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Pacte vert européen

Les appels à une « pause » créent des remous à Bruxelles


AFP le 24/05/2023 à 18:34
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Les appels à une « pause » sur les textes liés à la biodiversité créent des remous à Bruxelles.  (©Adobe Stock)

Après Emmanuel Macron, Alexander De Croo appelle à une « pause » dans la règlementation environnementale de l'UE, une position qui fait écho à celle de la droite européenne et déclenche l'indignation des écologistes.

Le président français « a ouvert la voie à une véritable guerre à la nature », a lancé mercredi l’eurodéputée française écologiste Marie Toussaint, soulignant les « réactions politiques », et notamment celle du Premier ministre belge, déclenchées par « les mots » du chef de l’Etat.

Alexander De Croo a jugé mardi soir qu’il ne fallait pas « surcharger la barque » en matière de normes environnementales, s’inquiétant des conséquences pour l’industrie. Il a estimé que les objectifs de réduction d’émission de CO2 étaient prioritaires mais qu’il fallait appuyer sur « pause » sur les textes liés à la biodiversité.

Une pause réclamée dès le 11 mai par le président Macron, qui présentait alors des projets de réindustrialisation de la France. Il a précisé ensuite que cette pause devrait se faire après l’adoption du Pacte vert européen.

Si l’essentiel du plan climat de l’UE –qui vise un objectif de neutralité carbone à l’horizon 2050– a été adopté (réforme du marché carbone, taxe carbone aux frontières, fin des ventes de voitures à moteur thermique…), les négociations patinent pour d’autres textes clefs de ce Pacte vert, sur la biodiversité, les pesticides ou les émissions polluantes des élevages.

Alexander De Croo « ne dit pas la même chose qu’Emmanuel Macron », assure l’eurodéputé Pascal Canfin (membre du parti français soutenant M. Macron, Renaissance), président de la commission Environnement au Parlement européen, interrogé mercredi par l’AFP.

« La position française, c’est on va au bout du « Green Deal » (Pacte vert), ensuite, on regarde ce qui restera à faire. Cela ne porte pas sur les textes actuellement en cours de négociation », a-t-il martelé.

Le Premier ministre belge a ciblé explicitement entre autres la loi de restauration de la nature actuellement en discussion, qui fixe des objectifs de biodiversité et suscite les inquiétudes des agriculteurs.

« Pas un menu à la carte »

Ce texte clef du Pacte vert proposé par la Commission européenne a fait l’objet de deux votes -consultatifs- de rejet, mardi et mercredi, dans les commissions agriculture et pêche du Parlement européen. Les votes de rejet ont rassemblé des élus d’extrême droite (groupes ID et ECR), de droite (PPE), mais aussi de Renew Europe (centristes et libéraux), divisés sur ce sujet.

À la tête de la commission de l’environnement, qui devra se prononcer à la mi-juin sur le texte avant un vote en plénière, Pascal Canfin, lui-même membre de Renew Europe, travaille actuellement à un compromis afin « d’essayer de garder le maximum d’unité possible du groupe » et « trouver le bon équilibre entre activité économique et protection de la nature ».

Les Verts ont fustigé ces votes « qui s’inscrivent dans une tendance politique générale de ces derniers mois à remettre radicalement en cause le Pacte vert (…) sur fond de rivalités politiciennes à un an des élections européennes ». Et comme ceux d’Emmanuel Macron, les propos d’Alexander De Croo ont suscité un tollé dans les rangs écologistes. Des « déclarations hallucinantes » pour le coprésident du parti belge Ecolo, Jean-Marc Nollet. 

Confronté aux critiques des eurodéputés de la commission agriculture, le vice-président exécutif de la Commission chargé du Pacte Vert, Frans Timmermans, a rappelé lundi que ce paquet n’était « pas un menu à la carte ». « Il n’est pas possible de dire qu’on soutient le Pacte vert mais pas l’ambition de restaurer la nature. Et il n’est pas possible de soutenir le résultat de la COP15 (de Montréal sur la biodiversité) en refusant de l’appliquer chez soi », a taclé le responsable néerlandais.

« Ce qui est assez inquiétant, c’est que la biodiversité est un élément clef pour atteindre nos objectifs climat », note Camille Defard, cheffe du Centre Energie de l’Institut Jacques Delors. « Cela nécessite je pense de réfléchir aux conditions dans lesquelles l’UE peut accompagner ce changement. Le problème est qu’au niveau européen on impose des standards, et après c’est un peu à chaque Etat membre de se débrouiller pour les atteindre. Or tous les Etats n’ont pas forcément les mêmes moyens pour cela », remarque-t-elle.