Le Mercosur en sommet, l’oeil sur le sort de l’accord de libre-échange avec l’UE
AFP le 02/07/2025 à 11:30
Les pays sud-américains du Mercosur se réunissent jeudi à Buenos Aires en sommet des chefs d'Etat, un oeil tourné vers Bruxelles où se joue l'avenir de l'accord de libre-échange entre l'UE et le bloc sud-américain, un autre sur la proximité crispée entre Lula et Javier Milei.
Le Brésilien Luiz Inacio Lula da Silva (gauche) doit à l’issue du sommet semestriel assumer la présidence du bloc régional (Brésil, Argentine, Uruguay, Paraguay, Bolivie), prenant la suite de l’ultralibéral argentin Javier Milei. Duo à l’inimitié notoire, dont l’interaction à Buenos Aires est une des inconnues du sommet.
D’autant que la première opposante de M. Milei, l’ex-présidente péroniste (centre-gauche) Cristina Kirchner, détenue à domicile depuis mi-mai – avec visites limitées – après sa condamnation pour fraude, a demandé à la justice de pouvoir recevoir chez elle son vieil allié politique Lula. Rencontre vouée à pirater l’attention médiatique du sommet.
La justice ne s’est pas encore prononcée sur la requête de Mme Kirchner, a indiqué à l’AFP le juge Jorge Gorini.
Précédé mercredi d’une rencontre des chefs de la diplomatie, le sommet du Mercosur est voué à réaffirmer l’importance du traité de libre-échange avec l’Union européenne, signé fin 2024 au bout de 25 ans de négociations, mais qui doit être ratifié par les pays européens.
L’accord vise à créer un vaste marché de plus de 700 millions de consommateurs, qui permettrait à l’UE d’exporter notamment plus de voitures, machines, spiritueux vers l’Amérique du Sud.
En retour, il faciliterait l’entrée en Europe de viande, sucre, riz, miel ou soja sud-américains, au risque de fragiliser certaines filières agricoles européennes, suscitant l’ire et la mobilisation des agriculteurs français en particulier.
La France considère l’accord inacceptable en l’état, et veut le voir complété par des mesures additionnelles pour « protéger certains marchés agricoles clés », a récemment plaidé son président Emmanuel Macron.
Aussi Paris a récemment intensifié ses efforts auprès de pays européens pour les rallier et obtenir une minorité de blocage, alors que le texte juridique de l’accord pourrait être présenté « d’ici quelques jours » au vote des Etats-membres, selon la Commission européenne.
Lula, à Paris en juin, a exhorté M. Macron à conclure l’accord, mais que peut réellement le Mercosur ? « Aujourd’hui, la balle est dans le camp de l’Europe », résume pour l’AFP Ariel Gonzalez Levaggi, du Centre d’études internationales de l’Université catholique de Buenos Aires.
« Or, la marge de manoeuvre domestique pour faire avancer l’accord y est désormais plus réduite », d’autant que « l’Europe doit faire face à plusieurs fronts, dont l’augmentation des dépenses de défense, pas très populaire », estime M. Gonzalez Levaggi. Cela malgré l’intérêt de l’Europe à approfondir ses liens avec l’Amérique du Sud.
« Léthargie » du bloc
En outre, pendant que le traité se joue en Europe, une avancée concrète du sommet devrait être la signature d’un accord infra-Mercosur sur une liste accrue de produits exemptés du tarif extérieur commun du bloc, a déclaré récemment Gisela Padovan, responsable Amérique Latine et Caraïbes au ministère brésilien des Affaires étrangères.
Cet accord, atteint en avril par les chefs de la diplomatie du Mercosur, répondait à une demande de l’Argentine « découlant de la situation mondiale sur la question tarifaire », en l’occurrence la guerre commerciale américaine.
Avancée qui suggèrerait au passage que M. Milei, qui a par le passé menacé de quitter « si nécessaire » le Mercosur pour poursuivre son rêve de libre-échange avec les Etats-Unis de Donald Trump, continue de jouer dans le bloc.
Une annonce pourrait également intervenir sur la finalisation d’un accord commercial entre le Mercosur et l’Association européenne de libre-échange (AELE) qui regroupe Norvège, Islande, Liechtenstein et Suisse, selon des sources en amont du sommet.
Avancées bienvenues pour un Mercosur qui avance « par inertie, comme atteint entre les sommets par une sorte de léthargie », analyse Juliana Peixoto, chercheuse en relations internationales au Conicet.
La faute sans doute « à une relation Brésil-Argentine qui traverse un de ses pires moments, en termes d’absence de convergence politique », malgré un « noyau d’échanges commerciaux stables ». Le Brésil est le premier partenaire commercial de l’Argentine.
L’ultralibéral Milei et le président de gauche Lula ont une relation notoirement glaciale, M. Milei ayant par le passé eu des mots durs envers le « communiste corrompu » brésilien, qui en retour a dénoncé les « nombreuses sottises » de son homologue argentin.
Le ton a baissé, les relations diplomatiques se sont apaisées, mais les deux dirigeants n’ont jamais eu de relation bilatérale en un an et demi de présidence Milei, bien qu’ayant participé à plusieurs forums communs depuis.