Temps de travail : 2 à 3 heures de moins par semaine pour les Nima
TNC le 30/07/2025 à 10:54
Près de 50 % des jeunes agriculteurs, sans aucune origine agricole, prennent plus de 10 jours de congés par an et ont au moins deux activités en dehors de la ferme, contre un tiers pour ceux qui sont issus de ce milieu. Le niveau de diplôme influe également, comme sur la gestion du temps en général.
Le temps de travail en agriculture est rarement pris en compte. « Lorsqu’on demande aux agriculteurs de décrire une journée de travail, les repères temporels sont rares. » Voilà ce qui ressort du projet Agritempo, mené par le laboratoire Tetras de l’université de Lorraine, et qui fait partie des cinq projets financés par le ministère de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire sur les nouveaux actifs agricoles, présentés en juin par son Centre d’études et de prospective.
Fort impact des aléas
Sauf pour la traite en élevage laitier, dont les horaires sont fixes. Même l’alimentation et les soins aux animaux sont évoqués « sans ancrage dans le temps ». « Ça dépend de ce qu’on fait », « de ce qui se passe », « de la météo », détaillent les éleveurs ayant répondu à cette enquête. Près des deux tiers considèrent que les aléas météorologiques impactent fortement leur travail et son organisation, et compliquent toute planification. Les imprévus techniques et logistiques, liés au vivant, influent aussi fortement. « L’enjeu du bon moment prévaut sur celui de l’horaire ou de la durée. »
Ça dépend de ce qu’on fait, de ce qui se passe.
« Une séquence de travail est plus souvent délimitée par la réalisation d’une tâche que par un horaire », pointe également cette analyse. Autrement dit : la journée ou la semaine de travail est envisagée comme une succession de tâches, plutôt que de plages horaires. D’où « une certaine élasticité temporelle ». « Rares sont les exploitants à pouvoir dire, dès le matin, à quelle heure ils prendront leurs pauses, déjeuner notamment, et termineront leur journée. »
Organisation par tâche, et non par plages horaires
En témoignent leurs agendas où l’on peut lire, par exemple, pour un jour donné « semis de maïs derrière le bois, variété Subito » sans heures précises mentionnées. « Il y une logique de traçabilité plus que de planification », fait remarquer l’étude. Cette pratique s’observe principalement chez les producteurs bovins interrogés, les tâches dans les plannings des céréaliers étant plus souvent inscrites dans des plages horaires, mais avec des termes génériques (« bureau », « semis », « apport d’engrais »), dans un but d’organisation et de rappel.
Signalons que seuls 22 % des répondants utilisent un agenda, 40 % notent les travaux et rendez-vous sur un papier ou un tableau, 33 % se fient à leur mémoire et 5 % leur entourage pour les leur rappeler. Les habitudes sont donc diverses avec, comme points communs, peu de formalisation mais de la souplesse en matière d’organisation. L’activité agricole a, sans surprise, une forte « emprise temporelle », sachant que la pause méridienne peut durer parfois plus d’une heure, et que les horaires de l’école ou du ramassage scolaire entrent dans les facteurs organisationnels, ce quelles que soient la production et l’origine sociale des agriculteurs (du milieu agricole ou non).
Issus du monde agricole ou non : peu de différence en termes d’astreintes
Le volume horaire dédié varie davantage selon le second critère que le premier : en bovins lait, les Nima travaillent, en moyenne, 2 à 3 h de moins par semaine que les personnes issues du secteur agricole. Peu de différence toutefois en termes d’astreintes horaires : tous commencent tôt, soit avant 7 h, et finissent après 19 h, sans coupure le week-end. Pour autant, les individus originaires du monde agricole se libèrent plus le dimanche après-midi, ce qui traduit un attachement plus important au repas familial dominical.
Globalement, les éleveurs totalisent la durée de travail hebdomadaire « la plus élevée de tous les actifs français » : 65 à 70 h en moyenne. Les écarts ont tendance à être plus marqués dans les autres productions qu’en élevage, où tout le monde se retrouve plus ou moins sur un pied d’égalité en termes de charge de travail et de contraintes horaires. La capacité à planifier dépend moins de l’origine sociale que du parcours scolaire : les titulaires d’un bac+3 sont 1,6 fois plus nombreux à se fixer des horaires que ceux ayant un diplôme inférieur au baccalauréat, aussi bien dans l’enseignement agricole que général, la longueur des études primant donc sur la filière.
Planification, congés, activités perso : influence du niveau de diplôme
Pour les écoles d’ingénieur agronome, cette proportion est bien plus haute (80 %), à relativiser cependant vu la faible part d’anciens élèves au sein de l’échantillon. De plus, ils planifient plus facilement. Leur cursus les sensibilisent peut-être à la gestion du temps, de même qu’à l’intérêt de pouvoir en dégager pour des congés et des loisirs. Près de 70 % prennent en effet plus de 10 jours de vacances chaque année alors que cela demeure relativement exceptionnel pour les niveaux de formation en dessous.
70 % des ingénieurs prennent plus de 10 jours de vacances chaque année.
L’origine sociale a, par ailleurs, une incidence : 46 % des Nima prennent plus de 10 jours de congés par an et 49 % ont au minimum deux activités en dehors de la ferme, contre 30 et 35 % respectivement pour ceux qui ont des parents exploitants agricoles. « Certains enquêtés se montrent de bonne volonté – « on essaie » disent-ils – d’autres confient » ne pas savoir s’arrêter » voire considèrent cela comme une perte de temps. » Des résultats qui illustrent « les effets de la socialisation familiale sur le temps de travail et son organisation ».