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Ventes de vin

Les conséquences inattendues du Covid-19 sur la traditionnelle Foire aux vins


AFP le 07/09/2020 à 14:05

Et si l'épidémie de coronavirus permettait aux amateurs de vins de faire des affaires ? Exportations en baisse, ventes en restauration amputées d'un trimestre... Les professionnels cassent certains prix lors de la Foire aux vins, mais les experts doutent que cela suffise à relancer une consommation déclinante.

Cette année, « on peut faire de belles affaires, dénicher des vins de vignerons à moins de 10 euros vraiment délicieux » : le rédacteur en chef de La Revue du vin de France, Jérôme Baudouin, est enthousiaste. « Compte tenu de la crise, on sent que la grande distribution et les cavistes sont obligés de faire des efforts », sur l’offre comme sur les prix. Plusieurs raisons à cela : d’abord, la grande distribution doit déstocker. « Elle achète en primeur, par exemple les 2019 seront mis en vente en 2021. Cela représente des volumes considérables et on arrive maintenant à des 2018 qui doivent être mis sur le marché, plus des 2017 qu’on retrouve à des prix très intéressants parce que les enseignes ont besoin de récupérer de la trésorerie », explique-t-il.

18 % des ventes annuelles

Par ailleurs, la restauration absorbe habituellement une partie significative de la production viticole, mais est restée cette année plusieurs mois à l’arrêt. « On voit cette année des marques qu’on n’avait pas l’habitude de voir en grandes surfaces les précédentes », explique Jérôme Baudouin.

Enfin, complète Thierry Desseauve, du guide Bettane et Desseauve, « quand les marchés export s’effondrent ou se ferment, et que les marchés spécifiques comme la vente directe sont plus compliqués » en l’absence des touristes étrangers venus visiter les vignobles, « la grande distribution et ses foires aux vins apparaissent comme le seul de vecteur de diffusion ».

Cette année, les taxes américaines sur les importations des vins tranquilles de moins de 14 degrés, la crise à Hong Kong qui est l’une des plaques tournantes du commerce mondial du vin, ou encore la baisse des importations en Chine ont fait chuter le volume des exportations, expliquent les deux spécialistes.

Suffisant pour relancer un concept de foire aux vins en plein essoufflement ? Selon l’institut Nielsen, ces sept semaines de septembre et octobre représentent environ 1 milliard d’euros de chiffre d’affaires, soit encore 18 % des ventes annuelles du rayon vin. Mais la tendance est à la baisse depuis plusieurs années.

Plus largement, « depuis le début de l’année, les ventes globales de vin en France sont en légère baisse en volume, mais cela correspond exactement à la même tendance que l’an dernier qui était une décrue de la consommation », contextualise Marie-Henriette Imberti, déléguée générale aux affaires économiques du Comité national des interprofessions des vins à appellation d’origine et à indication géographique (CNIC). « C’est notamment le cas pour le vin de Bordeaux, qui attire moins les consommateurs. » En outre, poursuit-elle, « les consommateurs ont été plus prudents et ont fait plus attention à leurs achats en limitant les dépenses » pendant le confinement, achetant moins cher leur vin. « Il semble que la période estivale ait un petit peu changé la tendance », mais il faudra attendre fin septembre pour en être certain.

« Valorisation de la production »

Face au marasme, certains vignerons et négociants cherchent à se démarquer : le collectif Vignobles Gabriel & Co vient d’obtenir une certification commerce équitable « Fair for Life », qui atteste de « la mise en œuvre de partenariats équitables, de conditions de travail sûres et décentes, du respect des écosystèmes » ou encore « de la durabilité des pratiques agricole ».

« Ça nous a permis, avec un groupe comme Carrefour qui est notre partenaire historique dans la distribution, d’être mis en avant lors de cette foire aux vins, avec un taux d’engagement en magasins inattendu », revendique son président Jean-François Réaud. Il y voit un moyen de renouer avec un consommateur « aujourd’hui lié à des questions d’identité, de valorisation de la production », du respect de l’environnement…

Mais beaucoup reste à faire. « Les circuits commerciaux n’ont pas évolué, les professionnels ne savent pas toujours valoriser les produits, segmenter les clientèles, mettre en avant les marques », observe Thierry Desseauve. Face à « une offre gigantesque », le « consommateur lambda » a du mal à s’y retrouver. Un constat qui ne se limite pas à la période des foires aux vins.