Accéder au contenu principal
Origine des produits

Les Douanes aussi mobilisées pour soutenir le « Made in France »


AFP le 14/05/2022 à 09:05

Les étagères sont encore relativement vides et un bureau attend son futur occupant, mais le nouveau Service de l'origine et du « Made in France » (Somif) des Douanes, basé à Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme), est déjà en plein travail en ce début mai.

Face à l’engouement des consommateurs pour les produits locaux, de plus en plus d’entreprises souhaitent afficher l’étiquette « Fabriqué en France », un précieux sésame délivré par les Douanes et derrière lequel se cachent des règles complexes et moins restrictives que celles d’autres labels.

Créé le 2 mai, le Somif rassemble une petite équipe de six personnes, dont la mission est d’indiquer aux entreprises qui en font la demande si leurs produits peuvent se prévaloir de l’appellation « Fabriqué en France ».

Depuis 2016, cette tâche était effectuée à Paris par des agents chargés d’autres missions mais « on a eu avec la crise sanitaire une explosion des demandes » des entreprises, explique Yann Ambach, chef du bureau de la politique tarifaire et commerciale aux Douanes.

Elles ont plus que triplé entre 2017 et 2021, pour atteindre 660 marquages « Information sur le +made in France+ » (IMF) délivrés en 2021.

Ce marquage se fonde sur les règles douanières européennes. Un système complexe pour déterminer l’origine d’un produit qui repose sur la nomenclature, un code attribué à chaque produit, viande, meuble ou bien industriel.

Pour obtenir l’IMF, un produit doit remplir des critères sur des niveaux minimums de transformation ou de valeur ajoutée réalisés en France (en général au moins 40% pour cette dernière), ou encore sur la part d’intrants venant de France.

« Dès qu’un produit est composé de plusieurs éléments, il faut se poser beaucoup de questions », souligne Emmanuelle Torregrossa, cheffe du Somif. Dans le cas d’un T-shirt, le fil peut venir d’Inde, l’étiquette d’Italie et il faut déterminer si ces éléments ont suffisamment été transformés en France« .

« Origine » ou « provenance » ?

Sur le bureau de Fleur Dubrulle, agente du service, le dossier d’un producteur de pâte à tartiner est ainsi en suspens, le temps de vérifier d’où viennent les noisettes utilisées dans la pâte. « Je me demande si l’entreprise n’a pas confondu l’origine et la provenance. La provenance est un terme plutôt logistique qui indique d’où arrive le produit, tandis que l’origine est relative au lieu de production des noisettes » , explique-t-elle.

Clément Jarjanette, cofondateur en 2018 en Corrèze de My Organic Infusion, spécialiste des tisanes aux plantes, est passé par ces vérifications.

L’essentiel du processus de production de cette société familiale est réalisé en France, mais quelques plantes, comme l’hibiscus ou le guarana, sont importées.«

« Pour obtenir son IMF en 2019, c’était complexe car on vend des mélanges d’espèces qu’on a eu beaucoup de mal à classifier. La tisane est une tradition française et il n’y avait pas de code spécifique » , raconte l’entrepreneur, en vantant « l’accompagnement » des Douanes.

Le marquage a permis à l’entreprise »d’avoir une plus grande exposition« en lui ouvrant l’accès aux salons du Made in France, assure-t-il.

Avec cette procédure, gratuite, l’administration veut soutenir la production française. « Ce qui nous intéresse, c’est la préservation de l’emploi « en accompagnant » le souhait de certaines entreprises de relocaliser tout ou partie de leur chaines de production » , argumente Yann Ambach.

Relocalisation

C’est pour cette raison que la société Carbiolice, qui développe un plastique compostable pour l’emballage alimentaire, a obtenu l’IMF fin 2020.

« On s’est dit que cela pourrait conforter un certain nombre de nos clients qui étaient dans un processus de rapatriement de leur production », explique Martin Stephan, directeur général délégué de Carbios, propriétaire de Carbiolice.

« On leur donnait la possibilité de dire que non seulement leurs ingrédients étaient locaux, mais qu’en plus leurs emballages seraient fabriqués avec des ingrédients +made in France+» , ajoute-t-il.

Le marquage des douanes a cependant une limite : il repose sur les déclarations des entreprises et aucune vérification sur site n’est faite par l’administration, même si la Direction générale de la concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes (DGCCRF) peut effectuer des contrôles a posteriori.

C’est la grande différence avec les labels privés, tel qu’Origine France Garantie (OFG), pour qui des organismes certificateurs analysent sur place les processus de production.

« Notre niveau d’exigence est plus élevé que le code des Douanes » , défend Gilles Attaf, président d’OFG, même s’il reconnait que le marquage des Douanes peut être utile comme un premier pas, si ça permet à une entreprise d’engager une démarche vertueuse.

Au risque, peut-être, d’entraîner une certaine confusion chez le consommateur, pas vraiment au fait de toutes ces subtilités.