Foncier

Le statut de fermage trop favorable aux agriculteurs d’après la FNPPR


TNC le 04/06/2024 à 05:16
champ

Le statut de fermage est trop contraignant pour les propriétaires, d'après la Fédération nationale de la propriété privée rurale. (© TNC)

Lors de son congrès, le 14 mai, la Fédération nationale de la propriété privée rurale a fait un point sur le statut du fermage. Favorable aux fermiers, peu aux propriétaires, il doit, selon ces derniers, être transformé, pour éviter l’amenuisement des terres agricoles. Un équilibre de rentabilité entre bailleur et preneur est à trouver.

« Tout sauf le fermage ! » C’est, d’après Me Caroline Varlet-Angove, avocate en droit rural, ce que ses clients propriétaires déclarent systématiquement, lorsque leurs terres sont libérées. L’avocate intervenait, le 14 mai, à l’occasion du congrès de la Fédération nationale de la propriété privée rurale, FNPPR, aux côtés de Jean Terlier, député et auteur d’une proposition de loi sur l’évolution du statut de fermage, Benoît Bonnefoi, coauteur du rapport sur l’évolution des modes de portage du foncier et Benjamin Travely, notaire en droit rural.

Devant 450 bailleurs ruraux, les experts sont revenus sur les limites de ce statut, né après la Seconde guerre mondiale dans le but d’encourager le travail des agriculteurs et de subvenir aux besoins alimentaires du pays. En 75 ans, le fermage a pris une place considérable : près de 17 millions d’ha, soit 65 % de la surface agricole française, est louée pour son exploitation, estime Terre de Liens, une association visant à préserver le foncier agricole et à aider à l’installation. Très favorable à l’agriculteur locataire, aussi appelé preneur, le fermage est cependant peu rentable pour le propriétaire, qui peut par ailleurs rencontrer des difficultés pour mettre fin au bail et récupérer son bien. Face à ces contraintes, les propriétaires ruraux sont de plus en plus nombreux à renoncer à louer leurs terres, et à les laisser en friche ou à les exploiter via des entreprises de travaux agricoles.

7 % de la surface destinée à la location de terres agricoles en moins en 2023

Le 22 mai, la Safer révélait les chiffres des marchés ruraux de 2023 : le marché des biens loués enregistre une baisse de 7 % en surface, 7,4 % en nombre de transactions et 9,4 % en valeur. Un signal du désamour des propriétaires pour les baux ruraux. La France aurait en outre perdu 13 000 ha de surfaces agricoles au profit de l’artificialisation et 15 000 à 20 000 ha seraient achetés par des acteurs extérieurs au monde agricole, et détournés de leur usage, via des friches, du reboisement, de l’habitation particulière, etc.

« 150 000 agriculteurs vont partir en retraite dans les 10 ans à venir, c’est au moins 10 Mha qui vont changer de mains, a pointé Bruno Keller, président de la FNPPR, à l’issue du congrès. 40 % de ces départs vont intervenir dans les deux ans à venir. Si rien n’est fait, c’est la porte ouverte à des friches et à des investisseurs étrangers ». Car si ces surfaces se retrouvent en vente, les fermiers seront nombreux à ne pas être en mesure de les acquérir, alors que le prix des terres a augmenté de 1,5 % en 2023.

Une conjoncture plus défavorable encore pour l’élevage

L’accès au foncier pourrait alors être encore plus inaccessible aux éleveurs, qui subissent une conjoncture défavorable, entre décapitalisation et hausse des coûts de production en 2023. « Sur les terres d’élevage, peu fertiles, où le foncier n’est pas très cher, un éleveur ne peut produire que de l’herbe pour nourrir son troupeau, et compte tenu de la conjoncture, au moment de vendre sa bête, il aura perdu de l’argent, estime Patrice Joseph, président de la section nationale de la propriété rurale de la FNSEA. Quant aux zones plus productives, qui pourraient être propices à la polyculture élevage, elles ne bénéficient bien souvent pas des infrastructures de soin des bêtes, de collecte, abattage et transformation de la viande. Elles sont par ailleurs moins accessibles financièrement. »

L’une des pistes, notamment pour les éleveurs, consisterait à installer des panneaux photovoltaïques au-dessus des prés et prairies où paissent les bêtes. Le décret permettant le développement de l’agrivoltaïsme a été publié au Journal officiel le 8 avril. Sa notice atteste que des dispositions ultérieures devront préciser ce qu’il advient du bail en cas de fermage, et de la répartition de la valeur entre propriétaire, preneur et énergéticien. « Avec la signature d’un nouveau bail avec l’énergéticien, qui viendrait remplacer le bail rural, le propriétaire foncier pourrait perdre les quelques abattements fiscaux dont il bénéficiait s’il était en bail rural à long terme, pointe Patrice Joseph. Il va falloir également inclure le démantèlement des structures, qui représente un coût considérable. Qui va le payer ? » Le flou demeure sur les rapports de force que cette nouvelle activité pourrait engendrer.

Des leviers pour redonner au fermage de l’attractivité

Au congrès de la FNPPR, les pistes évoquées pour transformer le statut du fermage sont nombreuses : rendre l’état des lieux obligatoire, et son absence, sanctionnable, limiter le nombre de renouvellements automatiques du bail, autoriser et réglementer la sous-location pour un partage juste de la valeur, simplifier la résiliation du fermage en cas de défaut de paiement, supprimer la décote pour terres louées en cas de préemption par le preneur, permettre la cession du bail hors cadre familial, alléger la fiscalité. Autant de pistes qui avaient été soufflées par le député Jean Terlier à l’oreille de Marc Fesneau, qui a choisi de ne pas les retenir pour son projet de loi d’orientation agricole, discutée en ce moment à l’Assemblée nationale.