Souveraineté, durabilité : « donner les moyens » aux industries alimentaires


TNC le 28/08/2025 à 17:12
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Anne-Sophie Carrier, Jean-François Loiseau, Sébastien Floc'h et François-Xavier Huard, le 28 août 2025 aux Rencontres des entrepreneurs français. (© TNC)

Implantées localement, acteurs économiques des territoires, créatrices de valeur ajoutée, moteurs de la transition... Les entreprises de l’agroalimentaire sont riches d’arguments pour démontrer leur rôle fondamental dans l’économie. Si ces atouts peuvent contribuer à la reconquête de la souveraineté alimentaire française, les industriels déplorent un certain nombre de freins qui altèrent leur compétitivité et leurs investissements.

Si la souveraineté alimentaire de la France est revenue sur le devant de la scène à la faveur des crises récentes, les industries agroalimentaires méritent d’être davantage soutenues pour leur rôle stratégique en la matière. C’est en tout cas ce qu’ont expliqué les représentants du secteur, réunis le 28 août aux Rencontres des entrepreneurs de France (REF) organisées par le Medef à Roland Garros.

« Les consommateurs n’ont pas conscience du process d’élaboration des produits alimentaires », déplore Jean-François Loiseau, président de l’Ania. « La qualité française a un coût », ajoute-t-il, un coût réel que la concentration de la distribution a contribué à éclipser. Or, payer « un juste prix » s’avère indispensable pour « rémunérer correctement un agriculteur », mais également un industriel « qui veut investir, se développer, attirer, payer correctement ses salariés… », développe Jean-François Loiseau.

Pour Sébastien Floc’h, directeur général du groupe Sill (Le Gall, laiterie Malo…), c’est une « réelle pédagogie de ce qu’est l’alimentaire » qui s’avère nécessaire. Le débat provoqué par la loi Duplomb apparait symptomatique de ces crispations. Sur les deux millions de personnes qui ont signé la pétition contre la loi, « combien connaissent réellement le sujet ? », demande Sébastien Floc’h. Présente au débat, la député LFI Aurélie Trouvé, présidente de la commission des Affaires économiques de l’Assemblée nationale, estime que les réactions contre la loi Duplomb sont des « préférences locales » qu’il faut entendre et respecter comme entrant dans le cadre de la souveraineté alimentaire. « Cela doit vous interpeler », lance-t-elle aux représentants des industries agroalimentaires.

Une nouvelle loi Egalim ?

« Nous avons besoin d’industrie et d’industrialisation », insiste-t-elle par ailleurs, et pour cela, il faut « créer une demande publique locale ». « La loi Egalim y pousse, mais aujourd’hui les collectivités locales n’ont pas le budget. Si on veut protéger la souveraineté alimentaire, il faut dégager du budget. L’alimentation n’est pas assez au cœur des débats politiques alors que c’est la santé ! », répond Anne-Sophie Carrier, directrice du groupe Bel.

Autre difficulté que relèvent les industriels : le manque de protection face aux centrales d’achat. S’il faut une réforme, c’est celle de la répartition de la valeur, estime Anne-Sophie Carrier. « 70 % de mon chiffre d’affaires va se faire avec des centrales européennes. Si rien n’est fait, ce sera 100 % dans deux ans. Je ne suis plus protégée, je vais dégrader encore une fois ma valeur : chaque année, on n’arrive pas à répercuter nos investissements, et c’est comme ça dans tous les groupes, les filiales françaises sont les moins rentables et donc la France devient le pays où l’on ne veut plus investir », explique-t-elle.

Même en France, où la loi Egalim s’applique, les difficultés sont réelles. « Pour passer le respect du coût de production entre Petit Basque et une enseigne, il a fallu 23 rendez-vous ! » témoigne Sébastien Floc’h.

Le constat n’appelle pas forcément à la création d’une nouvelle loi Egalim, mais souligne le besoin d’avoir « un cadre respecté », estime Jean-François Loiseau. « Evitons de mettre dans le sac de la rigueur les conditions fiscales, sociales de nos entreprises », conclut François-Xavier Huard, président directeur général de la FNIL (Fédération nationale de l’industrie laitière). « Donnez-nous les moyens de continuer à faire vivre les territoires et l’économie dans les communes rurales », ajoute-t-il, rappelant que le taux de marge des entreprises agroalimentaires n’est que de 1 %. Concrètement, cela consisterait, entre autres, à reconnaitre l’agroalimentaire comme un secteur stratégique dans le fléchage des investissements.