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Guerre en Ukraine

Les principaux impacts sur le secteur agricole


TNC le 10/06/2022 à 09:05
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La guerre a généré de fortes craintes pour l’approvisionnement, ce qui conduit depuis fin février à des prix record sur les marchés des matières premières agricoles. Le colza a ainsi dépassé les 1 000 €/t sur Euronext fin avril. (©Adobe Stock)

Déclenchée le 24 février par le président russe Vladimir Poutine, l’invasion de l’Ukraine perturbe fortement le secteur agricole compte tenu du poids majeur à l’export des deux pays, et du rôle de la Russie dans la production d’engrais et d’énergie, engendrant des répercussions à tous les niveaux…

1 – Des exports bloqués et une production compromise

La quasi totalité des ports ukrainiens sur la mer Noire et la mer d’Azov sont bloqués depuis le début du conflit, ce qui empêche le pays d’exporter sa production agricole par voie maritime. Les transports de marchandises mis en place avec les pays voisins par le rail risquent de s’avérer peu efficaces, et il pourrait rester à l’Ukraine près de 5 Mt de blé, plus de 15 Mt de maïs et plus de 3 Mt d’huile de tournesol exportables à la fin de la campagne de commercialisation. La nouvelle campagne de production est, de son côté, compromise par les combats et par la pénurie de main-d’œuvre, d’intrants et de carburants.

2 – Une envolée inédite des cours des grains et des huiles

La guerre a généré de fortes craintes pour l’approvisionnement, ce qui conduit depuis fin février à des prix record sur les marchés des matières premières agricoles. Le colza a ainsi dépassé les 1 000 €/t sur Euronext fin avril, quand l’Indonésie a décidé de suspendre ses exportations d’huile de palme. Le cours du blé a atteint 438,25 €/t à la clôture du marché européen, après l’annonce de l’embargo de l’Inde sur ses exportations, et le maïs est monté jusqu’à 370 €/t.

3-  Un discours politique en faveur du « produire plus »

Réactualisé à la lueur de la crise sanitaire, le concept de souveraineté alimentaire a pris encore plus de sens avec le début du conflit et la crainte de pénuries, la Russie et l’Ukraine étant de gros producteurs de céréales et de tournesol. En réaction, la Commission européenne a autorisé, le 23 mars, l’utilisation des surfaces déclarées en jachères dans la campagne Pac 2022, pour accroître la production. La France a par ailleurs demandé que des objectifs de production soient fixés pour l’agriculture de l’Union européenne (UE).

4 – Les prix de l’énergie et des engrais explosent

La guerre russo-ukrainienne a renforcé la volatilité des prix de l’énergie, déjà à la hausse depuis début 2021. De fait, la Russie est le deuxième exportateur mondial de pétrole brut, et fournit 40 % du gaz consommé par l’UE. La flambée des prix du gaz dope les coûts non seulement de séchage, de transformation, mais aussi de fabrication des engrais azotés. Ceux-ci ont augmenté de façon exceptionnelle en mars, d’autant plus que le gouvernement russe a recommandé aux producteurs d’engrais de suspendre les exports. L’urée départ port atteignait ainsi 1 060 €/t le 25 mars. Les prix ont décliné ensuite, tirés à la baisse par une chute de la demande, une reprise de la production européenne et un surplus d’offre au Maghreb et au Moyen-Orient.

5 – Les prix du matériel et des emballages flambent aussi

En lien avec la flambée des prix de l’énergie, les prix des emballages ont poursuivi une forte hausse de l’ordre de + 20 %, alors qu’ils avaient déjà grimpé en 2021. Pour les agriculteurs, la hausse se répercute par exemple sur le prix du film d’enrubannage. Du côté du matériel agricole, au-delà de la pénurie de certains composants, liée aussi à la reprise économique qui a suivi les confinements, l’augmentation du prix de la tôle (plus de deux fois le prix de janvier 2022, et de trois fois celui de janvier 2021) fait logiquement grimper le prix des tracteurs et équipements.

6 – Le coût de l’alimentation animale sous tension

La flambée historique des prix des grains et des huiles a entraîné dans son sillage ceux de l’alimentation animale. Les hausses de prix pèsent sur le pouvoir d’achat des consommateurs : en France, l’étude menée par Allianz estime que le budget alimentaire par personne pourrait bondir de 224 € en 2022. Le tourteau de soja a dépassé les 600 €/t au mois de mars et celui du colza les 500 €/t. Les mesures prises en réponse au conflit (embargo américain sur le pétrole russe, restrictions à l’export de palme en Indonésie…) ont alimenté cette envolée, qui a poussé certains éleveurs à modifier leur stratégie d’approvisionnement.

7 – Inflation de l’alimentation humaine

Si les hausses des prix de l’énergie et des matières premières pèsent sur les prix alimentaires, elles pèsent également sur le pouvoir d’achat des consommateurs. En France, une étude de l’assureur Allianz estime ainsi que le budget alimentaire par personne pourrait bondir de 224 € en 2022. Cette estimation se base cependant sur l’hypothèse que les distributeurs répercuteraient sur leurs prix de vente 75 % de la hausse des prix qu’ils paient aux industriels du secteur agro alimentaire. Dans le monde, la situation fait craindre des crises alimentaires à venir. En mars 2022, tiré par la flambée des prix des céréales, l’indice FAO des prix alimentaires a battu son record absolu depuis sa création en 1990.