Récolte 2025 : « une situation particulièrement alarmante » pour les producteurs de maïs grain


TNC le 14/10/2025 à 18:12
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Malgré des semis précoces (40 % réalisés mi-avril) et un cumul de températures supérieur à la normale, les récoltes se déroulent à un rythme proche de la moyenne. Au 6 octobre, l’observatoire Céré’Obs comptabilisait 37 % des surfaces récoltées (contre 36 % sur la moyenne quinquennale). (© @remdumdum/Banque d'images FranceAgriTwittos)

Alors que la récolte suit son cours, l’Association générale des producteurs de maïs (AGPM) a dressé un premier bilan de la campagne 2025, marquée par plusieurs aléas climatiques et un contexte de marché particulièrement tendu.

« La situation est critique pour le secteur des grandes cultures et le maïs ne fait pas exception », indique Franck Laborde, président de l’Association générale des producteurs de maïs, à l’occasion d’une conférence de presse organisée le 14 octobre.

« La production française de maïs grain est évaluée à 12,9 Mt, soit un recul de 3,4 % par rapport à la moyenne quinquennale. En cause : une baisse des surfaces et du rendement moyen. Ce dernier est estimé à ce jour à 88,5 q/ha (- 4,2 % par rapport à la moyenne quinquennale) », présente Aude Carrera, animatrice de la filière maïs grain d’Arvalis.

Une campagne 2025 marquée par le stress hydrique

« Le climat estival de l’année a été particulièrement contraignant, notamment en Poitou-Charentes, Pays de la Loire, Centre et Auvergne, impactés par le stress hydrique dès le début du cycle. En témoignent ces chiffres : « 36 % des maïs fleuris au 7 juillet, contre 20 % en moyenne et des ETP atteignant jusqu’à + 9 mm fin juin (+ 4 mm par rapport à la normale) ».

L’experte Arvalis rappelle « le retour de conditions plus favorables sur la deuxième quinzaine de juillet, mais une faible pluviométrie pendant la période de remplissage. Le 2e épisode caniculaire a accéléré la dessication des maïs pluviaux et le retour des pluies sur la dernière décade d’août est arrivé trop tard pour la zone méridionale ». « En situation non limitante, l’irrigation a généralement permis de compenser les effets du climat : exemple à Magneraud (Charente-Maritime) en groie moyenne, où ont été apportés 268 mm d’eau (+ 50 mm/moyenne), l’efficace est de 3,8 q/ha pour 10 mm apportés. »

Parmi les autres spécificités de la campagne 2025, Aude Carrera retient « une pression généralement faible des ravageurs du sol (taupins, géomyze), mais une forte présence de vers gris dans le Sud-Ouest, signalés aussi en Poitou-Charentes, Pays de la Loire et Centre. Peu de dégâts de corvidés ont été observés, du fait d’une augmentation des surfaces protégées et de conditions agronomiques globalement favorables. La chrysomèle continue, en revanche, son installation ». 

Depuis l’arrêt du S-métalochlore, « la gestion des graminées se complique aussi, avec les panics, sétaires, digitaires et le développement du ray-grass. Les produits racinaires ont été en difficulté cette campagne, avec la sécheresse. Le datura représente également un enjeu sanitaire fort, avec une forte pression dans les régions historiquement touchées et une extension des zones impactées ».

Un prix de marché en dessous du coût de production

Pour le président de l’AGPM, « les producteurs de maïs grain se retrouvent dans une situation de risque particulièrement alarmante avec une production mondiale qui ne cesse de croître, un prix de marché en dessous des coûts de production et des conditions de production qui deviennent intenables compte-tenu de la concurrence déloyale ». 

« À l’heure actuelle, le prix du maïs grain tourne autour de 165 €/t, au plus bas depuis 15 ans en euros constants et on ne voit pas de perspective de hausse à court terme. Au niveau mondial, les États-Unis enregistrent, en effet, une récolte record (427 Mt), tout comme le Brésil (135 à 145 Mt). Il faut également noter un euro très fort, au plus haut depuis 2021 : environ 1,17 dollar pour 1 euro, soit une hausse de plus de 10 % en 6 mois. » 

À cela, s’ajoutent « des coûts de production estimés à 200 €/t ». Le président note « une hausse structurelle des coûts de main-d’œuvre et du matériel. Le prix des engrais reste aussi très élevé et sous pression. Et la projection à date nous permet de dire que les charges seront largement au-dessus des 200 €/t en 2026, comme pour ces deux dernières années ».

Selon les projections d’Arvalis, le résultat courant avant impôt par exploitant s’établit à – 14 000 € en moyenne, en 2025, pour les céréaliers. C’est la troisième année consécutive où il est négatif », souligne le président de l’AGPM. 

« En 10 ans, la France a perdu 500 000 ha et dans le même temps, l’Union européenne est devenu le premier importateur mondial de maïs (25 % de ses besoins), auprès de grands pays producteurs, très éloignés de nos standards de production. » 

« Renouer avec l’ambition de produire »

« Si les comptes ne reviennent pas dans le vert, c’est la faillite assurée pour de nombreuses exploitations agricoles », alerte Franck Lacombe. Sur le court terme, l’AGPM demande, comme ses confrères de l’AGPB, l’activation de la réserve de crise de l’Union européenne. » L’association milite également pour « éviter une hausse de la fiscalité dans le cadre du PLF et PLFSS 2026 (redevance eau, GNR, TO-DE) ».

« Sur le plus long terme, il nous faut renouer avec l’ambition de produire. Alors que le maïs est l’une des plantes qui nécessitent le moins d’intrants, nos parcelles sont attaquées et les producteurs pas toujours en capacité de les protéger. Les agriculteurs français font face à des impasses techniques et des cas de surtransposition réglementaire qui se multiplient pendant qu’on ouvre la porte au maïs brésilien, produit avec 77,5 % de produits phytosanitaires interdits en France (exemple de l’atrazine, interdit depuis 20 ans). »

À ce propos, Franck Laborde a rappelé l’opposition de l’AGPM à l’accord de libre-échange avec le Mercosur, le qualifiant « d’accord mortifère pour nos filières. 3,5 Mt pourraient pénétrer sur le marché européen, en grains ou en produits transformés, avec des standards incompatibles avec les nôtres ». L’association soutient la saisine de la Cour de justice de l’UE par le Parlement européen.

L’AGPM a également rappelé « son inquiétude quant aux coûts et à la disponibilité des engrais azotés, sans ouverture commerciale sur d’autres origines que la Russie et en raison des incertitudes liées à la mise en œuvre du MACF ».

« Face au changement climatique, garantir un accès à l’eau partout où ça sera nécessaire est aussi une priorité, dans des projets de territoire en prenant en compte le partage des usages et en travaillant sur l’amélioration de l’efficience. La loi Contraintes donne de l’espoir pour l’irrigation des cultures et l’abreuvement des animaux. Cependant nous restons vigilants quant à sa mise en œuvre, avec notamment l’incorporation des études socio-économiques dans l’étude de faisabilité. »

« Face à nos défis de croissance productive durable avec un faible impact environnemental, on ne réussira pas sans avoir accès à l’ensemble des outils disponibles, notamment les NGT. Nous souhaitons que les discussions en trilogue avancent le plus rapidement possible à ce sujet », ajoute Franck Lacombe.

Le président de l’AGPM fait part d’une campagne maïs 2025, très difficile conjoncturellement. (© Terre-net Média)

« Sortir de cette spirale négative »

L’AGPM demande de « la cohérence et de la réciprocité, et notamment un cadre européen ambitieux pour répondre à l’objectif de souveraineté alimentaire. En plein débat sur l’avenir de la Pac, nous dénonçons le projet de baisse de 20 % du budget actuellement sur la table et appelons à doter la Pac d’un budget ambitieux indexé sur l’inflation, à la recentrer sur l’acte de production en limitant les subsidiarités. Nous ne reviendrons pas autonomes en maïs, mais nous avons l’ambition de remonter en puissance concernant la production ».

« Les conditions du nouvel accord commercial avec l’Ukraine validées par le Conseil de l’UE sont acceptables, mais nous avons besoin de remettre en place des contingents et droits de douane efficaces, d’obtenir une clause de sauvegarde sur les semences ukrainiennes et un réel alignement des standards de production. Produire du maïs en Ukraine coûte entre 97 et 99 €/t cette campagne, contre 200 €/t en France : nous ne pouvons pas lutter. »

Concernant les exportations en UE de maïs doux chinois depuis septembre 2022, « nous avons demandé et obtenu la mise en place de mesures anti-dumping provisoires historiques  ».

Enfin, l’AGPM poursuit « la demande de révision du prix d’intervention pour une meilleure protection de ses marchés ». « Nous devrons sortir de cette spirale négative, ajoute Franck Lacombe, pour que la France et l’Union européenne répondent aux exigences de production, de protection et de prix. »