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Foncier, environnement, social

Quelles conséquences de la rentabilité négative des terres agricoles ?


TNC le 03/07/2024 à 10:58
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Les faibles loyers du fermage et la forte taxation des terres en France constituent une exception en Europe. (© Adobe Stock)

Alors que l’urbanisation est freinée par un prix des terres élevé et la rentabilité de l’agriculture, la situation de la France interpelle avec une taxation importante du foncier agricole et de faibles loyers de fermage qui vont à contre-courant du Zéro artificialisation nette (ZAN).

Si l’agriculture européenne est soumise à différents processus d’harmonisation, ce n’est pas le cas des règles de taxation des terres agricoles. Or ces dernières ont des conséquences sur la rentabilité de l’agriculture et, logiquement, sur les changements de destination du foncier. Une taxation trop élevée peut ainsi favoriser l’urbanisation.

En Europe, les terres agricoles s’avèrent globalement assez peu taxées, explique Guillaume Sainteny, maître de conférence à AgroParisTech, en introduction d’une séance de l’Académie d’agriculture consacrée à cette problématique de la taxation et de la rentabilité des terres agricoles. Sur 12 des 30 pays étudiés, il existe un régime spécifique pour au moins la moitié des taxes étudiées, « donc une volonté d’une fiscalité légère sur les terres agricoles », souligne Guillaume Sainteny. L’évolution des dernières décennies témoigne également d’un allégement progressif de cette fiscalité : par exemple, depuis 2000, 9 pays ont supprimé les droits de mutation à titre gratuit, et depuis 2005, 4 pays ont supprimé les droits de mutation à titre onéreux sur le secteur agricole.

En France, des terres agricoles très taxées

La situation dans l’Hexagone est en revanche très spécifique. Ainsi, les loyers de fermage font partie des plus bas d’Europe et progressent moins vite que l’inflation. Entre 2009 et 2023, ils ont ainsi augmenté de 16,5 %, alors que l’inflation a progressé de 26 %.

Montant moyen des fermages dans différents pays d’Europe (© Académie d’Agriculture)

En parallèle, les taxes s’additionnent, avec des taxes annuelles liées au revenu, des prélèvements sociaux sur les revenus fonciers ruraux (qui n’existent qu’en France), et cinq taxes qui ne sont pas liées au revenu. La taxation s’avère donc très élevée « sur des loyers pourtant divisés par deux », explique Guillaume Sainteny. Et on ne peut pas non plus faire de plus-value à l’actif, avec une valeur des terres agricoles en dessous de celle des années 1970, ajoute-t-il.

Quelles conséquences pour l’agriculture ?

La rentabilité négative des terres agricoles pose ainsi différents problèmes : risque de perte de surface agricole utile, faible intérêt du portage foncier, absence de complément de revenus pour les retraités agricoles, et donc une incitation à artificialiser.

En parallèle, cette baisse de la rémunération du foncier diminue celle des services environnementaux, car en l’absence de dispositif dédié, c’est bien cette valorisation qui permet de payer les services environnementaux et fondés sur la nature, « dont on prône la rémunération », explique Guillaume Sainteny.

Pour ce dernier, il faut donc permettre une rentabilité minimum du foncier non bâti après impôt, en réformant les loyers réglementés du fermage, et/ou en allégeant la fiscalité agricole.