Paris intensifie ses efforts contre l’accord avec le Mercosur


AFP le 27/06/2025 à 10:04

Emmanuel Macron a redit jeudi que l'accord de libre-échange entre l'UE et les pays du Mercosur était inacceptable « en l'état » pour la France, poussant à minima pour le compléter, au moment où la Commission européenne s'apprête à lancer le processus de ratification.

« La proposition de signature et de conclusion (de l’accord) sera adoptée par la Commission avant la fin de ce mois », a fait savoir cette semaine Leopoldo Rubinacci, directeur adjoint chargé du commerce à la Commission. Les 27 États membres devront alors délibérer, puis voter sur ce projet de texte finalisé.

Les pays du Mercosur concernés par l’accord (Argentine, Brésil, Uruguay et Paraguay) et l’Union européenne ont conclu en décembre leurs négociations au grand dam de la France, qui dénonce une clause de sauvegarde du texte actuel jugée insuffisante pour protéger certaines filières agricoles.

Le sommet européen de jeudi à Bruxelles a été l’occasion de prendre le pouls et le niveau de résistance de Paris. « Aucun chef d’État ou de gouvernement n’a soulevé d’objection fondamentale sur le fait que nous convenons sur le principe que l’accord Mercosur doit maintenant être adopté dès que possible », a dit à l’issue de la réunion le chancelier allemand Friedrich Merz, fervent partisan du traité. Il n’a fait état que de « problèmes mineurs ».

Protéger certains marchés agricoles

Mais dans une salle voisine, lui aussi devant la presse, le président français a confirmé l’opposition française « en l’état ». « Ce qu’on pousse, ce n’est pas de modifier l’accord tel qu’il est, c’est de l’enrichir avec une discussion supplémentaire », entre États européens et avec les pays latino-américains, a plaidé Emmanuel macron.

« On est plusieurs États à soutenir cette idée (…) de dire « il faut qu’on ait des mécanismes qui permettent de protéger certains marchés agricoles clés s’ils venaient à être totalement déstabilisés par cet accord commercial ». » Dans l’Hexagone, ce traité suscite une opposition farouche du monde agricole.

Il doit permettre à l’UE d’exporter notamment plus de voitures, machines, spiritueux. Mais les agriculteurs français redoutent que les produits du Mercosur viennent les concurrencer sur les pièces nobles, les plus lucratives, comme l’aloyau de bœuf et le filet de poulet.

Le scénario pressenti à Paris est la présentation par la Commission d’un accord en deux volets, l’un politique et l’autre commercial. Dans cette configuration, la France ne pourrait bloquer à elle seule le volet commercial. Pour faire capoter sa ratification, elle devrait alors obtenir le veto ou l’abstention d’au moins quatre États représentant au moins 35 % de la population de l’Union européenne.

Une minorité de blocage à portée de main ?

Le président brésilien Lula, qui prendra la présidence du Mercosur le 6 juillet, a insisté début juin à Paris sur la nécessité de la signature de l’accord avant la fin de l’année.

Ces derniers jours, le gouvernement français a multiplié les contacts avec ses homologues, convaincus qu’une minorité de blocage est à portée de main même si une majorité de pays sont actuellement favorables à la signature de l’accord. La France peut compter sur la Pologne qui a exprimé de « très sérieuses réserves », estimant que cet accord « est fondamentalement défavorable ».

La position de l’Italie ne semble pas encore totalement arrêtée. Mais son ministre chargé de l’Europe Tommaso Foti et son homologue français Benjamin Haddad ont signé récemment une déclaration commune pour réclamer de nouvelles clauses de sauvegarde, ce qui a suscité l’espoir à Paris d’un ralliement de ce pays de près de 59 millions d’habitants.

Passage en force ?

Mercredi, la ministre française de l’agriculture Annie Genevard, aux côtés de son homologue polonais Czeslaw Siekierski, a accusé la Commission européenne de vouloir « passer en force ».

« Nous sommes rejoints dans notre combat par la Hongrie, l’Autriche, l’Irlande, les Pays-Bas, la Roumanie, l’Italie, qui ont fait part de leur forte préoccupation », a-t-elle assuré. Selon elle, l’adoption du texte « n’est pas gagnée », si l’on prend aussi les doutes exprimés par la Belgique et la Lituanie.

Ces pays ont émis des réserves mais tous n’ont pas clairement indiqué s’ils s’abstiendraient ou s’ils voteraient contre lors de l’examen par le Conseil de l’UE. À Paris, on met en garde contre la capacité de nuisance du monde agricole, pas seulement français, qui a su se mobiliser l’an passé avant les élections au Parlement européen, qui devra lui aussi se prononcer sur le texte.