Que cache le faible taux de défaillance des entreprises agricoles ?


TNC le 23/12/2025 à 11:53
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(© © TNC)

Après plusieurs années de fort soutien économique suite à la crise sanitaire, les défaillances d’entreprises sont, sans surprise, reparties à la hausse. Dans le monde agricole, pourtant soumis à d’importantes pressions économiques, sociales et environnementales, cette tendance s’avère moins marquée et s’explique par des causes structurelles.

Les aides publiques mises en place au moment de la crise sanitaire ont permis de limiter les défaillances d’entreprises, mais leur arrêt, ainsi que le déclenchement de la guerre en Ukraine, a entraîné une inversion de la tendance depuis 2022. « Le coup de grâce est venu de la forte hausse des coûts de production » liée au conflit, explique Zeineb Cherif, économiste, dans la Lettre économique des Chambres d’agriculture, publiée en novembre. Septembre 2025 a été marqué par un nouveau pic de ces défaillances.

Le secteur agricole en-dessous de la moyenne

Si les procédures concernent principalement les petites structures, les exploitations agricoles semblent moins touchées par cette tendance. Ainsi, on dénombre 1 458 défaillances en 2024, soit + 12 % par rapport à 2023, en dessous de 6 points de la moyenne nationale. « Cet effet de rattrapage s’inscrit dans la continuité des années post-Covid », explique Zeineb Cherif, puisqu’entre 2019 et 2020, les défaillances agricoles avaient reculé de 34 %. Si l’agriculture reste le secteur où l’évolution des défaillances est la plus lente depuis la sortie de la crise, on constate tout de même une accélération en 2025.

Au troisième trimestre, les entreprises agricoles affichent une hausse de 27 % des procédures collectives par rapport à la même période en 2024 (contre + 14 % au premier trimestre et + 10 % au deuxième). Au total 1 088 défaillances ont été recensées sur les trois premiers trimestres, dont 325 au troisième trimestre. Parmi ces dernières, 108 concernent le secteur de l’élevage (+ 42 %) et 164 le secteur des cultures (qui comprend le maraîchage, les céréales et les activités de travaux agricoles).

Une résilience structurelle…

Si les exploitations agricoles semblent mieux résister à la vague de défaillance d’entreprises, c’est notamment lié aux particularités de leur structure, encore majoritairement familiale. Elles restent ainsi « ancrées dans une logique de transmission et de long terme », explique Zeineb Cherif, ce qui limite les défaillances soudaines. En revanche, les défaillances pourraient augmenter dans les années à venir compte tenu de la diminution progressive du nombre d’exploitations à statut familial.

Le secteur est également protégé par son ancrage territorial, et soutenu par les aides de la Pac, « véritables amortisseurs économiques des chocs liés à la hausse des coûts de production, à la pression du climat, des normes ou à la volatilité des marchés », explique l’économiste.

Enfin, le secteur agricole répond à un besoin vital, celui de se nourrir, ce qui le prémunit d’une chute brutale de la demande. « Même en période de forte volatilité des prix ou de chocs climatiques, la demande demeure, dans une certaine mesure, incompressible », indique Zeineb Cherif.

…qui atteint ses limites

Cependant, cette résilience structurelle ne pourra pas protéger éternellement le secteur agricole, aujourd’hui soumis à de fortes tensions économiques, sociales et environnementales, comme le montrent d’ailleurs les mobilisations de plus en plus régulières.

« Si le nombre de défaillances reste contenu, nombre d’exploitations sont néanmoins en situation de grande fragilité financière — voire psychologique — confrontées à des difficultés de transmission ou à un risque d’épuisement professionnel », indique l’économiste, qui rappelle également que le secteur agricole n’est pas une activité économique comme les autres.

Contrairement à d’autres branches de l’économie, laisser s’appliquer à l’agriculture le principe de destruction créatrice, processus permanent de destructions d’activités économiques liées aux anciennes innovations et de création de nouvelles activités qui les supplantent, pourrait ainsi s’avérer problématique, compte tenu de l’aspect « vital » du secteur et de sa contribution à notre sécurité alimentaire.