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Futur de l'élevage

Se plaindre sans décourager la relève, la délicate équation du monde agricole


AFP le 01/03/2024 à 10:05

Au Salon de l'agriculture, après des semaines de manifestations à égrener les difficultés d'exercice du métier, les responsables agricoles veulent convaincre qu'il reste « de beaux jours devant nous ».

Polo vert de l’école AgroParisTech sur le dos, Aurélie Postel, 21 ans, est une des petites mains qui aident à la bonne tenue du concours bovin.

En première année pour devenir ingénieure agronome, elle n’a pas découvert avec les manifestations que l’élevage implique des « sacrifices » et « des grosses journées pour gagner pas grand-chose » : ses parents produisent du lait dans la Manche.

La jeune femme espère que sa formation lui « donnera les compétences pour être utile et faire progresser l’élevage en France » en attendant de voir si elle prend, ou non, la suite de ses parents.

Entre un tiers et la moitié des agriculteurs seront en âge de partir à la retraite en 2030.

Mais comment convaincre des jeunes d’embrasser ce métier, alors que ceux qui sont en place dressent un tableau sombre (revenu insuffisant, surcharge de travail, normes écrasantes…) ? « C’est la question que je me pose toutes les heures en ce moment », reconnaissait fin janvier le président du syndicat majoritaire FNSEA, Arnaud Rousseau, devant des journalistes.

« Quand vous avez de la colère qui s’exprime, c’est difficile de parler d’après. Effectivement, là, c’est Tout va mal, la réalité n’est pas non plus celle-là. Il faudra aussi qu’on construise des perspectives », ajoutait-il alors.

« Dans mes prises de parole dans les médias, j’ai toujours fait attention à souligner qu’il y a des secteurs d’activité où on gagne de l’argent, mais qu’il faut trouver des solutions là où il y a des difficultés », dit à l’AFP le président des Jeunes agriculteurs (JA), Arnaud Gaillot, 37 ans, sur le stand du syndicat au salon.

« Message d’espoir »

Véronique Marchesseau, secrétaire générale de la Confédération paysanne, observe que ceux qui sont proches de la retraite « se demandent s’ils doivent laisser leurs enfants faire une activité qui ne leur permettrait pas de vivre à l’avenir ».

En face, les nouveaux-venus sont résolus, selon elle : « Pour beaucoup, s’installer en agriculture, c’est un projet de société, surtout pour ceux qui ne sont pas du milieu. Ou alors c’est une passion. » A l’image de Baptiste Labalette, 16 ans, qui couve du regard son bélier, Ulysse, avec lequel il a remporté la première place au concours général agricole, dans la catégorie mouton boulonnais.

L’adolescent de Hon-Hergies (Nord), élève en lycée agricole, s’est déjà constitué un mini-troupeau dans le hangar de son grand-père, agriculteur à la retraite. Il compte bien devenir « inséminateur et éleveur en mouton boulonnais ».

Sa détermination n’a pas été ébranlée par le désarroi exprimé dans les manifestations. « Je sais ce que je veux faire depuis tout petit. Même si c’est dur, même s’il faut que je sacrifie des choses, je le ferai, je vis pour ça », tranche-t-il.

Même volonté à l’autre bout du hall 1 du parc des expositions, chez Augustin Bremond, 15 ans, qui surveille des vaches Abondance, casquette de la marque de tracteurs John Deere sur la tête.

Trop de messages négatifs circulent

Il n’est « pas du milieu agricole de base » – son père est charpentier, sa mère boulangère – mais il est entré dans un lycée agricole en Haute-Savoie pour « le contact avec l’animal » et par passion pour « le matériel agricole ».

Les revendications des agriculteurs sont « vraies », pense-t-il, « mais ça ne m’a pas tant inquiété, je me dis qu’on va s’en sortir comme on peut ».

Augustin Bremond se voit éleveur laitier (« c’est comme un truc dont j’ai besoin pour vivre »). Il a tout de même un plan B : « Le bûcheronnage, éventuellement, mais le mieux c’est de ne pas l’utiliser. » Des responsables tentent aussi de relativiser.

« On a plein d’opportunités devant nous parce que les marchés sont plutôt bien orientés pour la production laitière », souligne Pascal Le Brun, président de la fédération des coopératives laitières et éleveur dans le Calvados.

« Chaque génération a eu ses difficultés et, malgré tout, je suis convaincu qu’on a de beaux jours devant nous, poursuit-il. Je voudrais vraiment lancer un message d’espoir. On a trop de messages négatifs qui circulent. »