faveur de la guerre des prix que se livrent les supermarchés pour attirer les clients chez eux. La « fin du match » sera sifflée le 1er mars.

En attendant, le gouvernement organise régulièrement des « comités de suivi », comme jeudi, réunissant représentants des distributeurs, industriels et agriculteurs, dont la rémunération dépend en bout de chaîne de l’issue des négociations.

Le contexte est d’autant plus particulier qu’une nouvelle loi vient d’entrer en vigueur, dite Égalim 2, censée écarter du jeu des négociations la part revenant aux agriculteurs.

Rompre la « spirale infernale »

« Cette loi vient corriger plus de dix ans d’un système de dérégulation – depuis la loi de modernisation de l’économie de 2008 – au profit de la grande distribution et des industriels », affirme à l’AFP le ministre de l’agriculture et de l’alimentation Julien Denormandie, estimant avoir rompu une « spirale infernale ».

Les distributeurs affirment qu’ils vont accepter des hausses relatives aux matières premières agricoles, tout en s’inquiétant de la réaction des consommateurs face au « mur d’augmentations » des prix, selon l’expression de Michel-Edouard Leclerc. L’argument du pouvoir d’achat, en cette année électorale, exaspère les producteurs.

Si les hausses sont insuffisantes, « vos fournisseurs ne pourront amortir l’inflation qu’en tapant sur leurs salariés, leurs fournisseurs et sur nous les agriculteurs », lance aux distributeurs la fédération des producteurs de lait (FNPL), affiliée au syndicat majoritaire FNSEA.

Pour Damien Lacombe, président de Sodiaal (Candia, Yoplait) et de l’organisation fédérant les coopératives laitières, il faudrait obtenir « des hausses de 8 à 10 % ». « Cela fait cinq centimes de plus sur une bouteille de lait, quatre euros à la fin de l’année pour un foyer qui consomme 80 litres de lait par an », relativise-il. « L’impact est très, très modeste côté consommateur, mais énorme pour nous paysans », insiste-t-il.

Julien Denormandie promet une « tolérance zéro vis-à-vis de ceux qui ne jouent pas le jeu » et un renforcement des contrôles de la DGCCRF (concurrence et répression des fraudes). « Depuis le 1er janvier, nous avons lancé plus de 200 enquêtes. En cas de manquement, il y aura des sanctions, qui peuvent aller jusqu’à un pourcentage du chiffre d’affaires selon la gravité de l’infraction », prévient-il.

Face à la hausse attendue du panier moyen, il se dit « favorable à toute mesure visant à renforcer le pouvoir d’achat », affirmant que le gouvernement s’y emploie déjà, en limitant les hausses de l’électricité ou via le « chèque inflation ».

Selon l’Insee, l’indice des prix à la consommation a augmenté de 2,8 % sur un an au mois de décembre.

Les seuls produits de grande consommation achetés en supermarché étaient encore globalement en déflation de 0,42 % en 2021, rapporte Emily Mayer, directrice des études au cabinet spécialisé IRI. Mais le cabinet constate un « frémissement » sur les prix, jusqu’à un pic qui pourrait atteindre les 3 % d’augmentation sur un an au deuxième trimestre 2022. Une fois terminées les négociations annuelles.