Réinventer les outils « obsolètes et inefficients » de régulation du foncier
TNC le 03/06/2025 à 17:36
Refonder un statut du fermage jugé « dévoyé », unifier la gouvernance foncière, mettre en place un schéma local de cohérence territoriale... Un rapport de l’Académie d’agriculture formule différentes propositions pour actualiser la régulation du foncier et la rendre plus opérationnelle face aux défis actuels.
Fruit de trois ans de concertation et de recherche, le rapport présenté le 28 mai par l’Académie d’agriculture dresse un constat implacable : les outils de régulation du foncier issus des lois d’orientation du début des années 1960 ne sont plus efficaces. Les trois piliers que constituent le statut du fermage, le contrôle des structures, et les Safer sont « progressivement devenus inefficients voire obsolètes » en raison d’un changement de paradigme, explique Marie-Claude Maurel, contributrice au rapport. L’élargissement des finalités de la régulation foncière, avec une prise en compte des enjeux agroécologiques et sociétaux, la réorganisation des instances de concertation, les mutations du droit de la propriété foncière, le développement du portage du foncier contribuent ainsi à créer une architecture juridique extrêmement complexe et de moins en moins opérante.
Une complexité qui « fait écho à la difficulté actuelle de construire une vision commune de l’agriculture », ajoute la juriste Carole Hernandez-Zakine, qui a participé à la rédaction du rapport. Le texte pose ainsi comme préalable la définition d’un nouveau contrat social agricole, et la loi d’orientation de mars 2025 est un premier pas en ce sens, puisqu’elle reconnait l’agriculture comme une activité d’intérêt général majeur.
Rationnaliser les politiques publiques du marché foncier agricole
Les différentes propositions visent ainsi à simplifier et optimiser la gouvernance foncière : fusionner les trois instances de régulation en confiant au préfet la décision administrative, confronter le projet d’installation ou d’agrandissement d’une exploitation avec le schéma local de mise en cohérence, faire instruire le dossier par la Safer, avec une décision d’autorisation par le préfet.
Face à la multiplicité des modalités de régulation, il est nécessaire de réfléchir à un document unique, le schéma local de gouvernance territoriale, estime l’Académie d’agriculture. Ce dernier serait élaboré par l’Établissement public de coopération intercommunale, en lien avec la profession agricole, et prendrait en compte les autres documents de planification existants (SCOT région, SAGE, SDAGE,…).
Un statut du fermage « dépassé et inadapté »
Parmi les mesures les plus importantes pour améliorer la gouvernance, la refonte du statut du fermage apparait également incontournable. Les auditions menées lors de l’élaboration du rapport ont montré que « le statut du fermage était considéré comme largement dévoyé », explique Marcel Lejosne, membre du groupe de travail.
Présent sur les trois-quarts de la SAU française, ce statut souffre de nombreux défauts : une parité propriétaire/bailleur à revoir, des sous-locations illégales mais fréquentes et nécessaires, des difficultés d’amortissement des outils modernes, une incompatibilité des baux actuels avec les nouveaux usages du sol tels que la production d’énergie ou la diversification.
Plusieurs pistes d’action sont possibles, l’académie d’agriculture évoque, entre autres, une mise à bail qui ne déprécie pas le bien avec un seul prix des terres, une modification de la fiscalité foncière, ou encore la fin de la multiplicité des droits de préemption. Certaines propositions sont d’ailleurs soutenues à la fois par les propriétaires et par les bailleurs.