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Sécurité alimentaire

Le « mal-être » de la DGCCRF entre baisse d’effectifs et missions élargies


AFP le 21/11/2022 à 10:14

C'est un maillon essentiel de la sécurité alimentaire, mais ses capacités de contrôle interrogent : la DGCCRF, service dépendant du ministère de l'Economie, a vu ses effectifs fondre alors que ses missions s'élargissaient, au gré des priorités gouvernementales.

Début septembre, l’association Foodwatch, militante d’une plus grande transparence dans le secteur agroalimentaire, lançait une vaste campagne pour dénoncer l’« inflation masquée » consistant à vendre en supermarché des produits plus petits pour un prix équivalent, phénomène autrement appelé la « shrinkflation ».

Foodwatch précisait bien que la pratique n’avait rien d’illégale, mais Olivia Grégoire, ministre déléguée au commerce, a rapidement réagi sur Twitter en « demandant à la DGCCRF de mener immédiatement une série de contrôles ».

« On a été content de voir la réaction de la ministre, mais on a du mal à comprendre quelle a été la mission de la DGCCRF, et qu’est-ce qui a été contrôlé ? », se demande Camille Dorioz, responsable des campagnes de Foodwatch.

Selon le cabinet de la ministre, 330 établissements ont été contrôlés et 31 avertissements ont été donnés dans le cadre de cette enquête qui s’est achevée le 14 octobre. Mais seules 4 amendes ont été délivrées pour un montant global « assez faible », de l’aveu même des équipes d’Olivia Grégoire.

« Perte de sens »

Pourquoi une telle célérité de la DGCCRF ? Le cabinet d’Olivia Grégoire défend une initiative partiellement pédagogique, aussi bien à destination du public que des professionnels, « pour ne pas ajouter de crispation dans ce contexte assez tendu sur les prix ».

Sous couvert d’anonymat, un enquêteur de la DGCCRF regrette de son côté « un coup de com’ ». « Ce sont des enquêtes qui se rajoutent aux autres, et tout cela dégrade les conditions de travail ».

« Sur le Covid-19, les carburants, ou la ‘shrinkflation’, on s’est retrouvé à faire des enquêtes qui sont plutôt des opérations de communication », ajoute un autre, ayant également requis l’anonymat et regrettant « une perte de sens du métier. » Un récent rapport de la Commission économique du Sénat a alerté sur un important « mal-être » des agents de ce service décrit comme un « pivot de l’écosystème administratif chargé de la protection du consommateur et du bon fonctionnement de la concurrence ».

« C’est une réalité, il y a une nécessité de stabilisation de ce service à qui on demande beaucoup » alors qu’il a connu « beaucoup trop de pertes d’effectif, à Paris comme dans les territoires », avertit la co-rapporteure, Frédérique Espagnac (PS).

En 2021, les quelque 2 812 Equivalents Temps Plein Travaillés (ETPT) de la DGCCRF ont mené plus de 133 000 contrôles dans 91 209 établissements, un chiffre prenant en compte les sites internet.

Le syndicat majoritaire, Solidaires CCRF & SCL « partage la nécessité de renforcer les effectifs, dans une administration qui a perdu près de 1 000 agent.e.s en 15 ans », a-t-il réagi dans un communiqué.

Transfert à l’Agriculture

Le projet de budget 2023 prévoit, selon le syndicat, de doter le service de 84 ETPT supplémentaires notamment « en vue des Jeux Olympiques et Paralympiques » de 2024 selon Bercy. Mais 60 d’entre eux doivent être « transférés au ministère de l’agriculture avec les missions historiques de sécurité sanitaire des aliments », regrette encore le syndicat.

En mai dernier, le ministère de l’agriculture avait annoncé récupérer cette compétence de la DGCCRF, qui est elle placée sous la tutelle du ministère de l’économie.

L’objectif de ce transfert surprise était d’améliorer l’efficacité des contrôles, dans un contexte marqué par plusieurs scandales alimentaires, des pizzas Buitoni contaminées à la bactérie E. coli et des Kinder à l’origine d’une épidémie de salmonellose en Europe.

Si Frédérique Espagnac voit dans ce transfert qui doit être mis en place en 2023 une « opportunité pour favoriser le recentrage des missions » de l’instance, un enquêteur de la Répression des Fraudes regrette qu’« on nous supprime 1 000 postes pour ensuite nous dire qu’on n’a plus les moyens de tout faire ».