Le marché français du lait reste « sous tension » malgré l’embellie
TNC le 23/05/2025 à 15:00
Si les prix du lait ont progressé depuis 2021 et contribué à améliorer les trésoreries, l’économiste Thierry Pouch souligne que la bonne orientation du marché pourrait ne pas durer, entre tensions sur l’offre hexagonale et incertitudes commerciales à l’international.
Dans son édito pour la lettre économique des chambres d’agriculture du mois de mai, l’économiste Thierry Pouch revient sur la dynamique inédite que le marché du lait connait ces trois dernières années : les prix progressent depuis 2021, « se situant aux alentours des 485 €/1 000 l avant de cheminer jusqu’aux 500 € en février et mars derniers » en France.
Une performance quand on se remémore les années sombres qui ont suivi la fin des quotas laitiers en 2015, marquée par un effondrement des prix – jusque 270 €/1 000 l – et une longue crise pour les éleveurs laitiers européens.
Ce redressement est à la fois conjoncturel et structurel, note l’expert. D’un côté, la reprise économique post-Covid et la demande mondiale, notamment asiatique, ont contribué à stimuler les prix.
De l’autre, « des mouvements plus profonds ont conditionné le profil de l’offre de lait ». La collecte de lait en France continue de reculer (- 2,3 % en février 2025/février 2024), notamment en Bourgogne-Franche-Comté, Bretagne et Hauts-de-France, en lien avec la baisse du nombre d’éleveurs et à la décapitalisation du cheptel.
Prix record sur les marchés des ingrédients laitiers
Les effets de la MHE et de la FCO s’ajoutent à cette pression sur l’offre en France et en Europe… tandis qu’aux États-Unis, autre acteur important du marché laitier, la production chute sous l’effet de l’influenza aviaire, notamment en Californie, première zone productrice du pays.
Résultat : un manque d’offre qui propulse les prix du lait « à des niveaux inédits », encouragés aussi par les prix record sur les marchés des ingrédients laitiers. La tonne de beurre frôle ainsi les 8 000 euros, et la poudre de lait atteint des niveaux supérieurs à la moyenne des quinze dernières années.
Avec en parallèle un « affaissement des charges » ces derniers mois, les éleveurs retrouvent des marges positives, autour de 206 €/1 000 l en février.
Pour autant, le marché du lait et des produits laitiers reste « sous tension » selon Thierry Pouch, et sa bonne orientation « ne sera pas forcément pérenne ».
Crainte de manquer de lait chez les industriels
D’abord, le prix élevé du lait ne parvient pas à enrayer la baisse du nombre d’éleveurs et celle de la collecte, signe qu’il ne garantit pas l’attractivité du métier.
Côté consommation, les prix ne dissuadent pas les achats de produits laitiers (surtout de yaourts, desserts, crème et fromages frais), ce qui provoque chez les industriels la « crainte de manquer de suffisamment de lait pour honorer une demande qui se porte bien », « au point de se demander s’ils ne seront pas contraints, à terme, de s’approvisionner en dehors des frontières hexagonales ».
« Un gros nuage noir s’annonce » aussi sur le volet du commerce international si Donald Trump décide finalement de mettre en place des droits de douane supérieurs au socle de 10 % pour l’instant en vigueur d’ici à juillet.
Ces tensions commerciales avec les États-Unis pourraient impacter les éleveurs et industriels français car elles risquent de sévèrement affecter les exportations de fromages : bien que « moins exposée que ses partenaires européens », la France a exporté pour 350 millions d’euros de produits laitiers vers les États-Unis en 2024, dont près des deux tiers en fromages.