Pour les éleveurs, la chape de plomb des maladies animales
AFP le 18/09/2024 à 08:35
« Faire ce qu'on peut pour protéger nos animaux » : FCO, MHE, IAHP, PPA... Ces acronymes obscurs, derrière lesquels se cachent des maladies animales, font peser une lourde menace sur les professionnels français de l'élevage, rassemblés à Rennes.
Au salon des productions animales (Space) qui se tient jusqu’à jeudi aux abords de la capitale bretonne, les moutons sont regroupés dans un espace rétréci. Il n’y en a que 37 cette année en raison des restrictions liées à la fièvre catarrhale ovine (FCO).
Un peu plus loin, les vaches viennent d’être désinsectisées pour s’assurer qu’aucun moucheron porteur de la FCO ou de la maladie hémorragique épizootique (MHE) ne les a suivies jusque-là.
Le salon professionnel n’a pas pour habitude de présenter des porcs et volailles. Mais eux aussi sont guettés par des maladies au potentiel dévastateur : la peste porcine africaine (PPA), qui risque d’arriver en France via les pays voisins, et l’influenza aviaire hautement pathogène (IAHP), communément appelée grippe aviaire, dont quelques cas ont été détectés en Bretagne.
« Les éleveurs se trouvent pris en tenaille entre plusieurs problèmes sanitaires », a résumé mardi devant la presse Anne-Marie Denis, présidente du syndicat majoritaire FNSEA en Normandie.
Dans ce contexte, le président national de la FNSEA, Arnaud Rousseau, déplore « une espèce de no man’s land politique » en attendant la composition du gouvernement de Michel Barnier.
Les organisateurs du Space ont calculé avoir reçu une visite ministérielle à chaque édition depuis 1995. Ni le nouveau chef du gouvernement ni le ministre démissionnaire de l’Agriculture Marc Fesneau n’ont encore annoncé leur venue.
« Comme le Covid »
Jean-Yves Roussel, responsable des présentations animales, explique qu’il y a « normalement 750 animaux sur un Space classique ». « Il manque 200 moutons et chèvres, et 30 à 40 vaches », précise-t-il à l’AFP.
Les ovins sont tous vaccinés contre la FCO. Michel Duquesne, 74 ans, est venu présenter six moutons de la race Roussin de La Hague. L’éleveur de la Manche n’a pas hésité à vacciner : il craignait de perdre le travail d’une vie « du jour au lendemain ».
D’autres, explique-t-il, sont plus « réticents », redoutent des effets secondaires. Chez lui, les animaux n’ont eu « que 24 heures de petite fièvre ».
« Il faut faire ce qu’on peut pour protéger nos animaux. Quand on écoute les collègues touchés, ça ne fait pas rire », relève Adélaïde Hyson, 30 ans, salopette assortie à la robe caramel de ses vaches jersiaises. Le troupeau qu’elle élève en Eure-et-Loir avec ses parents est déjà vacciné contre la FCO et le sera « dès que possible » contre la MHE.
Face à cette maladie progressant depuis le Sud-Ouest, l’Etat a passé des commandes d’un vaccin nouvellement homologué, mais aucune dose n’est arrivée dans les fermes.
« Ça se trouve, on aura le vaccin avant d’avoir un ministre de l’Agriculture ! » plaisante Gérard Ménard, 60 ans, basé en Loire-Atlantique. Couvant du regard Univers, futur taureau reproducteur de la race limousine, il estime qu’il va « falloir apprendre à vivre avec » les nouvelles maladies, « c’est comme le Covid ».
Se barricader
Pour les producteurs de porcs, la question n’est plus tant de savoir si la fièvre porcine africaine arrivera en France, mais quand.
« Il y aura des cas en faune sauvage », parmi les sangliers, « c’est sûr », assène David Louzaouen, éleveur dans le Finistère et vice-président de la coopérative Porc Armor Evolution. Il garde toutefois l’espoir que les exploitations porcines parviennent à maintenir la PPA à distance (sas sanitaires, clôtures pour empêcher les sangliers d’approcher). « Tout le monde n’est pas prêt », concède-t-il.
Les professionnels de la volaille, quant à eux, respirent depuis que les canards sont vaccinés contre la grippe aviaire. Après avoir dû abattre des dizaines de millions de volatiles en quelques années, la France n’a pas connu de flambée épidémique en 2023-24.
Nadine Le Floch, qui élève des canards dans le Morbihan, a été épargnée par le virus. Elle se demande si la participation financière de l’Etat à la vaccination « va durer ».
Le gouvernement s’est pour l’heure engagé à prendre en charge 70 % des coûts des trois premiers mois de la prochaine campagne, qui débute le 1er octobre.