Que propose le texte du député P. Dufau pour renforcer le pouvoir des Safer ?
TNC le 13/03/2025 à 16:10
Adoptée le 11 mars en première lecture à l’Assemblée nationale, la proposition de loi visant à lutter contre la disparition des terres agricoles et à renforcer la régulation des prix du foncier agricole entend étendre la capacité d’action des Safer, en particulier pour lutter contre la « consommation masquée » et les usages détournés du foncier agricole.
« Dans un contexte où le changement climatique pourrait déjà rendre 10 % des terres arables incultivables, la surface même des terres agricoles ne cesse de diminuer pour différentes raisons, à commencer par l’urbanisation. En 2023, l’Hexagone a ainsi perdu 13 000 hectares d’espaces agricoles au profit d’une expansion urbaine irréversible, soit plus que la superficie de la ville de Paris », constate la proposition de loi visant à lutter contre la disparition des terres agricoles et renforcer la régulation des prix du foncier agricole, portée par le député des Pyrénées-Atlantiques Peio Dufau (Socialistes et apparentés).
L’élu entend notamment lutter plus efficacement contre la « consommation masquée du foncier agricole, lorsque des non‑agriculteurs acquièrent des terres et en modifient l’usage », une tendance que la crise sanitaire a renforcée ces dernières années, comme l’a dénoncé à plusieurs reprises la FNSafer.
Une consolidation du droit de préemption partielle
Constatant que le dispositif de préemption partielle instauré par la loi d’avenir de 2014 est peu utilisé, la proposition de loi renforce ce pouvoir des Safer en leur permettant de « demander que la notification de la cession à titre onéreux distingue les terrains à usage ou à vocation agricole des bâtiments d’habitation. La cession relative à ces bâtiments peut inclure un jardin d’agrément dont la surface ne peut être supérieure à cinq fois la surface développée de ces bâtiments, ainsi que des immeubles bâtis sur cette surface ». Concrètement, la Safer pourrait donc, quand il s’agit d’un bien sur lequel elle dispose d’un droit de préemption, demander une cession séparée des bâtiments d’habitation et des terrains à vocation agricole, afin de ne préempter que ces derniers.
Il s’agit à la fois de faciliter la préemption des Safer sur des biens qui pourraient leur échapper, mais également de rendre cette préemption plus accessible dans les zones tendues, où les prix montent facilement et où l’achat du bien dans sa globalité peut s’avérer trop coûteux pour la Safer.
Des exceptions ont cependant été apportées par l’Assemblée concernant les terrains qui font partie d’un ensemble immobilier, formé d’une ou de plusieurs unités foncières appartenant au même propriétaire, dans lequel est situé un monument historique classé ou inscrit ; les terrains situés dans le périmètre d’un site patrimonial remarquable ou d’un site classé ou inscrit au titre du code de l’environnement ; et les terrains labellisés “jardin remarquable” par le ministère de la culture.
Préemption avec révision du prix
Aujourd’hui, lorsque la Safer exerce son droit de préemption uniquement sur une partie des biens mis en vente, le propriétaire est en droit d’imposer à la Safer de préempter le tout, à ses conditions. La Safer n’a pas d’autre choix que d’accepter ou de renoncer à préempter. Le texte de loi prévoit une modification de cette disposition en instaurant une possibilité de révision du prix par la Safer, si elle l’estime supérieur aux prix du marché.
Visites systématiques du bien
L’article 3 prévoit par ailleurs de faciliter les visites de biens par les Safer. Si ces visites ont déjà lieu de façon régulière, « leur systématisation facilitera les discussions en amont et les règlements amiables »,
Zones tendues, zones littorales
Aujourd’hui, les Safer peuvent préempter des bâtiments qui n’ont plus d’usage agricole depuis moins de cinq ans dans les zones agricoles ou de montagne, un délai porté à 20 ans dans les zones littorales. Le texte propose d’étendre ce délai de 20 ans aux zones tendues, à certaines conditions.
Deux rapports sur le droit de préemption
La loi prévoit également la remise, dans les six mois après sa promulgation, de deux rapports au Parlement concernant l’opportunité d’élargir le droit de préemption des Safer aux cessions partielles des parts ou des actions d’une société ayant pour objet principal l’exploitation ou la propriété agricole ; et sur les pistes envisagées pour améliorer l’articulation des différents droits de préemption des collectivités territoriales avec celui de la Safer lorsque ces droits de préemption entrent en concurrence sur une même parcelle de terrain.
Le texte, adopté par l’Assemblée nationale le 11 mars en première lecture, attend désormais son passage au Sénat.