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Céréales ukrainiennes

L’UE veut cesser les restrictions, Pologne et Hongrie résistent


AFP le 15/09/2023 à 22:05

Bruxelles a annoncé vendredi la fin de l'interdiction imposée par cinq États de l'UE sur l'importation de céréales ukrainiennes, en contrepartie d'un engagement de Kiev à maîtriser l'afflux de grains au risque d'un bras de fer avec Varsovie et Budapest qui entendent maintenir leurs restrictions.

La Commission européenne avait conclu fin avril avec cinq États membres (Pologne, Hongrie, Slovaquie, Bulgarie, Roumanie) un accord leur permettant de bloquer sur leur sol la commercialisation de blé, maïs, colza et tournesol ukrainiens afin de protéger leurs agriculteurs, à condition qu’ils n’empêchent pas le transit des céréales vers d’autres pays.

À la suite de la levée des droits de douane de l’UE en mai 2022, ces pays avaient vu affluer les céréales à prix bradé venues d’Ukraine, mais bloquées sur leur sol du fait de problèmes logistiques au lieu de rejoindre l’Afrique et le Moyen-Orient. Plusieurs avaient unilatéralement interdit l’importation, pour endiguer la saturation de leurs silos et l’effondrement des prix locaux.

Des restrictions que Bruxelles, gardien de la politique commerciale de l’UE, avait ensuite formellement autorisées puis prolongées jusqu’au 15 septembre, sous réserve que ces pays maintiennent le passage des grains vers d’autres destinations.

« Grâce à ces mesures temporaires, les distorsions de marché dans ces cinq Etats ont disparu », et l’amélioration des conditions logistiques a permis d’augmenter l’acheminement des céréales vers d’autres pays, s’est félicité la Commission. « En conséquence, les mesures existantes expireront aujourd’hui ».

Kiev, farouchement opposé aux restrictions, s’est félicité du « respect des règles du libre-échange »: « C’est un exemple de véritable unité et de confiance entre l’Ukraine et l’UE. L’Europe gagne toujours lorsque les règles fonctionnent et que les accords sont mis en oeuvre », a réagi le président Volodymyr Zelensky.

Soucieuse de donner des gages aux pays de l’Est, la Commission précise qu’en contrepartie, Kiev s’est engagé à adopter dans un délai d’un mois des mesures pour « éviter des envolées » des volumes de grains, par exemple via un système de licences d’exportation.

D’ici là, l’Ukraine mettra en place « des mesures efficaces » pour contrôler les exportations et éviter de déstabiliser les pays frontaliers. Kiev devra soumettre d’ici lundi soir un « plan d’action » à Bruxelles, qui promet de ne pas ré-imposer de restrictions « tant que les mesures prises seront pleinement efficaces ».

« Intérêts des agriculteurs »

Pas de quoi convaincre la Pologne et la Hongrie, qui ont aussitôt annoncé maintenir de façon unilatérale leur interdiction sur l’importation de céréales ukrainiennes.

Et ce en violation de la décision prise par la Commission, seule compétente sur la politique commerciale de l’UE -au risque, comme au printemps, d’un bras de fer politique et juridique avec Bruxelles.

« La Hongrie va fermer ses frontières à 24 produits ukrainiens », donc bien davantage que les quatre actuellement concernés, afin de « protéger les intérêts de nos agriculteurs », a indiqué le ministre hongrois de l’agriculture Istvan Nagy.

Et à un mois d’élections en Pologne, le gouvernement de droite populiste en fait « une question fondamentale ». « Nous défendrons sans aucun doute les intérêts des agriculteurs polonais », a déclaré le Premier ministre Mateusz Morawiecki, dont le parti Droit et Justice bénéficie d’un fort soutien dans les régions agricoles.

« Si les décisions de nos voisins violent le droit de l’UE, l’Ukraine réagira de manière civilisée », a prévenu M. Zelensky. Kiev menace de saisir l’Organisation mondiale du commerce (OMC) pour exiger une compensation.

« En cas de distorsion du marché qui justifierait une mesure de sauvegarde d’urgence », le retour de restrictions « reste une option », mais « de toute évidence, la meilleure solution serait que les États membres s’abstiennent de toute mesure unilatérale », a plaidé le commissaire au Commerce, Valdis Dombrovskis.

Une partie des Vingt-Sept, France et Allemagne en tête, s’étaient farouchement opposés d’emblée à ces restrictions, dénonçant des distorsions du marché unique.

Dans le même temps, les Européens s’efforcent de muscler tous azimuts les voies d’acheminement des céréales ukrainiennes vers le reste du monde après la fin mi-juillet de l’accord avec la Russie pour permettre le transit via la mer Noire.

L’UE a développé des corridors terrestres et fluviaux « de solidarité », à travers la Pologne et la Roumanie, qui ont permis d’acheminer 44,4 millions de tonnes de céréales ukrainiennes depuis le début de la guerre, soit 60 % de la production ukrainienne, afin d’approvisionner les pays consommateurs, notamment en Afrique.