Sans budget supplémentaire, les multiples objectifs de la Pac restent chimériques
TNC le 22/08/2025 à 10:54
Au fur et à mesure des réformes, les objectifs de la Pac sont devenus de plus en plus nombreux et de plus en plus diversifiés, voire contradictoires, en parallèle d’une réduction du soutien direct aux producteurs. Et le prochain budget européen tel qu’annoncé en mi-juillet ne devrait pas rendre plus réalisable l’ensemble des objectifs visés.
Au fil des décennies, la Pac a subi un processus de réorientation des objectifs, en cohérence avec les attentes sociétales, mais conjointement à une baisse relative du soutien direct aux producteurs, rappelle Zeineb Cherif, chargée de mission aux chambres d’agriculture, dans une analyse parue en juillet dernier, « Politique agricole commune : schizophrénie ou ambitions démesurées ». Elle y propose un éclairage pour mieux appréhender la reconfiguration des arbitrages budgétaires en matière agricole.
Dans le monde, quels soutiens à l’agriculture ?
Ces évolutions ont-elles été similaires dans le reste du monde ? Aux États-Unis, on constate une progression régulière du soutien à l’agriculture, qui a atteint 130 milliards de dollars en 2022, contre 101 milliards dans l’Union européenne. En Chine, le budget a été multiplié par 30 entre 2000 et 2023, passant de 10 milliards d’euros à 300 milliards d’euros. Le soutien à l’agriculture est en revanche resté limité en Russie et au Brésil.
Ces montants cachent néanmoins des stratégies différentes en fonction des États. Dans l’UE, le soutien aux producteurs reste particulièrement important, tandis qu’aux États-Unis, l’accent est davantage mis sur la consommation intérieure. En Russie, les investissements ont été réorientés dans les infrastructures agricoles, afin d’encourager la modernisation des structures productives. En Chine, c’est plutôt le soutien à la production qui s’est massifié : entre 2000 et 2023, ce soutien est passé de 5 % à 15 % du revenu agricole brut (RAB).
Hiérarchiser les objectifs
Côté européen, ce soutien est passé de 30 % du RAB en 2000 à 15 % en 2023. Cette trajectoire à la baisse, conjuguée à des écarts structurels entre États membres, a accentué les disparités entre producteurs européens, explique Zeineb Cherif. En valeur absolue, l’UE reste la région du globe qui soutient le plus ses producteurs, mais ce soutien s’accompagne de contraintes spécifiques, avec un encadrement réglementaire plus exigeant et des normes environnementales particulièrement élevées.
La Pac doit ainsi répondre à une multitude d’objectifs : sécurité alimentaire, biodiversité, environnement, revenu agricole, avec des ressources limitées, dans un contexte de concurrence accrue liée à la libéralisation des marchés. Peuvent-ils réellement tous être atteints ? Pour l’OCDE, cela semble peu probable dans un contexte budgétaire contraint. Des arbitrages seront donc nécessaires entre objectifs environnementaux, compétitivité, sécurité des revenus, soutiens aux prix, insertion dans les marchés mondiaux… Alors qu’une proposition de budget a été annoncée mi-juillet par la Commission européenne, sans augmentation notable pour l’agriculture, il sera indispensable de hiérarchiser les priorités et d’arbitrer entre logique marchande et impératif politique, une « tension qui continue de façonner les orientations contemporaines des politiques agricoles, tant au niveau national, régional qu’international », conclut Zeineb Cherif.