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Autonomie protéique française

Le plan protéines, insuffisant pour atteindre l’autonomie protéique française ?


TNC le 11/03/2021 à 06:03
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Dans le cadre du plan de relance, le gouvernement a réservé une enveloppe de 100 M€ destinée à soutenir la production française de protéines végétales. Si ce plan a été salué par la profession agricole, un certain nombre d’autres leviers seront nécessaires pour développer durablement une filière qui souffre aujourd’hui d’un fort déficit de compétitivité par rapport aux importations. Pour l’Institut du développement durable et des relations internationales (Iddri), il faut notamment investir dans la coordination des acteurs, la recherche variétale, les agroéquipements ou encore les industries.

Aujourd’hui, la production de légumineuses ne représente que 2 % de la surface agricole utile française. L’intérêt des acteurs économiques est plutôt faible, et la filière souffre d’un manque de structuration.

La situation s’explique par des décisions historiques liées aux négociations commerciales des années 1950-1960. En effet, en échange des mesures protectionnistes instaurées dans la politique agricole commune, l’Europe a accepté d’importer à droit nuls les légumineuses d’outre-Atlantique, et notamment le soja. Depuis, en dépit de plusieurs plans protéines, la filière peine à se structurer et à se développer. 

Les enjeux d’une production française

Si la pandémie a remis en avant l’importance de la sécurité et de la souveraineté alimentaire, les bénéfices d’une augmentation de la production de légumineuses vont au-delà de cet aspect stratégique. D’un point de vue agroécologique, l’introduction de légumineuses permet une meilleure gestion de la fertilité au niveau des territoires, réduisant ainsi l’empreinte climatique et la pression sur la biodiversité du secteur agricole.

De plus, l’augmentation des surfaces de légumineuses (fourragères et à graines) permettrait de renforcer l’autonomie fourragère des exploitations et de développer des filières d’alimentation animale 100 % françaises, avec des bénéfices environnementaux importants, notamment via la réduction des importations de soja responsable de déforestation importée. Selon l’Iddri, qui a publié en octobre une note, « Pour une transition protéique réussie, quelles mesures prendre ? », développer l’appareil de production agro-industriel permettrait par ailleurs de créer 1 000 emplois à temps plein. Enfin, une consommation plus importante de protéines végétales est recommandée par le Programme national nutrition santé (PNNS).

Malgré les difficultés structurelles, la filière peut se réjouir de plusieurs signes positifs : retour des légumes secs, développement des aliments à base de soja produit localement… De grandes entreprises ont également investi dans la transformation des protéines végétales, et de plus en plus de PME se spécialisent dans des étapes de transformation à forte valeur ajoutée, indique l’Iddri. Sans compter l’essor de la protéine en tant qu’ingrédient, dans l’industrie agroalimentaire et la nutrition spécialisée notamment.

Un accompagnement insuffisant ?

Dans le cadre du plan de relance, un nouveau plan protéines a été mis en place début 2021. Doté de 100 M€, il vise trois objectifs : augmenter de 40 % la surface de production de légumineuses sur trois ans, améliorer l’autonomie alimentaire des élevages, et soutenir la recherche et le développement. Le gouvernement souhaite atteindre un doublement des surfaces dédiées à la production de protéines végétales en France d’ici dix ans, ce qui représenterait 2 millions d’ha, et 8 % de la SAU française.

De son coté, l’Iddri considère qu’une simple politique de soutien aux investissements matériels ne sera pas suffisante « si elle n’est pas accompagnée d’une vision stratégique et économique pour la filière ». L’organisation identifie cinq types d’investissements à réaliser simultanément « pour permettre un réel déverrouillage du secteur ».

L’institut évoque ainsi l’amélioration simultanée du niveau de coordination entre acteurs de la filière et de leur connaissance des marchés, pour répondre de façon plus organisée et plus rapide aux opportunités de marché. Des investissements, difficiles à chiffrer, sont parallèlement nécessaires pour accompagner la recherche variétale, face à des rendements instables qui tendent à décourager les agriculteurs.

Au-delà des investissements dans l’agroéquipement, prévus dans le plan de relance, des fonds seront également à injecter dans les industries alimentaires, pour un budget chiffré à 1,1 milliard d’euros pour l’Iddri. Il serait réparti entre les trois principaux débouchés de la production : alimentation animale, alimentation humaine, et protéine ingrédient. Enfin, un dernier type d’investissements concerne l’évolution des pratiques du consommateur, pour consolider le débouché alternatif aux légumineuses.

Sécuriser l’environnement de marché

Enfin, tous ces investissements ne seraient utiles que si des mesures sont déployées pour sécuriser les conditions de marché. Sinon, la compétitivité du soja importé sera toujours plus importante, et les producteurs français resteront dépendants des subventions, une situation qui explique notamment l’échec des précédents plans protéines.

« Une période de protection temporaire des productions françaises (et européennes) semble nécessaire pour que les entreprises puissent développer une sorte d’« industrialisation par substitution aux importations », estime l’Iddri. Pour y parvenir, l’institut préconise ainsi de mettre en place des barrières non tarifaires, un recouplage des aides de la Pac à condition qu’il n’y ait pas de plafond aux surfaces éligibles et que les méthodes utilisées soient compatibles avec la transition agro-écologique.