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Nouvelle Pac

Les dossiers clés qui bloquent


AFP le 24/06/2021 à 16:11

Primes environnementales, mesures pour la biodiversité, mécanismes redistributifs, importations... Voici les points d'achoppement de la nouvelle Politique agricole commune (Pac) alors que reprennent jeudi à Bruxelles d'ultimes négociations entre eurodéputés et États de l'UE.

Ecorégimes

C’est l’outil-phare de la nouvelle Pac : des primes accordées aux agriculteurs participant à des programmes environnementaux plus exigeants ou recourant à des techniques vertueuses – au contenu largement défini par les États.

Les eurodéputés réclamaient initialement qu’ils représentent au moins 30 % des paiements directs aux agriculteurs. Les États se sont dits prêts à accepter un seuil de 25 %, avec une période de transition de deux ans. Pendant cette transition, les ministres proposent de réallouer ailleurs comme ils le souhaitent des fonds non utilisés sur ce pourcentage, au-dessus d’un niveau plancher de 20 %. Les parlementaires redoutent que ce mécanisme conduise à moins doter les écorégimes. « C’est une ligne rouge : si ce que vous ne dépensez pas pour (le verdissement de l’agriculture), vous le remettez au pot commun, c’est un incitatif énorme à ne pas faire de vert », observe Pascal Canfin, président (Renew, libéraux) de la commission Environnement au Parlement.

Au-delà du pourcentage, les eurodéputés réclament un encadrement strict des écorégimes et « l’alignement » cohérent des politiques nationales sur les objectifs du Pacte vert climatique et les cibles environnementales de l’UE (baisse de 50 % des produits phytosanitaires d’ici 2030, avec un quart des terres réservées au bio, par exemple). Les États renâclent : intégrer dans la PAC tous les objectifs environnementaux, juridiquement moins contraignants, est « impraticable ».

Biodiversité

Les eurodéputés souhaitent « conditionner » les versements à des principes agro-environnementaux – notamment en exigeant qu’un pourcentage des surfaces agricoles utiles soit réservé à la biodiversité avec des terres non cultivées rendues à la nature. Les modalités et la proportion (entre 3 % et 5 %) font débat.

Autre combat du Parlement : faire de la rotation des cultures un critère strict de la Pac, afin d’éviter les monocultures – au grand dam des grandes exploitations céréalières. Certains États, dont la France, pointent que, sur certains territoires dotés d’écosystèmes particuliers, la rotation est impossible et recommandent plutôt d’atteindre la même protection des sols via la diversification (deux cultures différentes sur la même exploitation). Le Parlement serait prêt à accepter des « solutions dérogatoires ponctuelles » selon l’eurodéputé Eric Andrieu (sociaux-démocrates), l’un des négociateurs. Les États demandent également d’exempter les exploitations de moins de 10 hectares, contre moins de 5 hectares pour les eurodéputés.

Redistribution

Autre question cruciale : comment éviter que la plus grosse part des fonds européens bénéficient aux exploitations géantes, voire qu’ils soient détournés par des agriculteurs « fictifs » ou la fraude, au détriment des petits agriculteurs ? Eurodéputés et Commission proposaient de plafonner les aides directes aux grandes exploitations, mais les États sont contre. En revanche, une part minimale du total des versements effectués par chaque État pourrait être réservée aux petits agriculteurs.

Droits des travailleurs

Les eurodéputés veulent conditionner les versements aux agriculteurs au respect d’un socle commun de normes sociales minimales protégeant les droits des travailleurs -les sociaux-démocrates en font leur totem. La plupart des États s’y sont opposés, et Lisbonne, qui occupe la présidence tournante de l’UE, a proposé comme alternative la possibilité d’aides pour accompagner certains investissements. Désormais, les eurodéputés demandent la possibilité de sanctionner les agriculteurs contrôlés en infraction par les autorités nationales, en retenant une partie des versements.

Commerce international

États et eurodéputés sont d’accord pour exiger des produits agricoles importés les mêmes standards environnementaux et sanitaires que pour la production européenne. Mais le Parlement veut aussi prendre en compte leurs modes de production et veut interdire l’importation de produits présentant des traces de pesticides bannis par Bruxelles pour des raisons environnementales. Les États, eux, s’inquiètent de contrevenir aux règles de l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Les eurodéputés font valoir que la Commission a déjà supprimé les tolérances à l’importation pour les pesticides nocifs à la santé humaine. La nécessité de « clauses miroirs » dans les accords commerciaux bilatéraux (qui assurent la convergence des standards de part et d’autre après signature) est également discutée.