Moscou vise délibérément les infrastructures agricoles ukrainiennes


AFP le 21/05/2025 à 15:00

La Russie cible délibérément et méthodiquement les infrastructures agricoles de l'Ukraine pour, à terme, se substituer à elle en tant qu'exportateur mondial majeur de céréales, affirme mercredi la fondation juridique néerlandaise Global Rights Compliance (GRC).

Dans un rapport validé par les autorités ukrainiennes, dont le parquet général, GRC étudie les frappes russes dans la province d’Odessa, sur la mer Noire, entre juillet et octobre 2023, notamment « sur les ports de Tchornomorsk, Reni, et Izmaïl », et ayant visé à la fois les infrastructures et les récoltes céréalières.

Avant l’invasion russe de l’Ukraine en février 2022, l’Ukraine était le quatrième exportateur mondial de blé et de maïs.

Or, les opérations militaires russes « font partie d’un effort systématique pour démanteler le secteur agricole de l’Ukraine par l’occupation, la destruction des infrastructures et l’extraction illégale », affirme GRC, dont l’étude sera « bientôt partagée » avec la Cour pénale internationale (CPI) et la Commission d’enquête des Nations unies sur l’Ukraine.

« Elles forment un schéma qui s’étend, au-delà des ports, aux systèmes énergétiques, hydriques et environnementaux, provoquant des conséquences humanitaires, environnementales et de sécurité alimentaire mondiale ».

La responsabilité des plus hautes autorités civiles et militaires russes est évidente, aux yeux des auteurs du rapport. Le niveau de coordination des frappes requérait l’aval de l’état-major et, dans certains cas, une « décision » relevant du président russe Vladimir Poutine lui-même.

« Le ciblage des infrastructures agricoles » justifie le recours au terme juridique de « crime de guerre » dans le cadre des enquêtes internationales, a insisté dans un communiqué Catriona Murdoch, la vice-présidente de GRC.

« La protection des infrastructures civiles clés et des systèmes alimentaires dans les zones de conflit n’est pas seulement une obligation légale -, elle est essentielle pour sauvegarder les populations civiles et la sécurité alimentaire mondiale ».

En juillet 2023, Moscou avait claqué la porte de l’initiative de la mer Noire, sous l’égide de l’ONU et de la Turquie, qui permettait à l’Ukraine d’exporter sa production agricole par voie maritime. La Russie accusait les Occidentaux de ne pas tenir parole en ne levant pas certaines sanctions.

GRC souligne qu’après ce retrait se sont multipliées « des attaques contre les céréales et les infrastructures connexes situées dans les ports de la mer Noire et du Danube, précédemment utilisés pour exporter des céréales ».

La fondation estime à cet égard que la Russie « semble » avoir projeté de remplacer l’Ukraine en tant que « principal exportateur de grains dans le monde ». Car si son objectif principal était militaire, « on s’attendrait à voir plus de preuves d’attaques sur des objectifs militaires entourant ces installations, ce qui, selon une analyse des images satellites (…), était presque absent ».

De nombreuses déclarations de personnalités et de médias russes « montrent un soutien clair pour le ciblage de ces objets civils », poursuit GRC. L’organisation fait état de dommages ou de destructions infligés à plus de 101 000 mètres carrés de surface de stockage, ainsi qu’à des « machines essentielles » à la production et à l’exportation, estimant qu’ils impacteront à long terme la reconstruction de l’Ukraine, sa reprise économique, son environnement et la sécurité alimentaire mondiale.

« La justice n’est pas une déclaration politique – c’est un impératif légal et moral, essentiel à la dignité de chaque être humain », juge Youri Beloussov, le chef du département de lutte contre les crimes commis dans des conditions de conflit armé, auprès du procureur général ukrainien.

Le bureau du procureur « exhorte à une attention internationale continue tandis que l’Ukraine entre dans sa troisième année sous des attaques soutenues contre des infrastructures civiles essentielles », ajoute-t-il dans le communiqué de GRC.