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Interview D. Schelcher (Système U)

Les centrales européennes permettent de négocier d’égal à égal


AFP le 11/04/2024 à 10:45

Le patron du quatrième distributeur français, Système U, Dominique Schelcher, a défendu mercredi auprès de l'AFP les centrales européennes de la grande distribution, critiquées par les syndicats agricoles mais qui sont le moyen de « discuter d'égal à égal » avec les géants agro-industriels.

Pourquoi prenez-vous la parole dans Les Echos de jeudi au sujet des centrales européennes de la grande distribution ? 

« C’est un sujet à nos yeux trop fortement caricaturé, jusqu’à servir un peu de bouc émissaire facile. On est une des trois enseignes en France avec cette organisation et on voulait donc démystifier un certain nombre de choses à tête reposée.

En premier lieu, il est totalement faux de dire qu’on a monté ces centrales pour contourner la loi. Nous n’avons rien monté, nous avons rejoint une collaboration européenne qui existait déjà, montée par notre confrère allemand Edeka.

Dans notre contrat, il est écrit noir sur blanc qu’on s’engage à respecter les éléments (des lois) Egalim (censées protéger les revenus des agriculteurs, NDLR), ce qui nous différencie d’ailleurs des deux autres (centrales à l’étranger des distributeurs, E.Leclerc et Carrefour).

Il faut que les gens comprennent qu’on peut aussi respecter les éléments d’Egalim au niveau européen, la (sanctuarisation de la) part des matières premières agricoles dans la négociation, les clauses d’indexation et le respect de la date butoir dans les négociations. »

Des centrales européennes ont pourtant déjà été épinglées pour non-respect de la législation française…

« On pense qu’il est possible de concilier les deux, de résoudre notre problématique qui est de peser face à 40 multinationales mais aussi de respecter la part de matière première agricole. Il y a pratique et pratique, tout le monde n’est pas à mettre dans le même sac.

J’observe que c’est un sujet qui est complètement dans le spectre de la Commission européenne, d’autant que la France veut des avancées au niveau européen. Or la vision de la Commission européenne en la matière est très ouverte, en disant que ces centrales sont bonnes pour le pouvoir d’achat des Européens et qu’elles favorisent la concurrence.

Bien sûr, s’il s’agit de préserver et de favoriser le revenu des agriculteurs, mettons le cadre qu’il faut pour que ce soit préservé. Mais pour le reste, laissez-nous discuter d’égal à égal, regroupement d’enseignes contre les multinationales. Seul, Système U est un nain de jardin face à elles. »

Vous engagez-vous à ne pas faire évoluer la liste des entreprises qui doivent négocier au niveau européen, et donc à ne pas y intégrer par exemple une grosse PME française ?

« Notre volonté à nous est bien de se concentrer sur les 40 plus grosses entreprises. (…) De toute façon, pour nos partenaires à l’achat, faire monter une grosse entreprise française dont les produits ne sont pas vendus aux Pays-Bas ou en Allemagne, ça n’a aucun intérêt. »

Que se passe-t-il si un des industriels refuse de négocier au niveau européen ? Ses produits sont-ils déréférencés de vos rayons ?

« Cela change bien sûr notre regard sur lui mais en même temps, il est très difficile de se passer dans nos rayons des produits de ces 40 acteurs. Il y en a qui refusent d’intégrer la centrale (européenne, NDLR) et qui, pour autant, sont toujours en rayon. Donc bien sûr, la relation est vue différemment, mais on ne tire pas un trait complet, parce qu’on ne peut pas le faire. »

Vous dites aussi que ces centrales vous permettent de résister aux hard-discounters ?

« Il y a aujourd’hui tout un marché parallèle en France, qui n’est dans le radar ni des politiques, ni des médias. C’est une nouvelle génération de distributeurs avec Action en tête, ou Normal, des entreprises étrangères qui achètent au niveau international à ces mêmes 40 multinationales. Et nous avons des produits à prix cassés, qui ne sont souvent pas d’origine français, à des prix cassés et qui envahissent le marché français. »