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Les « prix planchers » d’Emmanuel Macron ne convainquent pas


AFP le 25/02/2024 à 18:35
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Et vous, que pensez-vous des prix planchers ? N'hésitez pas à partager votre avis dans les commentaires. (© Bruno/Pixabay)

Au lendemain de l'engagement d'Emmanuel Macron de « déboucher » sur des « prix planchers » pour mieux rémunérer les agriculteurs français, le syndicat majoritaire et les coopératives se montrent très réservées, présageant un recalibrage de l'idée.

Qu’a proposé Emmanuel Macron?

Samedi, au début de sa visite mouvementée du Salon de l’agriculture, le chef de l’Etat a formulé l’objectif « qu’on puisse déboucher » sur « des prix planchers qui permettront de protéger le revenu agricole ».

Ces « prix planchers », a-t-il esquissé, seront fondés sur des indicateurs déterminant ce que coûte à un agriculteur la production d’un kg de viande bovine ou mille litres de lait.

« C’est la chose la plus engageante qu’on ait jamais faite, ce qu’on est en train de se dire », a avancé Emmanuel Macron. Il a ajouté qu’il s’agissait de rendre ces indicateurs « opposables » dans les négociations entre les acteurs de l’alimentation.

Ce qui existe déjà

Dans le cadre des lois Egalim, censées protéger le revenu des agriculteurs, les organisations fédérant producteurs, industriels et distributeurs – aussi appelées interprofessions – doivent mettre au point un indicateur de coût de production qui fasse référence, notamment pour établir des contrats.

Ces indicateurs ont des fortunes diverses. Par exemple, l’interprofession Interbev publie un indicateur pour les éleveurs d’agneaux, censé garantir que l’éleveur puisse se rémunérer à hauteur de deux Smic par mois: entre 9,61 et 11,49 euros le kg en 2022. Mais cette même interprofession ne communique pas d’indicateur pour la viande bovine.

Ceux qui sont pour

La Confédération paysanne a immédiatement salué une mesure s’apparentant à sa revendication d’un prix minimum garanti. « Il faut qu’on m’explique les yeux dans les yeux comment on peut être contre ça », a déclaré la porte-parole de l’organisation, Laurence Marandola, samedi lors d’une conférence de presse.

Mais elle se dit « ultra vigilante » sur la manière dont va se traduire la parole présidentielle. La Confédération paysanne veut que ce prix plancher permette de couvrir non seulement les coûts de production mais aussi la protection sociale des agriculteurs (santé, retraites).

La France insoumise (LFI) y a aussi vu un lien direct avec sa proposition visant à encadrer le prix d’achat des matières premières agricoles aux producteurs. « Le truc de LFI, c’est (…) le gouvernement décide du prix du lait (…) ça c’est un truc du système soviétique », a rétorqué dimanche le ministre de l’Agriculture Marc Fesneau, sur CNEurope 1.

« On est pour le principe des prix planchers mais on attend de voir », dit de son côté à l’AFP Véronique Le Floc’h, à la tête de Coordination rurale, deuxième syndicat derrière l’alliance FNSEA/JA.

Les sceptiques

« Je ne pense pas que le souhait du président, vu la politique économique qu’il a menée depuis le début, soit de soviétiser l’économie », a remarqué de son côté le président du syndicat majoritaire FNSEA sur RTL et M6 samedi, expliquant avoir « demandé quelques éclairages ».

Le vocabulaire hérisse l’organisation : « Prix plancher, ça laisse entendre qu’il y a une sorte de conférence annuelle ou trimestrielle où on dirait « La viande, elle vaut tant » », souligne Arnaud Rousseau, aussi président du conseil d’administration du géant des huiles Avril.

« D’une région à l’autre on n’a pas les mêmes charges (…) le prix minimum on n’en veut pas, parce que sinon ça nous bloquerait le prix vers le bas et finalement nous ramènerait vers un Smic agricole », a, lui, objecté un des vice-présidents de la FNSEA, Luc Smessaert, sur TF1 samedi.

Le problème d’un système ouvert

Reste un problème : les lois Egalim encadrent les ventes de produits alimentaires aux grandes surfaces mais pas aux autres marchés. Les grossistes, les supermarchés, les restaurateurs, les cantines, mais aussi l’export… dans une économie « libérale, ouverte, mondialisée » où les acheteurs arbitrent en fonction du prix, rappelle Dominique Chargé, le patron de la fédération rassemblant 2 100 coopératives agricoles, qui réalisent 40 % du chiffre d’affaires de l’agroalimentaire français.

« Je n’ai pas le mode d’emploi, je n’ai pas la baguette magique qui me permette de faire fonctionner des prix planchers », déclare à l’AFP M. Chargé, président de la Coopération agricole, lui-même agriculteur en Loire-Atlantique.

« Pour garantir des prix planchers », il faut être en mesure de les répercuter dans le prix de vente, « ou qu’une puissance publique vous garantisse de couvrir la différence », dit-il, estimant qu’il y a d’autres moyens de fournir des prix « très rémunérateurs » pour les agriculteurs en collant aux besoins du marché.