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Libre-échange

Que contient l’accord UE/Mexique sur le plan agricole ?


TNC le 18/05/2020 à 09:15
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Si la possibilité d'importer 20 000 t de viandes bovines mexicaines a choqué, l'accord UE/Mexique a-t-il des aspects offensifs sur le plan agricole ? (©TNC)

Un nouvel accord a été trouvé le 28 avril entre l’Union européenne et le Mexique, exemptant de droits de douane la quasi-totalité des échanges de biens, y compris sur le plan agricole. Dans certaines filières, des quotas à droits réduits vont être mis en place selon les filières, comme dans la viande bovine où la possibilité d’importer 20 000 tonnes de viande bovine mexicaine à droits réduits a choqué les éleveurs bovins. Cependant, que prévoit l’accord concernant les autres filières ?

Alors que se pose la question de la souveraineté alimentaire, dans le sillage de la crise du Covid-19, l’annonce du nouvel accord entre l’Union européenne et le Mexique a pu choquer pour son aspect hors-sol comme pour son contenu en matière agricole. Pour rénover le précédent accord, datant de 2000, les négociations ont cependant commencé en 2016, visant surtout à libéraliser à maximum d’échanges. Ainsi, « avec le nouvel accord, la libéralisation totale atteindra plus de 85 % des lignes qui n’avaient pas été libéralisées » en ce qui concerne l’agriculture et la pêche, indique l’Union européenne.

Échanges de volaille et porc européens libéralisés

Cette libéralisation des tarifs douaniers concerne la volaille, à l’exception du filet de poulet, dont 10 000 tonnes pour être importées du Mexique avec des droits préférentiels et pour les ovoproduits (5 000 tonnes pourront être importées). Côté européen, la libéralisation de la viande désossée mécaniquement (VSM) constitue plutôt une opportunité, les Mexicains étant consommateurs de saucisses à base de volaille. Les cuisses de poulet seront par ailleurs exemptes de droit jusqu’à 20 000 tonnes.

« Il y aura une amélioration considérable des conditions d’accès au marché pour les exportations européennes de porc », considère également l’UE dans son communiqué de presse. Les échanges seront en effet totalement libéralisés, à l’exception d’un quota de 10 000 tonnes de longe de porc. Le Mexique a de son côté obtenu une exception sur le jambon congelé, qui bénéficiera de tarifs préférentiels pour 10 000 tonnes équivalent carcasse.

Tarifs préférentiels et opportunités pour le secteur laitier

L’accord présente également des aspects offensifs du côté des produits laitiers européens. Sur cinq ans, 20 000 tonnes de fromages affinés, 5 000 tonnes de fromages frais, 50 000 tonnes de poudre de lait, 13 000 tonnes de préparations laitières bénéficieront de droits de douanes réduits. Les droits de douane pour les préparations infantiles seront réduits à 50 % du tarif MFN (qui correspond, en pratique, au tarif douanier le plus important imposé aux pays qui n’ont pas d’accords commerciaux avec le Mexique).

Un coup dur pour la viande bovine

Cependant, le cas de la viande bovine a fait couler beaucoup d’encre : 20 000 tonnes de bœuf mexicain pourront entrer en Europe avec des droits de douane réduits (7,5 %) sur cinq ans, sous forme de viande (10 000 téc) et d’abats (10 000 tec).

À un moment où les éleveurs sont à la peine malgré une hausse de la consommation de steak haché, cette annonce a été très mal vécue par la filière française, qui a évoqué les différences de normes sanitaires très importantes entre le Mexique et l’Union européenne. Interbev a ainsi demandé au président de la République de s’opposer à la signature de cet accord.

Sur la même ligne que les syndicats agricoles comme la Coordination rurale ou la Confédération paysanne, le ministre de l’agriculture s’est de son côté exprimé contre l’intégration de l’agriculture dans les accords de libre-échange.  

« Je ne comprends même pas comment on peut annoncer un tel accord en ce moment. Outre la nécessaire remise en cause des règles du commerce international conclure un accord sur 20 000 tonnes de viande bovine avec un pays sans aucune traçabilité : honteux », a réagi le député de la Creuse Jean-Baptiste Moreau (LReM), éleveur bovin.

Reste que le commissaire européen au commerce, l’ancien commissaire à l’agriculture Phil Hogan, est quant à lui convaincu du bien-fondé de ces accords de libre-échange. « Dans les vingt prochaines années, 85 % de la croissance du monde se fera en dehors de l’Europe. En 2040, 50 % de la population mondiale vivra à moins de cinq heures de la Birmanie. Et chaque jour, 150 millions de personnes en Asie sortent du seuil de pauvreté. Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Il me semble évident que les entreprises européennes ne voudront pas se priver de cette manne d’activité. Ce serait complètement idiot de ne pas chercher à profiter de cette croissance. C’est pourquoi nous devons approfondir nos accords de libre-échange existants − on en a avec quelque 70 pays − et chercher à en contracter d’autres. Pour rebondir après la récession que nous traversons, nous aurons plus que jamais besoin du commerce international », a-t-il ainsi estimé dans un entretien paru dans Le Monde, le 7 mai.