Mercosur : la France met en garde contre un « passage en force » de Bruxelles


AFP le 25/06/2025 à 17:45

La ministre française de l'agriculture a haussé le ton jeudi contre la Commission européenne qu'elle accuse de vouloir « passer en force » sur l'accord entre l'UE et des pays sud-américains du Mercosur, mais l'incertitude plane quant à la capacité de la France à bloquer cet accord commercial.

« Les inquiétudes sont vives parce que la Commission veut passer en force. C’est très grave. Les Etats n’ont pas été véritablement associés à la négociation. Les agriculteurs encore moins », s’est insurgée Annie Genevard aux côtés de son homologue polonais Czeslaw Siekierski, qui partage ses inquiétudes.

« Nous sommes rejoints dans notre combat par la Hongrie, l’Autriche, l’Irlande, les Pays-Bas, la Roumanie, l’Italie, qui ont fait part de leur forte préoccupation. Il faut que la Commission ait la majorité qualifiée pour pouvoir faire adopter ce texte. Ce n’est pas gagné », a-t-elle ajouté, citant aussi l’engagement de la Belgique.

Ces pays ont émis des réserves mais tous n’ont pas clairement indiqué s’ils s’abstiendraient ou s’ils voteraient contre.

La minorité de blocage – au moins quatre Etats membres du Conseil, représentant plus de 35 % de la population de l’Union européenne – ne semble donc pas acquise à la ministre, qui affirme depuis des semaines en être proche, tout en étant « sûre de rien », et a multiplié les déplacements pour bloquer l’adoption du traité commercial entre l’Union européenne et des pays du Mercosur (Brésil, Argentine, Uruguay, Paraguay).

« Nous pourrions faire une déclaration commune (avec le ministre italien, NDLR) ce vendredi à Rome. L’Italie a les mêmes réserves que nous », a-t-elle affirmé mercredi, bien que le pays, poids lourd dans le vote, n’ait pas clairement indiqué sa décision.

Un responsable européen a affirmé mardi que la « proposition pour une signature et une conclusion serait adoptée par la Commission avant la fin du mois » de juin.

« Certains parlent du 30 juin, on ne sait pas. Mais en tout cas, si la Commission d’aventure avait la tentation de passer rapidement et en force, elle nous trouvera (…) sur son chemin », a menacé Annie Genevard, ajoutant que cela serait susceptible de « remettre les agriculteurs dans la rue ».

« Quel sens aurait une décision prise par la Commission alors même qu’une majorité n’y serait pas favorable », a-t-elle encore dit.

La Pac aussi « menacée »

Le texte prévoit la possibilité pour l’UE d’exporter notamment davantage de voitures, de machines ou de spiritueux. En retour, il faciliterait l’entrée de viande, sucre, riz, miel ou soja sud-américains.

Le commissaire européen à l’agriculture Christophe Hansen a lui déclaré mardi que les garanties pour protéger les agriculteurs d’une concurrence déloyale étaient suffisantes et a rejeté l’idée d’un « protocole additionnel » évoquée par le président Emmanuel Macron lors de la visite du président brésilien Lula, qui pousse pour une adoption rapide.

Mercredi, Annie Genevard a déclaré qu’il revenait au président d’expliquer en quoi consisterait un tel protocole additionnel.

Elle a affirmé avoir proposé mardi aux 27 ministres de l’agriculture, dont quinze y étaient favorables, une mesure prévoyant une « clause automatique » pour « tous les traités de libre-échange » concernant les « limites maximales de résidus » de pesticides dans les produits importés.

Ainsi, « aucun produit traité » avec un pesticide interdit en Europe ne pourrait « passer les frontières du marché européen », a-t-elle ajouté sans plus de détails. Interrogée sur les délais ou le véhicule législatif qui permettrait d’introduire cette clause, la ministre n’a pas répondu.

La charge d’Annie Genevard s’est aussi portée sur les « projets de la Commission concernant la politique agricole commune », alors que les négociations concernant la prochaine Pac commencent à peine.

Interrogé pour savoir si ces projets avaient été officiellement communiqués par la Commission, le ministère n’a pas répondu.

« La Pac est menacée dans son budget et dans son caractère commun (…) », a averti la ministre. Les hypothèses d’une fusion des fonds de la Pac avec des fonds fléchés vers d’autres secteurs et de sa renationalisation, évoquées à Bruxelles depuis des mois sans communication officielle de la Commission pour le moment, « est véritablement un danger », selon Mme Genevard.