Mercosur : les interprofessions agricoles pressent Paris de tenir sa parole
AFP le 04/09/2025 à 16:40
Les producteurs français de viande, de sucre, de bio-carburants ou encore de céréales, premiers secteurs menacés par l'accord commercial entre l'UE et le Mercosur, ont appelé jeudi la France à respecter son engagement contre ce traité.
« La France doit rester fidèle à la parole donnée aux filières agricoles (…) et entraîner ses partenaires européens dans une coalition de blocage capable d’empêcher la ratification et la mise en oeuvre » du texte, proposé mercredi par la Commission européenne, réclament-ils dans un communiqué commun.
« Car c’est bien la survie de nos filières, la confiance de nos consommateurs et l’avenir de nos territoires qui sont en jeu », ajoute le texte, signé par les interprofessions Elevage et viande (Interbev), de la volaille (Anvol), de la betterave et du sucre (AIBS), Intercéréales et Bioéthanol France.
Bruxelles a lancé mercredi le processus de ratification de cet accord, qui doit permettre à l’UE d’exporter davantage de voitures, machines ou vins en Argentine, au Brésil, en Uruguay et au Paraguay. En retour, le traité facilitera l’entrée de viande, sucre, riz, miel ou soja sud-américains.
Paris, qui menait l’opposition au sein des 27, a salué mercredi des garanties avancées par Bruxelles, mais ajouté avoir encore « besoin de (les) analyser ».
Pour les secteurs concernés par cette concurrence nouvelle, « c’est une véritable trahison : la France avait solennellement affirmé qu’elle ne signerait pas l’accord UE-Mercosur tant que l’agriculture européenne ne serait pas pleinement protégée ».
Les clauses de sauvegarde proposées par Bruxelles « ne sont qu’un écran de fumée », « trop lentes à activer et limitées dans le temps », déplorent jeudi ces acteurs, qui dénoncent en revanche l’absence de solution face aux distorsions de concurrence créées par des normes de production différentes entre les pays du Mercosur et l’UE.
Selon eux, les quotas d’importation à droits de douane réduits par l’accord représentent une valeur exposée d’au moins 2,87 milliards d’euros pour la viande bovine, la volaille et le maïs, visant en priorité les produits à forte valeur ajoutée.
Pour la filière sucre-éthanol, ce sont 190 000 tonnes de sucre (1,2 % de la production européenne) et 8,2 millions d’hectolitres d’éthanol (12 % de la production européenne, ou l’équivalent de la production française à partir de betterave).
A l’inverse, les spiritueux et surtout le vin français peuvent tirer parti de ce traité, qui prévoit de ramener à zéro des droits de douane aujourd’hui de 20-27 %, explique-t-on à la Fédération des exportateurs de vins et spiritueux (FEVS).
« Nous n’avons pas les mêmes craintes que d’autres secteurs, nous avons toujours dit que cet accord nous intéressait », a expliqué à l’AFP le directeur général de la FEVS, Nicolas Ozanam.
La filière n’a pas chiffré les bénéfices attendus, mais dans un contexte de conflit avec les Etats-Unis sur les droits de douane, toute diversification dans ses marchés est bienvenue, ajoute-t-il.
Au sein du Mercosur, le secteur vise surtout le Brésil, qui produit peu de vin et voit sa consommation croître. On reste cependant loin du marché américain, son premier marché (3,8 milliards d’euros de ventes l’an dernier, contre 70 millions réalisés dans le Mercosur).
« Nos filières agricoles ne peuvent être la variable d’ajustement de cet accord », avait réagi mercredi la ministre de l’agriculture Annie Genevard, pour qui l’accord doit s’« accompagner de mesures-miroir et d’un véritable renforcement des contrôles (…) pour que les produits importés respectent nos normes ».