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Fraude au travail détaché

Le parquet toujours aussi sévère en appel contre Terra Fecundis


AFP le 17/11/2023 à 11:50

En première instance, l'entreprise espagnole Terra Fecundis avait été lourdement condamnée à Marseille en juillet 2021 pour son « business plan » de la fraude aux travailleurs détachés. Jeudi, le parquet de la cour d'appel d'Aix-en-Provence s'est montré aussi sévère, demandant la confirmation de ces peines.

Contre Terra Fecundis, rebaptisée Work for all, l’avocate générale, Régine Roux, a ainsi demandé la confirmation de l’amende de 500 000 euros, ainsi qu’une interdiction définitive d’exercer une activité de travail temporaire. « C’est la peine la plus efficace pour tenter que ce système cesse. Même si nous ne sommes pas au bout de nos peines », a-t-elle déploré.

La cour d’appel rejugeait depuis lundi ce dossier d’une vaste fraude aux règles européennes du travail détaché, orchestrée selon l’accusation par les trois fondateurs de Terra Fecundis, les frères Juan Jose et Francisco Lopez Pacheco et leur associé Celedenio Perea Coll.

Contre les trois hommes, la magistrate a également requis la confirmation de leur condamnation à quatre ans de prison avec sursis et 100 000 euros d’amende, soulignant « la lâcheté de ce trio de tête ».

De 2012 à 2015, Terra Fecundis avait envoyé plus de 26 000 travailleurs saisonniers sud-américains, en grande majorité équatoriens, pour travailler dans les entreprises agricoles françaises, principalement du sud du pays. La société, implantée à Murcie (Espagne), se prévalait du droit européen sur la liberté de prestation de services et donc du détachement de ses salariés restant soumis au droit social espagnol.

« Germinal dans les champs » 

Pour l’accusation, il s’agissait en fait d’un détournement des règles érigé en « business plan ». Sur ces quatre années, ce sont ainsi 37 584 contrats de mission qui avaient été établis en France, contre 1 405 seulement en Espagne.

L’Urssaf avait elle estimé à plus de 80 millions d’euros le montant des cotisations sociales éludées. Ce qui en fait, selon Me Jean-Victor Borel, l’avocat de cet organisme recouvreur, « la plus importante affaire de fraude sociale dans l’histoire judiciaire française ».

Me Vincent Schneegans, avocat de la CFDT agroalimentaire, qui s’est constituée partie civile, a plaidé que Terra Fecundis « avait délibérément choisi de priver des milliers de salariés du bénéfice du droit du travail français, s’affranchissant de la majoration des heures supplémentaires, des temps de repos… » Le syndicat a aussi dénoncé des conditions de travail et de logement de ces salariés « dégradantes et indignes ».

Devant le tribunal correctionnel de Marseille, en 2021, le procureur avait parlé de « lieux où on ne pourrait même pas héberger des animaux »: « Avec Terra Fecundis, c’est Germinal dans les champs, la Bête humaine est devenue une entreprise de travail temporaire », avait accusé le magistrat, en invoquant Emile Zola.

Au-delà du triumvirat à la tête de Terra Fecundis, la cour d’appel rejugeait également quatre autres prévenus qualifiés de « complices » par l’avocate générale, quatre salariés travaillant en France pour le compte de la société espagnole en lien avec les exploitations clientes gérant le travail et l’hébergement des ouvriers sud-américains. Contre eux, l’avocate générale a également requis la confirmation des peines de première instance, qui s’étalaient de 12 mois à 2 ans de prison avec sursis.

Ce procès en appel doit s’achever vendredi avec les plaidoiries de la défense, qui entend convaincre la cour de prononcer une relaxe de l’ensemble des prévenus.